La démocratisation de l’accès Internet se concrétise enfin.
Cinq ans après la naissance de Project Loon, visant à donner un accès internet au plus grand nombre en utilisant des ballons d’hélium à la place des infrastructures terrestres, Google teste enfin son service prévoit de déployer cette année une myriade de ballons diffusant un réseau 4G au-dessus de l’Indonésie, permettant la connexion de 100 millions d’Indonésiens à Internet. Revenons sur ce projet à l’ambition stratosphérique…
Ce qui se cache derrière Project Loon
Porté par le Google X Lab (devenu simplement X depuis l’officialisation d’Alphabet), le projet Loon souhaite apporter une connexion aux 4,2 milliards d’humain qui en sont dépourvus. Ce point a été identifié par les Nations Unies comme un facteur clé de développement, susceptible de révolutionner l’économie et le modèle social de nombreux pays, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est, zones sinistrées d’Internet. Cependant, les infrastructures à mettre en place pour connecter ces régions sont telles que leur coût dissuade les opérateurs d’investir. Trouver un moyen meilleur marché pour fournir un accès Internet est donc un enjeu crucial. L’idée de Google est particulièrement innovante car elle passe outre les infrastructures terrestres traditionnelles pour passer par les airs.
Elle consiste en une flotte de ballons gonflés à l’hélium et portant un émetteur capable de diffuser une connexion 4G sur un rayon de 80 kilomètres, le tout alimenté par panneaux solaires. Ce réseau de ballon est prévu de voler à 20 kilomètres au-dessus de nos têtes, complètement à l’abri des avions de ligne, et de se déplacer au fil du vent. Une fois en l’air, ces ballons s’échangeront les signaux et requêtes des utilisateurs jusqu’à atteindre un fournisseur de services Internet.
Né dans le secret en 2011, ce projet fut révélé au public en Juin 2013, peu avant que Google ne commence ses tests avec une trentaine de ballons en Nouvelle-Zélande. Peu après, ce sont 300 ballons de test qui s’envolèrent autour du40èmeparallèle Sud pour survoler le Chili, l’Argentine et l’Australie. Fin 2014, Google s’est allié au Centre National d’Étude Spatial (CNES). Le centre français apporte depuis au géant américain son expertise sur les analyses de vol ainsi que sur la conception d’une nouvelle génération de ballon longue durée. Un an plus tard, le record de temps passé dans la stratosphère par un ballon fut battu, avec 187 jours de vol consécutifs contre 50 auparavant. Fort de ce succès technique, Google annonça en Octobre 2015 qu’il prévoyait de mettre en place sa technologie en 2016 en Indonésie et au Sri Lanka.
Des obstacles technologiques, politiques et économiques
Durant ces 5 ans de recherche, Google s’est évertué à vaincre tous les obstacles qui se sont mis sur la route du projet. La majorité était technique. Il fallait en effet :
- faire fonctionner l’électronique embarquée sous -65°C,
- maintenir le ballon en l’air pendant une durée suffisante
- cartographier les courants stratosphériques pour avoir un certain contrôle sur la trajectoire du ballon en passant d’un courant à un autre par un changement d’altitude.
Google a également dû faire un choix politique. Allait-il jouer le rôle d’un fournisseur d’accès Internet classique, concurrent des opérateurs déjà sur place, ou bien s’allier avec eux ? À cette question se greffa un problème de disponibilité de fréquence, qu’aucun opérateur ne voulait céder. Après 6 mois de discussion avec ceux-ci, il fut décidé que Google louerait ses ballons aux fournisseurs d’accès Internet locaux lorsque celui-ci survolera leur pays.
Enfin, le dernier challenge fut de produire un tel ballon à un coût proche de 10 000$ par unité, au deçà duquel la solution n’était pas économiquement viable.
Et maintenant ?
Ces obstacles franchis, Google a choisi l’Indonésie pour tester l’accès au service par les utilisateurs en 2016. Alphabet s’est déjà allié à Telkomsel, XL Axiata, and Indosat, trois opérateurs Indonésiens qui seront l’intermédiaire entre les ballons et les utilisateurs finaux.
Ces pays furent choisis car l’Asie du Sud-Est est une zone particulièrement mal desservie par Internet, avec seulement un habitant connecté sur trois, et que les 17 000 îles qui composent l’Indonésie rendent les infrastructures terrestres presque impossibles à mettre en place. Le projet se prête donc parfaitement à ce pays, et pourrait permettre de connecter environ 65 millions de personnes !
Les prochains pays cibles sont le Sri Lanka et l’Inde, où Google négocie avec les fournisseurs locaux pour atteindre les 800 millions d’Indiens privés d’Internet… D’ici quelques années, Google prévoit d’offrir un service sans discontinuité sur tout l’hémisphère Sud en formant une chaîne de ballons le long du40ème parallèle Sud.
Malgré son aspect révolutionnaire et prometteur, le projet a essuyé certaines critiques. Bill Gates pointa notamment du doigt le fait que les pays visés souffraient de problèmes bien plus graves que le manque d’accès Internet. D’autres signalèrent que Google n’agissait pas pour des raisons humanitaires mais plutôt pour atteindre de nouveaux utilisateurs de son moteur de recherche, d’Android etc., augmentant la masse de données collectées par la même occasion.
En dépit de ces critiques, Google se penche déjà sur un autre projet futuriste: utiliser des drones pour diffuser une connexion 5G partout dans le monde. Un projet qui ressemble étrangement à celui d’un autre géant de l’Internet Free Basics de Facebook. Il n’y a pas de doutes, la course à l’accès aux populations du tiers-monde se joue dans les mois et années à venir.