Chacun s’émerveille des services que rendent les smartphones et tablettes chaque jour, notamment grâce aux capteurs dont ils sont truffés : aide-moi à trouver le cinéma le plus proche, mets-toi en mode paysage quand je regarde YouTube dans mon lit, etc.
En associant des capteurs à la mobilité, la connectivité et l’intelligence (sous forme de capacité de calcul), ces outils ont permis un nouveau quotidien, où l’on peut en permanence s’appuyer sur des données pour optimiser notre vie. Mais ces outils complexes et multi-tâches ne sont qu’une étape de plus, après l’ordinateur individuel, dans notre marche vers un numérique pervasif, une vie numérisée, avec ses bons et mauvais côtés.
Rafi Haladjian, fondateur de sen.se, a exprimé cette évolution en parlant d’un passage du mode « guichet » au mode permanent. D’un côté, l’être humain vit un instant puis le reporte sur son ordinateur afin d’en numériser les données (suivi de son poids, émotions ressenties au visionnage d’un film, nombre de personnes présentes à une réunion…). De l’autre, l’être humain vit une succession d’instants qui génère en parallèle et en temps réel un flux d’informations, fourni par des capteurs connectés. Il peut ensuite y avoir accès via un outil centralisateur, afin d’en tirer parti selon ses besoins.
L’impact ? M. Haladjian les a listés en faisant un parallèle intéressant entre ces deux étapes :
Listés ainsi, les avantages de la multiplication de ces senseurs est évidente. A l’image de ce qui se fait sur Internet, numériser le réel avec des capteurs permettra de mieux nous connaître et de créer de nouveaux services parfaitement adaptés à nos besoins. Facebook et Google sont heureux d’accumuler des montagnes de données sur nos faits et gestes, afin de nous proposer des contenus personnalisés (au sens très large, y compris la publicité), et donc des services de qualité.
Une grande variété de solutions, déjà présentes sur le marché
Les bénéfices potentiels sont si alléchants que les objets connectés, capables de capter et accumuler des données se multiplient. Le grand public se voit offrir une balance Wifi Withings, un bracelet de suivi d’activité (repas, sommeil, sport) Jawbone UP ou un thermostat intelligent Nest, tous orientés vers la santé et le confort, en attendant une offre loisirs, comme avec ce terrarium connecté, Biome Smart Terrarium.
Ces objets, après usage, restituent les données via une connexion, généralement sans fil, à une interface de traitement et consultation (généralement un iPhone et une application).
Au delà des objets personnels, l’équipement public ou domestique a aussi de belles perspectives. Legrand réalise ainsi déjà plusieurs millions d’euros de CA sur la maison connectée : couloir lumineux qui s’allume lorsqu’une personne se lève, détection de l’ouverture (ou non) du tiroir des médicaments ou du réfrigérateur… Les solutions nécessitent un nombre important de capteurs, qui communiquent vers une centrale connectée au fournisseur de service. Plus visionnaire, le Jardin des Amours évoque un futur avec mobilier public intelligent et sans intervention humaine. Ces solutions lourdes ne se généraliseront pas sans une sévère baisse des prix. On est encore au stade de l’expérimentation subventionnée comme pour le projet de téléassistance ESOPPE en Corrèze.
La vie numérisée, utopie ou dystopie ?
Le ton résolument optimiste de l’article jusqu’à présent n’est pas innocent : les possibilités de progrès grâce au numérique sont réelles. Mais une vie traduite dans sa totalité et en permanence en 0 et 1 ne va pas sans poser de questions. Notre vie virtuelle, numérisée par nature, constitue une sorte d’avant garde : le recueil des données, leur exploitation et leur partage se massifient, sans que cela soit parfaitement maîtrisé par les utilisateurs d’Internet. Ainsi, Facebook a initié le partage automatique (avec Yahoo! News ou Deezer par exemple), qui publie sans actions de votre part les contenus que vous avez consommé sur votre mur. Les usagers ne se révoltent pas en masse et y voient plutôt ces nouveautés comme un accélérateur de découverte, une intensificaiton des échanges avec les contacts.
En appliquant ces logiques « in real life » (IRL), on aurait donc un historique de données traitées par des machines et partagées plus ou moins largement, afin de pouvoir en tirer des bénéfices variés. On touche alors la limite de la vie privée, que le numérique met fortement en danger, puisqu’aucun système n’est immune au piratage. Mais on touche aussi à notre liberté : à trop s’appuyer sur les données, on risque d’en devenir esclave et de ne plus savoir qu’en faire. La limite se situera probablement là où les usagers souhaiteront la fixer, en pesant individuellement le pour et le contre de l’abandon d’un pan de leur vie privée pour le bénéfice d’un service : si un service est trop exigeant ou un scandale d’exploitation de données est révélé, les utilisateurs s’en détacheront. Il faut aussi compter avec des acteurs, publics ou privés, qui serviront de garde fous et d’inspecteurs, pour tenter de limiter ces abus. On peut penser aux régulateurs, aux instances telles que la CNIL en France ou des associations, voire un mécanisme de certification.
Une adoption massive de ces différents concepts d’objets connectés mettra une fois de plus nos réseaux à rude épreuve.
Les données générées exploseront, alors que leur croissance est déjà impressionnante. Ces données viendront alimenter la problématique du Big Data, à savoir la capacité de capter, stocker et exploiter des masses de données incommensurables et informes. Une opportunité prometteuse pour les acteurs de l’IT et des télécoms de développer et rentabilise leurs réseaux et capacités informatiques !
En attendant ce monde merveilleux, il est passionnant de voir que la domotique, concept plus tout jeune, s’accélère sous nos yeux. Les « try & fail » de la conversion au numérique de notre vie quotidienne seront nombreux, mais voici pour patienter et en guise de conclusion la vision de Cisco :