Le Salon Virtuality s’est déroulé à Paris du 8 au 10 février et a tenu toutes ses promesses. De nombreux acteurs étaient au rendez-vous pour exposer leurs solutions sur les technologies immersives. Durant ces 3 jours, des conférences de qualité ont également eu lieu pour présenter des cas d’usages et applications au sein de différents secteurs d’activité, et également les enjeux liés à ces technologies.
Au cœur de ce bel établissement culturel du Centquatre où se déroulait le salon, une multitude d’exposants proposaient de tester leurs solutions, principalement autour de la réalité virtuelle. Une technologie qui plonge l’utilisateur en immersion totale dans un environnement artificiel avec lequel il est possible d’interagir. Dans la peau d’un oiseau au-dessus de New-York (MK2), dans un avion en chute libre (Modimage VR), aux côtés d’une jeune africaine qui se rend à l’école (UNICEF) ou dans une salle d’opération dans la peau d’un chirurgien (Takoma), les expériences sensorielles proposées sont diverses et toutes très intéressantes et offrent la possibilité de vivre des situations inédites. Elles sont présentées via différents casques VR (Virtual Reality) comme le Samsung VR, qui fonctionne à l’aide d’un smartphone, ou encore l’Oculus Rift, le Lenovo Explorer et le HTC Vive, qui doivent être reliés à un ordinateur pour fonctionner. Par ailleurs, cet événement était l’occasion d’en savoir plus sur la stratégie de grands groupes sur les technologies immersives, comme la BNPP ou Orange partenaires du salon.
BNPP – Du « mobile first » à l’AR/VR
On assiste depuis quelques années à une mutation sans précédent dans l’industrie bancaire et particulièrement autour de l’expérience client. Les échanges en agences laissent place progressivement à des interactions digitales totalement centrées sur les appareils mobiles. Cette transformation apporte un lot de nouveaux usages qui répondent à des besoins de connectivité, de mobilité et d’instantanéité des clients. Mais pour Bertrand Cizeau – Directeur de la Communication du groupe BNPP – le prochain grand changement est la VR.
C’est pourquoi la BNPP a investi dès début 2016 dans cette technologie, avec pour objectif de révolutionner la manière dont le groupe communique et gère sa relation client. De nombreuses initiatives ont été menées à ce sujet par la banque française, dont l’élaboration d’un film Corporate en réalité virtuelle (une première parmi les groupes du CAC40) ou la possibilité de visiter une agence en VR. Mais c’est surtout l’expérience bancaire de demain et les futurs usages qui sont en train d’être imaginés. Sur leur stand du salon Virtuality, il était possible d’être mis en immersion pour suivre l’expérience et les interactions d’une cliente avec sa banque. On la voit, dans son salon, consulter ses comptes de manière interactive avec un assistant vocal qui l’aide à gérer son budget. Par la suite, elle se rend dans une agence physique où elle va pouvoir visiter des appartements en VR dans une cabine virtuelle. Enfin, après avoir identifié l’appartement qui lui convient, elle est accueillie par un agent qui lui propose de monter un dossier de financement.
Cette expérience totalement nouvelle devrait faire partie de notre quotidien plus vite qu’on ne le pense. En effet, la BNPP s’intéresse fortement aux POD, des cabines virtuelles de 4m², dans lesquelles on visiterait des appartements depuis une agence bancaire. Des premiers tests sont en cours au concept store du 2 Opéra et le déploiement de ce type d’outil pourraient s’effectuer dans d’autres agences de la BNPP.
En plus de l’immobilier, ces solutions sont l’opportunité de proposer d’autres types de biens et services comme l’achat de véhicules ou la mise place de nouvelles méthodes de formations. La BNPP l’annonce et s’en donne les moyens, ils souhaitent « devancer les usages ».
Orange – Contenus immersifs et télécoms
Les technologies immersives ont également séduit Orange et particulièrement Orange Content, la division transverse en charge du contenu. Morgan Bouchet, directeur du département innovation chez Orange Content, indique regarder depuis quelques années toutes les solutions disruptives au sujet du contenu.
Et on constate que l’AR/VR a retenu son attention puisque depuis fin 2015, Orange a investi chez WEVR, une startup américaine spécialiste des technologies immersives. Leurs approches studio et plateforme intéressent particulièrement la firme française. Les années qui suivent vont être l’occasion pour eux d’expérimenter, de comprendre et d’imaginer les services de contenu de demain, dans le but de les diffuser au grand public. Dès 2017, c’est le début d’Orange VR Experience, un portail qui propose aux utilisateurs différents types de contenus immersifs. Il permet d’accéder gratuitement à du contenu OCS 2D visionnable dans un environnement 3D, ainsi qu’à une sélection de vidéos 360° et de jeux en réalité virtuelle. Et Orange ne s’arrête pas là : en plus de proposer une plateforme et du contenu, l’entreprise de télécommunications commercialise des casques VR bons marchés (Orange VR1 et VR2) pour rendre la réalité virtuelle accessible à tous. C’est tout un écosystème sur la VR qui est mis en place et qui va continuer à s’enrichir grâce notamment à leurs nombreux partenariats internationaux (20th FOX, HonkyTonk, WB, Silver.tv, …).
Pour 2018, tout en enrichissant son catalogue de contenu VR, Orange souhaite s’intéresser de plus près à la réalité augmentée (AR). Une technologie qui combine le monde réel avec des éléments virtuels (2D, 3D, vidéos, etc..) et qui offre de nouvelles opportunités. Par ailleurs, l’ensemble de ces initiatives les poussent à travailler sur la convergence de leurs services (VOD à la demande, mix de flux TV, VR, jeux, etc.) dans le but de proposer une nouvelle expérience utilisateur.
Cependant, derrières ces belles perspectives, les technologies immersives posent la question du poids des flux de données, qui seront bien plus importants que ce que l’on connait aujourd’hui. Pour exemple, un fichier de réalité virtuel est 5 à 10 fois plus lourd qu’un fichier 4K classique. Dans un futur proche, si l’on imagine des contenus live ou streaming en VR disponibles sur mobile, les questions clés de la fibre et de la 5G deviennent alors cruciales. En tant que premier opérateur télécom français, Orange en est conscient et réalise déjà des tests sur ces sujets. Leur objectif : faire converger l’émergence de ces contenus AR/VR avec la mise en place de son réseau 5G en France, dont les premiers tests sont prévus pour mi-2019
Microsoft HoloLens et réalité mixte
Microsoft était également présent sur le salon Virtuality, en tant que partenaire mais aussi et surtout pour présenter ses célèbres lunettes de réalité Augmentée, les HoloLens, ainsi que ses avancées dans la réalité Mixte (MR).
Cette technologie se distingue de la réalité augmentée en ajoutant dans le monde réel des éléments de synthèses sous forme d’hologrammes. La MR nécessite l’utilisation de lunettes tandis que l’AR peut s’appliquer au travers d’un smartphone ou d’une tablette. Mais le Microsoft HoloLens n’est pas une simple paire de lunette, c’est le premier ordinateur holographique autonome qui regroupe un ensemble de capteurs capables de comprendre et de mapper l’environnement. Là où la VR nous transporte dans un univers virtuel, les lunettes de Microsoft nous permettent de rester dans le monde réel et d’enrichir le milieu qui nous entoure. La réalité mixte promet de révolutionner nos usages, et notamment en entreprise. Voici quelques cas d’usages parmi les plus utilisés :
L’apprentissage et la formation
Aujourd’hui, les entreprises ont le besoin d’optimiser les temps de formation pour réduire leurs coûts. On assiste donc au développement de la formation digitale (cours en ligne, MooC, etc.) qui « dématérialise » le lieu de formation. Mais pour de nombreux secteurs d’activité, l’application de tout le savoir acquis dans des livres, des vidéos ou tout autre support digital ne peut se faire que dans le monde réel, en 3D. Les technologies immersives prennent alors tous leurs sens et permettent d’interagir directement avec l’environnement concerné, le but étant de rendre l’apprentissage plus efficace.
C’est le cas d’Airbus qui, avant de livrer ses avions, doit former le personnel naviguant. Pour un projet lancé avec Japan Airlines, l’utilisation des HoloLens leurs permet d’anticiper la formation et réduire le time to market. Le personnel de la compagnie japonaise est tout de suite opérationnel, ce qui fait gagner un temps précieux au constructeur français et à la compagnie aérienne.
La collaboration et la maintenance
Depuis quelques années, des outils et des méthodes de travail collaboratif sont mises en place dans le monde professionnel. Et si la réalité mixte accentuait ce phénomène ? On imagine un espace de travail « augmenté » qui permettrait d’accroître notre productivité en ayant toutes les informations dont on a besoin encore plus proche de nous. Dans le milieu industriel, certaines compétences sont rares et le besoin d’expertise peu se manifester à tout moment et en tout lieu. La réalité mixte peut alors faciliter le travail collaboratif où un expert pourrait interagir à distance avec un personnel de maintenance. Dans les centrales nucléaires par exemple, Areva utilise les technologies immersives pour faire appel à des experts à distance pour guider les opérateurs sur site lors d’intervention dans des zones à risque comme le bâtiment réacteur.
Le Design et l’aide à la production
Toujours dans le milieu industriel, et plus particulièrement dans les chaines de productions, les HoloLens permettent aux opérateurs de visualiser toutes les informations dont ils ont besoin pour leurs pièces, tout en gardant les mains libres : plus besoin d’avoir un livre, une notice ou une tablette avec eux. C’est le cas chez Renault Trucks, où ils utilisent HoloLens pour le contrôle qualité du moteur à la fin de la chaîne de production, afin de s’assurer qu’il n’y a pas eu d’erreur au moment de l’assemblage.
Quant au design, on pense notamment à l’industrie automobile ou à l’immobilier où l’on travaille souvent sur des maquettes papiers ou en carton. C’est l’opportunité pour eux de valider un design produit pour un véhicule ou un complexe immobilier en 3D grâce aux technologies immersives directement dans une salle de réunion.
La communication et l’engagement client
Les technologies immersives offrent aux entreprises la possibilité d’améliorer leur image de marque, de maximiser leur impact et de se démarquer de la concurrence. On pense particulièrement au secteur du retail ou de la distribution. La célèbre marque française de cognac, Remy Martin, propose une expérience d’achat innovante à ses clients via les HoloLens en leurs racontant, en immersion, l’histoire du cognac, ses procédés de fabrications, etc. C’est un véritable storytelling qui est créé pour favoriser l’achat.
Pour ce qui est de la dimension commerciale, il n’est pas toujours facile de vendre « sur plans » des projets d’envergures à des clients, en présentant des brochures, maquettes et vidéos. C’est pourquoi Alstom utilise les HoloLens pour faire visualiser à ses clients les trains qu’ils vont acheter sans qu’ils aient besoin de se rendre physiquement dans les rames de train. Vinci utilise également les HoloLens pour ses projets d’autoroute. Les lunettes permettent aux différents acteurs de visualiser le projet à distance et de le valider.
Depuis quelques années, certaines entreprises ont investi dans les technologies immersives dans le but de proposer de nouveaux services et devancer les usages. D’autres sont encore au stade des premières expérimentations. La VR, l’AR et la MR se développent en parallèle tout en répondant à des besoins bien distincts. L’engouement grandissant pour ces technologies va révolutionner, dans les années à venir, de nombreux secteurs comme la formation, le marketing et la production. L’enjeu pour les entreprises sera de passer de l’état de « proof of concept » à l’industrialisation et de sensibiliser leurs employés ainsi que leurs clients à ces innovations.