De la 2G à la 4G
Cet article est le premier d’une série dont le but sera de plonger au cœur de la technologie mobile de 5ème génération, appelée 5G, et en particulier au cœur des technologies qui lui permettront d’être à la hauteur des attentes qu’elle véhicule.
Cet article introduit les concepts fondamentaux d’architecture des réseaux de téléphonie mobile en présentant macroscopiquement leurs évolutions, de la 2G à la 4G.
Structure générale d’un réseau mobile
Avant toute chose, il faut savoir que les réseaux mobiles (2G, 3G et 4G) reposent sur une structure globalement identique :
- Un réseau d’accès radio (RAN : Radio Access Network): intégrant la technologie radio (notamment des antennes), il a pour fonction d’acheminer les informations depuis l’utilisateur (celui qui utilise son téléphone) jusqu’au réseau cœur
- Un cœur de réseau (appelé souvent Core), qui traite :
- De l’acheminement du trafic utilisateurs vers sa destination
- De fonctionnalités transverses (ex : identification de l’usager, sécurité, passerelle avec d’autres réseaux, itinérance …)
Dans la suite de cet article, un focus sera réalisé sur le fonctionnement de la 2G et servira de base pour présenter les évolutions dans les générations suivantes des réseaux mobiles : 3G, 4G et maintenant 5G.
La 2G ou « GSM », une technologie de téléphonie mobile
À ses débuts, la 2G, qui a fait son apparition dans les années 1990, est une technologie qui répond uniquement au besoin de téléphonie mobile. On ne parle pas encore de transporter de la data (ou alors marginalement : SMS) et encore moins d’Internet Mobile.
Son réseau d’accès radio, appelé BSS (Base Station System) est composé de :
- BTS (Base Transceiver Station) : émetteur / récepteur (antenne) gérant une cellule (c’est-à-dire une zone du territoire)
- BSC (Base Station Controller) : station de contrôle qui a un rôle de concentrateur de flux et de gestion de la ressource radio pour plusieurs BTS
Son cœur de réseau, appelé NSS (Network Sub System) est composé principalement de :
- MSC (Mobile services Switching Center) : il gère l’acheminement des appels à travers le réseau et l’acheminement des données de contrôle (ex : les données d’identification de l’abonnée), c’est un commutateur de réseau
- VLR (Visitor Location Register) : base de données locale qui contient les profils de tous les abonnés présents dans la zone gérée par le VLR
- HLR (Home Location Register) : base de données globale du réseau GSM (contient les profils des abonnés, leur localisation et des éléments pour la gestion de la sécurité)
Pour illustrer les fonctionnalités de chacune de ces briques, il est pertinent de regarder un exemple concret d’un usager (Jean) qui souhaite téléphoner à un autre usager (Paul).
Tout d’abord, Jean allume son téléphone, il est alors localisé au sein du réseau de la façon suivante :
Ensuite, Jean compose le numéro de Paul qui est déjà localisé au sein du réseau cellulaire, dans une autre zone que celle de Jean (autre MSC).
Et si une personne voulait, via son téléphone fixe appeler Jean ou Paul ?
Il existe également des MSC qui servent de passerelle (appelés dans ce cas la « gateway MSC ») avec la téléphonie fixe. L’établissement de l’appel serait réalisé de façon quasiment similaire.
À noter que certaines briques n’ont pas été représentées (notamment l’AuC – Authentication Center, et l’EIR – Equipment Identity Register) car jugées non nécessaires à la compréhension globale de la 2G.
En attendant la 3G, des évolutions de la 2G : GPRS puis Edge
Suite à la 2G, et dans l’attente de la 3G, le réseau GPRS appelé également 2,5G a fait son apparition.
Ce réseau présente une modification majeure au niveau du réseau cœur, il introduit l’utilisation d’un réseau en mode commutation de paquet (comme Internet) pour le transport de données, en parallèle du réseau en mode circuit conservé pour l’acheminement des communications téléphoniques.
Dans la commutation de circuit, un circuit virtuel est établi à l’initialisation de la connexion entre l’émetteur (appelant) et le récepteur (appelé), en réservant une bande passante sur chacun des liens physiques utilisés en support à la connexion. La bande passante réservée est alors dédiée à cette communication pendant l’intégralité de l’échange. Un protocole de signalisation est nécessaire pour établir le circuit et le relâcher en fin de communication.
Le mode circuit a été la base des réseaux téléphoniques (RTC et RNIS) pendant de nombreuses années (jusqu’à l’avènement de la Voix sur IP et de la téléphonie couplée aux box Internet). Les communications téléphoniques sont effectivement adaptées à la commutation de circuit : une durée généralement suffisante pour justifier l’établissement d’appel, et un débit constant. Il a donc naturellement été reconduit dans le GSM pour la téléphonie mobile.
En revanche, les échanges de données comme sur Internet ne sont pas adaptés à la commutation de circuit. Leur caractère sporadique, la forte variabilité des débits (burst) et le besoin d’être toujours connecté s’adaptent mieux aux réseaux en mode paquet. C’est le choix retenu pour le protocole IP constituant la base d’Internet.
C’est l’utilisation d’un mode paquet, qui a permis au réseau GPRS d’offrir un débit data 8x plus grand que le GSM (passage de 14,4 kbps à 114kbps), et ainsi de commencer à raccorder les mobiles à Internet. Les débits restent néanmoins insuffisants pour avoir un usage d’Internet similaire à l’expérience du web sur le réseau Internet fixe (génération de l’ADSL). C’est le WAP qui est mis en place pour adapter l’expérience utilisateur au débit disponible sur le mobile.
À noter que le réseau cœur GPRS (en mode paquet) reste architecturé de manière similaire au réseau GSM :
- Le SGSN, Serving GPRS Support Node, est l’équivalent du MSC (commutateur) dans le réseau GSM
- Le GGSN, Gateway GPRS Support Node, est l’équivalent du GMSC (passerelle) dans le réseau GSM
Enfin, la technologie Edge appelée aussi 2,75G, a fait suite à la technologie GPRS et a permis de tripler le débit du GPRS en améliorant les techniques radios utilisées sur le réseau d’accès (RAN) sans nécessiter de redéploiement des BTS (antennes) et des BSC (stations de contrôle).
La 3G (UMTS), vers un usage multimédia
La 3G, ou UMTS (Universal Mobile Télécommunications System), marque le passage des systèmes de téléphonie à des systèmes tournés vers des services multimédia. Elle fait son apparition dans les années 2000. L’objectif est de débrider les débits pour enfin avoir une expérience d’Internet en mobilité similaire à celle de l’Internet fixe.
Pour parvenir à franchir un cap en termes de débit, de nouvelles bandes de fréquences plus larges et de nouvelles techniques radio vont amener à un renouvellement complet du réseau d’accès radio, appelé UTRAN (UMTS Terrestrial Radio Access Network). L’UTRAN est composé :
- De « Node B », qui correspondent aux BTS (antennes) utilisées dans les technologies de 2ème génération. Ils permettent de meilleures performances (meilleurs débits) notamment via une meilleure utilisation des ressources radio
- De RNC (Radio Network Contrôler), équivalent du BSC (station de contrôle)
À noter que lors du passage à la 3G, le réseau cœur évolue très peu. Dans son architecture, il est semblable au GPRS et au GSM. Des évolutions capacitives sont néanmoins nécessaires pour supporter les nouveaux débits du réseau d’accès radio.
A noter qu’à partir de la 3G on ne parle plus de MS (Mobile Station) mais de UE (User Equipment), cela marque le passage du GSM au Smartphone. C’est aussi le vrai démarrage de l’Internet mobile.
Enfin, à l’instar de la 2G, il y eu des évolutions de l’UMTS dans l’attente de la 4G, permettant de meilleurs débits (HSPA appelé H, HSPA+ appelé H+) et l’apparition de la diffusion vidéo sur mobile.
La 4G (LTE), passage à un cœur de réseau full IP
Apparue dans les années 2010, la 4G, ou LTE (Long Term Evolution), marque une rupture avec les précédentes technologies de réseaux mobiles avec le renouvellement du réseau d’accès radio d’une part et du réseau cœur d’autre part.
Le réseau d’accès radio, appelé e-UTRAN (evolved UMTS Terrestrial Network) n’a plus qu’un seul composant appelé e-Node B (Evolved Node-B). Il regroupe les fonctionnalités portées jusqu’à présent par le couple RNC / Node B en 3G, ou par le couple BTS / BSC en 2G Le fait de ne plus avoir de contrôleur centralisé (RNC ou BSC) permet de réduire la latence et d’augmenter la résilience en supprimant ce SPOC (Single Point Of Failure).
Le réseau cœur, appelé EPC (Evolved Packet Core), est lui entièrement basé sur la technologie IP (donc commutation de paquets). Le réseau à commutation de circuit disparait, et les communications voix sont transportées en IP comme sur l’Internet fixe.
À ses débuts, le réseau 4G basculait le mobile sur le réseau 2G ou 3G. L’utilisateur perdait alors sa connexion data 4G pendant les appels.
Rapidement, les réseaux cœur 4G ont supportés les flux de téléphonie, ce service est appelé VoLTE (Voice over LTE). Il permet notamment d’avoir une qualité de voix nettement supérieur aux communications sur réseau GSM qui historiquement étaient très fortement compressées pour limiter les débits sur la partie radio.
Au-delà du fait d’être entièrement IP, l’EPC sépare les équipements qui le compose en deux rôles distincts :
- Ceux utilisés pour acheminer les données utilisateurs (vidéo, mails, …). On parle de plan de données (Data Plane)
- Ceux utilisés pour gérer les données de contrôle propres au fonctionnement du réseau mobile 4G (identification de l’utilisateurs, sécurité, services souscrits…) On parle de plan de contrôle (Control Plane).
Les équipements du plan de contrôle sont :
- Les HSS (Home Subscriber Server), ayant un rôle similaire au HLR (base de données centralisée) avec des fonctionnalités supplémentaires
- Les MME, qui peuvent être assimilés à une « mémoire cache » régionale du HSS
Le plan de données est lui composé de :
- PGW (Packet Gateway), qui sert d’interface entre le réseau cœur de l’opérateur (EPC) et Internet
- SGW (Serving GateWay), qui est une passerelle régionale entre le réseau d’accès radio et le PGW.
Ce découplage du plan de données et plan de contrôle va permettre de faire évoluer chacun au rythme de ses besoins. Le plan de données va surtout évoluer pour suivre les capacités de données à acheminer, alors que le plan de contrôle va évoluer pour l’ajout de nouvelles fonctionnalités au sein du réseau. Cela permet de gérer le « scaling » et la consolidation de manière différente sur chacun des deux plans.
Une vue globale des réseaux à date
Ces technologies de réseaux mobiles se sont succédées mais n’ont cependant pas marqué la fin de leurs prédécesseurs. Alors que la 2G et la 3G recouvrent tout le territoire, la 4G elle est encore inégale selon les opérateurs et selon les régions.
Il y a donc une cohabitation de toutes ces technologies.
Pour faire suite à cette présentation macroscopique des évolutions de la 2G à la 5G, le prochain article aura pour objectif de présenter la 5G. En particulier, son architecture ainsi que les technologies envisagées au sein de l’accès radio et du réseau cœur.
Pour conclure, un résumé des 5 générations de téléphonie mobile :