Rappelons-nous, le mois dernier, Google essuyait un revers douloureux dans la guerre des brevets à laquelle se livrent actuellement les acteurs du mobile. Au terme de 19 tours d’enchères, l’alliance formée par Google et Intel laissait filer les quelques 6 000 brevets Nortel, chèrement acquis par le consortium Rockstar Bidco (réunissant Apple, EMC, Ericson, Microsoft, RIM et Sony), déboursant une somme totale de 4,5 milliards de dollars.
Grand perdant de cette affaire, le géant de Mountain View a, comme d’habitude, su se relever et créer la surprise en ce début de semaine, en annonçant le rachat du fabricant de téléphones mobiles Motorola Mobility, transaction évaluée à 12,5 milliards de dollars et permettant à Google d’ajouter non pas 6 000 mais 25 000 brevets à son portefeuille.
Armé de ces brevets, Google va pouvoir mieux défendre Android dans les procès en cours qui visent directement l’OS et les fabricants de terminaux (HTC, Samsung…). « Notre acquisition de Motorola va dynamiser la concurrence en renforçant le portefeuille de brevets de Google, ce qui nous permettra de mieux protéger Android des menaces anticoncurrentielles de Microsoft, Apple et d’autres compagnies », écrit Larry Page. Rappelons d’ailleurs que Microsoft poursuit actuellement Motorola… pour violation de brevets.
Une bonne nouvelle pour les consommateurs ?
À en croire les acteurs Android, tous positifs dans les communiqués de presse qui ont suivi l’annonce, le rachat de Motorola pourrait encourager Google à plus d’intégration verticale sur les smartphones Android, afin notamment de promouvoir ses services en ligne sur les terminaux mobiles. Les consommateurs pourraient donc voir dans les prochains mois des services comme Google Music beta, Android Market et Google+ intégrés par défaut au terminal, rejoignant ainsi Youtube, Google Maps, Google Navigation et autres Gmail. Une stratégie sans nul doute inspirée d’Apple, qui a fait de l’intégration verticale une de ses marques de fabrique.
Mais cette nouvelle suscite également la peur du côté des actuels fabricants « partenaires » de Google. Les analystes restent sceptiques et craignent pour l’ouverture d’Android et l’équité entre constructeurs. Une telle stratégie adoptée par le géant de Mountain View pourrait braquer les autres constructeurs de téléphones Android, percevant désormais « Googorola » comme un concurrent direct plutôt qu’un partenaire : comme le montre le graphique ci-dessus, Googorola représente 1/3 du marché Android. Ces fabricants pourraient dès lors se tourner vers des OS alternatifs, comme Windows Phone.
Microsoft tente d’ailleurs de tourner la situation à son avantage, et vante sa neutralité, déclarant traiter ses partenaires à égalité. « Investir dans un écosystème mobile vaste et véritablement ouvert est important pour l’industrie et les consommateurs, et Windows Phone est désormais la seule plateforme qui le fait avec des chances égales pour tous les partenaires », déclare Andrew Lees, le président de la division Windows phone chez Microsoft. Un discours qui peine cependant à convaincre, compte tenu de l’alliance formée avec Nokia… que Stephen Elop, le PDG du constructeur finlandais, présente déjà comme le « troisième écosystème », invitant au passage les fabricants de terminaux Android à se méfier de l’ogre Google.
S’ajoutant aux réaction du PDG de Nokia, celles de Lee Kun-hee, le président de Samsung. Celui-ci craint un renversement des rapports de force au sein des industries IT, avec des sociétés de software comme Google venant phagociter le marché des géants du hardware. Les efforts de Samsung devrait se focaliser sur le domaine logiciel et la société coréenne serait prête à envisager des fusions et acquisitions si nécessaire. Une belle bataille en perspective.