Le GPS est sans doute une des inventions qui a le plus révolutionné notre vie quotidienne. Qui ne dégaine pas désormais son téléphone pour se laisser guider dès qu’il se rend dans un lieu inconnu ? Cependant, si les satellites peuvent nous amener jusqu’à la bonne adresse, ils nous laissent ensuite bien démunis pour trouver le bon bureau, le bon rayon etc. C’est ce que Google souhaite combler. En effet, lors de son forum annuel en mai dernier, la firme américaine a annoncé qu’elle travaillait sur un projet de GPS d’intérieur. Baptisé Virtual Positioning System (VPS), cette innovation aura-t-elle autant de succès que le GPS ?
Comment ça marche ?
Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord s’intéresser au capteur Tango. Ce dernier a été conçu chez Google en 2014 par Johnny Lee, préalablement passé par Microsoft où il a contribué fortement au développement de la Kinect dont s’inspire largement Tango. Ce capteur permet de transformer la caméra d’un smartphone en lui donnant la capacité de voir en trois dimensions, c’est-à-dire de comprendre le volume des éléments d’une pièce et leur agencement dans l’espace. Du fait de sa taille et de son coût, ce capteur est encore peu répandu sur les téléphones actuels et ses applications sont encore maigres : faire des mesures, designer des structures en 3D ou, plus ludique, élever un animal de compagnie virtuel. Cette dernière application est semblable à la réalité augmentée que l’on trouve dans des jeux comme Pokemon Go, mais la vue en trois dimensions du capteur permet à l’animal de disparaître derrière des meubles ou d’apparaître plus gros si vous vous en rapprochez.
Ce capteur est la clé du VPS. En effet, contrairement aux autres tentatives de localisation intérieure, comme le WPS (Wi-Fi-based positioning system) ou le BPS (Bluetooth-based positioning system) qui utilisent des méthodes de triangulation basées sur les bornes Wifi ou le Bluetooth de téléphones voisins et rencontrent un faible succès, la technologie Google se repère dans l’espace comme un être humain : en regardant autour de lui à la recherche de repères visuels. Le capteur Tango, agrémenté d’un accéléromètre et d’un gyroscope, permet de détecter les murs, la longueur d’un couloir, l’angle d’un bureau etc. et d’en déduire une collection de points utilisés comme repères. En comparant ces points avec une cartographie existante, faite par un autre utilisateur ou une entreprise tierce, il est alors possible de localiser un individu à quelques centimètres près.
A quoi ça sert ?
Les premières applications du VPS seront à visée commerciale. En effet, Google a déjà annoncé un partenariat avec Lowe’s, une chaîne de distribution américaine spécialisée dans le matériel de construction et de jardinage. Les magasins de l’entreprise sont célèbres pour leur taille et y trouver un objet précis est souvent un casse-tête, ce qui en fait une cible idéale de cette technologie. Lors de sa conférence annuelle, Google a présenté un prototype de son VPS qui guidait un client vers un objet particulier de Lowe’s à l’aide d’un jeu de flèches apparaissant en Réalité Augmentée directement sur le téléphone de l’utilisateur. Dans la même veine, Google teste actuellement la technologie avec des musées comme le Detroit’s Institute for the Arts, avec l’objectif de guider les visiteurs vers les œuvres qu’ils recherchent. Des utilisations similaires de VPS sont également à prévoir dans les galeries commerciales ou les aéroports pour aider utilisateurs à naviguer dans l’immensité de ces espaces.
Mais cette technologie peut aussi changer le quotidien des personnes malvoyantes. En effet, un VPS possédant une interface audio pourrait leur permettre de naviguer dans un bâtiment, même inconnu, sans aide extérieure.
Enfin, cette technologie pourrait être une des composantes clés des applications de réalités augmentées à venir. Google promet en effet qu’il sera bientôt possible de regarder des boutiques à travers l’appareil photo de son téléphone pour y voir apparaître, en surimpression, les revues, critiques et recommandations associées. Des développeurs de jeu s’intéressent également au VPS et émergeront peut-être prochainement des arènes labyrinthiques où des monstres peuvent surgir de votre écran à chaque recoin.
Cependant, il est également bon de garder en tête les dérives potentielles d’une telle technologie. Pour des raisons de sécurité, certains lieux ne peuvent être cartographiés aussi précisément et mis à la disposition de tout un chacun. L’Iran et la Chine n’ont pas hésité à accuser Pokemon Go d’outil d’espionnage et de l’interdire et il faut donc s’attendre à des réactions encore plus fortes à la sortie du VPS.
Enfin, ce nouvel outil, aussi utile soit-il, risque de nous rendre encore plus accro à nos téléphones portables alors que les alertes se multiplient sur le temps trop important que nous passons devant nos écrans. Le VPS ne fera que renforcer cette tendance en nous invitant à fixer notre écran dans de nouvelles situations comme lorsque l’on recherche un produit particulier en supermarché.
C’est pour quand ?
C’est là que le bât blesse. En effet, la question est cruciale mais Google s’est abstenu de donner le moindre élément de réponse à ce sujet. Pourtant, l’entreprise a annoncé que la technologie fonctionnait déjà, ce que semblent confirmer les tests en cours chez Lowe’s et le Detroit’s Institute.
En réalité, le plus gros obstacle au déploiement du VPS est la faible distribution du capteur Tango. Celui-ci est jugé encore trop volumineux et coûteux. A ce jour, seuls deux smartphones (le Lenovo Phab 2 Pro et le Asus Zenfone AR) l’ont intégré, ce qui représente moins de 2 % du marché. Cependant, Google peut voir venir car aucun concurrent ne semble proposer de technologie similaire. L’entreprise a bon espoir que la miniaturisation de son capteur lui permette de toucher une part plus importante de la population dans les années à venir. C’est sans doute à ce moment qu’elle choisira d’ouvrir le VPS au public.
Armez-vous donc de patience et, si vous errez dix minutes dans un supermarché à la recherche d’un seul article, dites-vous que votre peine touche à sa fin.