IOT : la guerre des technologies

Le salon Mobility for Business qui s’est tenu les 17 et 18 octobre derniers à Porte de Versailles proposait aux professionnels d’échanger autour des évolutions technologiques dans les différents usages des entreprises. Cette édition a fait la part belle à l’internet des objets – IoT -, lui consacrant une multitude de conférences et accueillant de nombreux acteurs concentrés sur ces nouveaux usages. Opérateurs télécom, constructeurs ou encore analystes se sont succédé lors des différentes tables rondes afin de dresser un portrait du paysage IoT actuel.

 

Ces différentes interventions ont mis l’accent sur l’importance du développement des technologies IoT dans les propositions des entreprises. Avec un parc d’objets connectés estimé à 30 milliards d’ici 2020, réinventer l’entreprise autour des nouvelles possibilités offertes par l’IoT se présente comme un challenge majeur pour les industries et les services d’aujourd’hui. Sur ce marché en plein essor, comment faire le tri entre les différentes promesses des technologies concurrentes ? Le DigitalCorner revient pour vous sur cette guerre des technologies afin de vous permettre d’y voir plus clair.

 

Les objets connectés : une multitude d’usages pour une multitude de secteurs

Les jours où le lapin Nabaztag représentait le fleuron des objets connectés sont bien loin de nous désormais. A l’époque, la collecte de données n’était pas centrale, tout comme les interactions avec d’autres objets connectés . On se concentrait alors davantage sur l’intelligence de l’objet et sur ses capacités intrinsèques. La tendance actuelle est bien différente, l’intelligence ayant tendance à naître d’un ensemble d’objets reliés entre eux, pluggés au cloud et permettant de suivre un grand nombre d’indicateurs. On se retrouve donc avec une multitude d’objets simples, peu intelligents, qui sont autant de neurones d’un réseau plus large. Ces interconnections d’objets permettent de créer de gigantesques toiles de capteurs dont les données, une fois analysées, permettent de générer de la valeur au-delà du simple monitoring. Prévention, optimisation des processus et des flux, localisation, les utilisations sont nombreuses, et l’amélioration d’un système IoT se retrouve facilitée par le découpage des fonctionnalités en capteurs simples. Ainsi, il n’est pas nécessaire de remplacer tout un parc de capteurs pour pouvoir débloquer de nouvelles fonctionnalités, il suffira d’ajouter au réseau existant des capteurs permettant de récolter les informations ciblées.

L’internet des objets favorise de cette façon la transformation de nombreux segments de marché, et les cas d’usage ne cessent de se multiplier. Gestion des ressources humaines, agriculture, environnement, santé, smart cities ou encore industrie : pour répondre à la demande toujours grandissante, l’IoT se divise désormais en différents secteurs répondant à des besoins fondamentalement différents. Cette multiplicité d’usages implique nécessairement l’apparition de technologies concurrentes, plus ou moins adaptées aux contraintes et besoins de chaque secteur. On retrouvera par exemple des technologies ayant une grande latence, et certaines proposant du temps réel.

Technologies LPWAN : une guerre entre les acteurs des réseaux IoT

Dans le secteur de l’IoT, les besoins des objets connectés sont très variables. Que ce soit en termes de portée d’émission, de consommation énergétique, de bande passante ou de taille de paquets à transmettre, les besoins des entreprises s’éloignent souvent des standards grand public que l’on peut rencontrer aujourd’hui. Si de prime abord, on peut penser que les réseaux Wi-Fi ou cellulaires sont parfaits pour connecter les objets entre eux, il apparaît que ces solutions ne sont pas les plus adaptées dans certains cas. En effet, ces protocoles ont été pensés pour permettre un échange régulier de paquets de tailles importante. Ils conviennent donc parfaitement à une utilisation plus complexe, comme celle des smartphones, mais sont inadaptés à certains besoins IoT. De fait, beaucoup des capteurs que l’on rencontre sur le marché aujourd’hui visent à fournir sporadiquement de petites quantités de données transportables sur de longues distances. De ces besoins sont nées les technologies LPWAN, pour Low Power Wide Area Networks. Ces dernières proposent des protocoles adaptés aux besoins de nombreux parcs d’objets connectés, à savoir :

  • Une couverture longue portée pour éviter le déploiement de trop nombreuses passerelles
  • Une faible utilisation énergétique pour garantir une durée de vie des batteries de l’ordre de la dizaine d’années
  • Un faible débit correspondant à la petite taille des paquets échangés
  • Un faible coût de production pour les émetteurs et récepteurs

Parmi la multitude de technologies présentes sur le marché, trois font particulièrement parler d’elles : Sigfox, LoRa et NB-IoT.Technologies IOT

Sigfox, précurseur des réseaux LPWAN

Sigfox est un opérateur de télécommunications français donnant son nom à la technologie propriétaire qu’il met à disposition des entreprises. Conçue en 2009, son fonctionnement se base sur l’utilisation de bandes des fréquences ISM (Industriel, Scientifique, Médical) disponibles sans licence pour transmettre de petites quantités de données. En effet, les communications par objet connecté au réseau sont limitées à 140 messages émis par jour (un toutes les 10 minutes) embarquant une charge utile de 12 octets, et 4 messages reçus par jour limités à 8 octets, le tout restreint à un débit fixe de 100 o/s. Pouvant opérer sur des distances allant jusqu’à 50km en milieu rural, Sigfox propose des couvertures larges et à bas coût pour des besoins concentrés autour de petites quantités de données. De plus, chaque passerelle Sigfox peut théoriquement être connectée à un million d’objets simultanément. La nécessité de travailler avec l’opérateur Sigfox pour se déployer à travers leur réseau représente un handicap, car l’entreprise ne couvre pas (encore) la totalité de la planète. De plus, et comme pour tout opérateur, Sigfox facture l’utilisation de son réseau à ses clients.

LoRaWAN, le protocole soutenu par des géants de la tech

Mise en avant pas la LoRa Alliance depuis 2012, cette technologie, tout comme Sigfox, permet des échanges de petits paquets sur de longues distances. Fonctionnant également grâce à l’utilisation de bandes ISM, cette dernière autorise cependant des échanges de paquets de plus grande taille allant jusqu’à 256 octets, de façon illimitée, et à des vitesses variables pouvant atteindre les 10ko/s. L’une des différences majeures entre les technologies Sigfox et LoRa tient dans l’ouverture de la technologie. En effet, là où un interfaçage avec Sigfox est nécessaire pour émettre sur leur réseau, n’importe qui peut développer son infrastructure privée LoRa (ce qu’ont d’ailleurs fait Orange et Bouygues Telecom). Le caractère ouvert du réseau a pour avantage principal de ne pas limiter l’utilisation de la technologie aux zones géographiques couvertes par un opérateur. Chaque entreprise peut déployer une passerelle, et y connecter jusqu’à 15000 objets.

NB-IoT, le réseau mobile adapté à l’internet des objets

Pouvant s’apparenter à une version à bas débit des réseaux cellulaires LTE et développée par la 3GPP (un organisme de standardisation des protocoles télécom), NB-IoT est la plus récente des technologies présentées ici. Elle est née de la demande des acteurs des télécoms, souhaitant voir arriver une norme pérenne et encadrée par un organisme reconnu. Contrairement à Sigfox et LoRa, NB-IoT se base sur l’utilisation de fréquences licenciées, et donc payantes. Conservant les caractéristiques des autres réseaux LPWAN en termes d’utilisation d’énergie et de portée, celle-ci présente l’avantage d’une mise en place simplifiée. En effet, poussée par des opérateurs puissants comme Vodafone ou Deutsche Telekom, la norme NB-IoT se base sur les infrastructures de téléphonie mobile existantes pour se déployer. Ainsi, nul besoin de déployer des passerelles pour couvrir de plus larges zones. De plus, cette technologie propose des échanges de paquets plus fréquents, et donc une latence moins élevée que ses concurrents, ainsi qu’une bidirectionnalité native, permettant la mise à jour des objets, et donc une sécurité accrue.

La bataille des réseaux : vers une technologie unique, ou un équilibre entre acteurs ?

Peut-on réellement imaginer une issue simple à cette concurrence des technologies IoT ? La question se pose sérieusement. En effet, bien qu’ayant chacune leurs particularités, ces normes demeurent interchangeables dans beaucoup de cas. Chacune d’elles a ses applications privilégiées, et elles peuvent toutes être utilisées pour des connexions ne présentant pas de contraintes particulières. Tout est affaire de compromis. Par exemple, la géolocalisation par LoRa est plus précise que celle de SigFox, mais plus gourmande en énergie. Aux utilisateurs donc de définir leurs priorités lors d’un choix de technologie LPWAN. La préférence ira donc probablement vers la technologie la plus pérenne, la plus sûre. Comment alors prédire si l’une d’elles se hissera au-dessus des autres ?

On pourra s’intéresser aux différents acteurs défendant les technologies présentées. Avoir un aperçu de la balance des pouvoirs derrière chacune d’entre elles pourrait nous aider à imaginer le futur du marché. La LoRa Alliance, créée par Semtech, compte de nombreux grands noms de la technologie et des télécom parmi ses adhérents. Alibaba, IBM, Cisco, Bouygues Telecom ou encore Orange en font partie, et aident au déploiement de masse du réseau. De son côté, Sigfox peut compter sur la présence de SFR, Securitas, et d’autres centaines de clients pour justifier sa position. Enfin, bien que récente, la technologie NB-IoT compte déjà quelques adeptes, et notamment le gouvernement chinois. Le support de ce dernier ainsi que des entreprises nationales qu’il contrôle pourrait être un atout de choix dans la bataille de l’IoT.

Étant donné l’évolution rapide du marché, il est difficile de dire qui sortira gagnant de cette guerre des technologies IOT. Néanmoins, plusieurs scénarios peuvent être envisagés :

La norme NB-IoT, poussée par la 3GPP, s’impose

Soutenue par de grandes entreprises, la technologie NB-IoT s’impose comme une référence, et vient s’accaparer le marché des technologies LPWAN. Créée par la 3GPP, sa légitimité n’est mise en doute par aucun acteur et la technologie est perçue comme un standard à adopter à travers le marché. Son déploiement à travers des infrastructures existantes et la prévision de coûts très faibles à l’horizon de quelques années sont des arguments de poids et convainquent les acteurs des télécom.

Les différentes technologies cohabitent

L’adoption précoce des technologies Sigfox et LoRaWAN pourrait bien jouer en leur faveur, car modifier des infrastructures existantes pourrait représenter des coûts importants pour les différents intéressés, qui choisiraient de ne pas se tourner vous la technologie NB-IoT. Etant d’ores et déjà poussée par des entreprises puissantes, NB-IoT ne mourrait pas mais entretiendrait une place confortable aux côtés de ses concurrents.

Victime d’une arrivée tardive, la norme NB-IoT ne décolle pas en occident

Déjà adoptées par une grande partie des entreprises, LoRaWAN et Sigfox bloquent l’entrée de NB-IoT. Son arrivée ne fédère par le marché, et les investissements des entreprises n’étant pas réversibles, celles-ci se détournent de la norme de la 3GPP. Ainsi, son utilisation se restreint aux marchés Chinois – lui assurant tout de même une immense base d’utilisateurs.

En réalité les possibilités d’évolution sont très nombreuses, et on ne peut à l’heure actuelle que spéculer. Cependant, certains analystes semblent prévoir une victoire conjuguée de LoRa et NB-IoT, laissant Sigfox sur le côté de la route. D’autre imaginent même une arrivée fracassante de la 5G, qui viendrait dynamiter le marché et se l’accaparer. La bataille de l’IoT bat son plein, et il est certain que les prochaines années seront décisives pour l’avenir de ces réseaux. Le Digital Corner vous donne donc rendez-vous l’année prochaine pour le salon Mobility for Business 2019 afin d’établir un nouvel état des lieux de la guerre des technologies LPWAN.

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