1889: C’est l’année de création par les frères André et Édouard Michelin de l’entreprise du même nom. Quand on regarde dans le rétroviseur, l’entreprise était déjà incroyablement innovante pour son époque : elle a inventé le pneu démontable un an avant le véritable lancement de l’automobile. L’entreprise était donc clairement au cœur d’une industrie florissante des transports modernes et en plein essor économique. 125 ans après, où en est l’entreprise toujours basée au pied du Puy de Dôme, dans un monde au visage transformé par l’essor des usages digitaux ? Le célèbre bibendum a-t-il finalement su se dématérialiser ?
Malgré son âge, l’entreprise a su de façon répétée donner de radicaux tournants à son organisation pour s’adapter au monde et ses transformations sur le siècle passé. Elle a su faire face aux bouleversements de son industrie, en modifiant ses structures, et en s’adressant différemment aux clients qu’elle a fidélisé à travers le monde au fil des années. En 100 ans, Michelin a su continuellement se réinventer.
S’inspirer de l’étranger pour apprendre et évoluer
Historiquement, l’ambition et la vision de Michelin ne se sont jamais réduits à son Auvergne natale. Gardant un oeil sur le Monde, l’entreprise a su suivre les tendances émanant des industries de ses quatres coins et rester à l’écoute de l’évolution du marché mondial.
Récent exemple de cette curiosité, l’ensemble du comité exécutif est parti en voyage d’étude dans la Silicon Valley l’année dernière pour se familiariser avec les tendances actuelles : théories d’innovation, révolution numérique, stratégie innovante … Dans une récente interview, le directeur de la R&D continuait à s’étonner : «La vitesse nous a impressionnés, autant dans le processus que dans la prise de risque. Ces entreprises vont beaucoup plus rapidement sur les marchés que nous.« . Le premier pas vers la révolution numérique de la célèbre entreprise pneumatique était lancé.
Dans ce même élan, l’entreprise a enrichi ces équipes d’un Corporate Innovation Board depuis 2012, dans lequel deux personnalités externes à Michelin ont aidé à trouver l’impulsion de l’innovation numérique. Il s’agit tout d’abord de Ramesh Mashelkar. Ce scientifique indien est spécialisé sur le principe d’innovation frugale, innovation s’appuyant sur les tendances sociales, pour créer des biens durables, en phase avec les attentes des consommateurs et à moindre coût. Mais c’est aussi Barbara Dalibard, directrice générale voyageurs de la SNCF et spécialiste reconnue du numérique, qui a rejoint l’équipe
La nouvelle stratégie : une vision client digitale, basée avant tout sur le service
Le premier constat effectué pour la mise en place de la nouvelle stratégie est le suivant : « 75% des gens qui achètent des pneus se sont renseignés sur Internet au préalable ». Il était donc urgent pour Michelin de s’affirmer sur ce canal et de devenir comme le dit l’entreprise « le poids lourd » du pneu en ligne. Pour cela, après l’achat de Popgom (2014), l’entreprise a aussi pris des parts significatives chez deux leaders de la vente en ligne du pneu : Allopneus (Avril 2015), 50% de part de marché sur le web marchant français et Black circles (Mai 2015), entre 35 et 40% de celui du Royaume-Uni.
Qui dit digital, dit également multicanal, et pour soutenir ce nouveau tournant, une nouvelle direction digitale a été créée fin 2014 et confiée à l’américain Vic Koelsch, ancien de Compaq.
Le deuxième pan de leur stratégie est de faire aller Michelin au-delà de la vente du pneu en ligne. Aujourd’hui, on ne vend plus des pneus, mais l’expérience qui y est associée : à savoir des kilomètres, des atterrissages, des tonnes transportées… Michelin veut aider le client à avoir une meilleur mobilité. Avec la conquête du numérique, il s’agit de se focaliser sur l’expérience, plutôt que sur l’objet.
Il s’agit donc de se focaliser sur des services. Même si l’entreprise vendait déjà une palette de solution à leur client, avec par exemple les célèbres guides Michelin, il s’agit maintenant de services liés au numérique, avec de l’électronique et de la télématique embarquée, l’utilisation de données en temps réel autour de la performance et de l’expérience utilisateur sur leur trajet. Par exemple, les équipes ont déjà mis en place Effifuel, une garantie d’économie annuelle de carburant, possible grâce à des formations d’éco conduite des chauffeurs, un suivi des consommations de carburant, et une optimisation des itinéraires. Ce marché des solutions de mobilité est d’ailleurs évalué à 10 milliards d’euros à l’horizon 2017.
Demain, Michelin compte bien investir dans d’autres pièces de son portefeuille avec ViaMichelin, Michelin Restaurants, Michelin Voyage et l’avertisseur communautaire Michelin Navigation. Plusieurs applications sur ces points ont été développées : on en recense sur le store d’Apple plus de 21, avec des services tous différents. En tête de liste, l’application correspondante au fameux guide rouge des meilleurs restaurants. Autant d’initiatives afin d’accompagner le client dans sa mobilité.
Une utilisation d’outils et de méthodes innovantes
Pour rester à la pointe de la technologie et toujours plus innover, l’entreprise a aussi modifié les structures de son organisation. Chacun des 100 000 salariés est pro-actif dans la construction des stratégies et de la « révolution by Michelin ».
En interne, cela se traduit par un concours d’idées innovantes « Innovation Works », mais aussi des hackathons, ces marathons du développement dont le concept de plus en plus répandu vient initialement de la Silicon Valley.
C’est une véritable usine digitale qui s’est matérialisée, utilisant de nombreux outils collaboratifs. Usine dans le sens propre du terme, avec leurs usines pilotes connectées, mais aussi dans le sens figuré car ils multiplient les initiatives au cœur des structures. Les employés utilisent un réseau social d’entreprise BibSpace, bénéficient d’architectures informatiques unifiées pour créer de la transversalité sur les projets et méthodes de travail, etc.
Autre initiative : la mise en place de centres de R&D à l’international (Suisse, Etats-unis…) et d’une structure d’innovation nommée l’Incubator Program Office, profitant également aux starts-ups. Michelin mène ainsi des recherches sur le véhicule connecté, par exemple à Fribourg, ou encore a investi dans Symbio F-Cell, une start-up qui assemble ses piles à combustible dans ses locaux clermontois.
Il est donc clair que le Bibendum même avec sa centaine d’année, ne s’est jamais endormi sur ses lauriers. Depuis 2 ans, et avec l’inspiration de la Silicon Valley, la modification de la stratégie, des structures et des méthodes de travail, l’entreprise est devenue un excellent exemple d’industrie qui a su négocier le virage du numérique et est désormais prête à rouler vers l’avenir ! Son concurrent proche, le leader mondial Bridgestone n’a qu’à bien se tenir !