Une étude de l’université Oxford a annoncé que presque la moitié des emplois serait automatisée d’ici 2035. Inquiétant ? Après la révolution industrielle des métiers ont disparu aussi au profit des machines, mais des nouveaux métiers ont vu le jour. Et pourtant, plusieurs économistes considèrent maintenant que ce processus de « destruction créatrice » sera loin d’être suffisant. Ce ne sont plus les métiers qui seraient remplacés mais directement l’Homme. Le but de cet éclairage n’est pas de démontrer que nous allons tous perdre nos emplois dans vingt ans. Il s’agit plutôt d’une invitation à travers quelques exemples à imaginer à quoi pourrait ressembler notre société quand les robots et l’intelligence artificielle, moins chers, jamais malades, jamais fatigués ou en grève, auront pris le relais de l’Homme.
1- Quand l’ordinateur prend le volant
Il y a à peu près 10 ans, Frank Levy et Richard J. Murnane ont affirmé dans leur livre « The New Division of Labor : How Computers Are Creating the Next Job Market » qu’il était quasi-impossible d’automatiser la capacité de perception humaine. Six ans plus tard, Google dévoile sa première voiture autonome.
Aujourd’hui, la majorité des constructeurs automobiles prévoit l’arrivée de la voiture autonome en 2020 et sa démocratisation en 2025. Ce saut technologique va restructurer le marché du transport. Il va apporter plus de productivité, d’efficacité économique et énergétique et va rendre la vie sur la route plus sécurisée, c’est ce qu’un rapport de Morgan Stanley confirme en estimant une économie de 5,3 trillions de dollar par an au niveau mondial et une baisse de 90% d’accidents sauvant des milliers de vies par an. Ces belles promesses cachent une réalité moins plaisante pour ces millions de chauffeurs qui laisseront le volant à l’ordinateur. Regardez Uber qui prévoit déjà que la voiture autonome remplacera ses chauffeurs, ou Mercedes qui expérimente son camion capable de rouler automatiquement sur les autoroutes. La transition pourrait être socialement douloureuse.
2- Quand l’ordinateur manipule le scalpel
Depuis le début des années 2000, l’utilisation des robots dans le domaine médical a donné des résultats remarquables. Le robot Da Vinci, par exemple, a réussi 1,5 millions d’opérations dans le monde entier. Son utilisation pour certain type d’opérations atteint parfois 20%. Néanmoins ce robot reste toujours commandé par un chirurgien qui garde toute la responsabilité dans la prise de décision. Et si cela changeait ?
Connaissez-vous la startup Enlitic fondée par Jeremy Howard, l’ancien président de Kaggle (la plus grande communauté de data scientists) ? Enlitic ambitionne d’apprendre à l’ordinateur à reconnaître les maladies, les blessures et les dysfonctionnements en lui montrant des millions de radios IRM, photos et scans. Le développement du deep learning dans le domaine médical ouvre la porte à une implication plus forte des robots dans la prise de décision lors des interventions médicales. Aujourd’hui, ces algorithmes aident les médecins dans les diagnostics et les travaux de recherches. Demain ils seront capables d’assister un chirurgien ou commander un robot seul dans un bloc opératoire.
Si le médecin se base sur des analyses médicales pour en déduire un diagnostic, les algorithmes de deep learning pourront accéder à toutes les données issues des objets connectés, l’historique médical du patient et de sa famille, et tout le savoir de l’humanité en médecine pour donner en quelques secondes un diagnostic plus précis.
Les géants du web cherchent eux aussi à se faire une place dans l’industrie médicale, IBM veut transformer son superordinateur Watson en champion de la détection et le traitement des cancers. Microsoft développe son propre algorithme baptisé InnerEye pour aider les médecins dans le traitement des analyses médicaux. Google a conclu un partenariat avec Johnson and Johnson pour développer un robot chirurgien.
Le médecin ne va pas forcément être remplacé. Néanmoins le développement de ces technologies va démocratiser l’accès au soin jusque dans les zones les plus reculés du monde.
3- Quand l’ordinateur devient professeur
En 2010, Bill Gates avait déclaré que dans 5 ans, nous pourrions trouver les meilleurs cours gratuitement sur internet. Aujourd’hui, des plateformes comme Coursera ou EdX ouvrent les portes des meilleures universités à des millions d’étudiants autour du monde. L’accès au savoir est devenu universel. Les étudiants ont désormais la possibilité d’acquérir autant d’informations sur internet que ce que l’école peut leur transmettre. Mais est-ce suffisant pour que ces innovations de rupture remplacent tout le système y compris l’enseignant ?
C’est peu probable à moyen terme. En effet, l’ordinateur n’a toujours aucune intelligence émotionnelle. Il n’est pas capable d’appréhender la complexité de la nature humaine et ne peut donc pas encore entretenir de relation avec les humains. Or, cette composante est essentielle dans le processus d’apprentissage.
Si le scénario extrême est peu probable, la « personnalisation » du modèle éducatif au travers de l’association des enseignants aux machines semble réaliste et souhaitable. C’est d’ailleurs exactement ce que IBM cherche à réaliser avec son superordinateur Watson via une plateforme interactive qui accompagnera et complétera le cours d’un professeur. Les étudiants pourront y trouver des vidéos, images ou textes liés à leur cours.
Quel impact sur le modèle socio-économique?
Les avancées dans la robotique et l’intelligence artificielle annoncent une nouvelle révolution qui pourrait changer profondément notre modèle sociétal. Entre confiance et méfiance, les scientifiques semblent encore partagés. Nul ne peut dire avec certitude à quoi ressemblera la société en 2050 avec l’arrivée de ces technologies.
Si les robots remplacent les humains pour créer des produits et des services, l’Homme restera toujours le client final, et aura donc toujours besoin d’une source de revenus pour acheter ces produits et services. Le modèle socio-économique devra cependant se renouveler et intégrer une grande composante créatrice de valeur à coût marginal, les machines.
Plusieurs personnalités s’élèvent déjà pour remettre en cause la notion de travail 5j/7 comme les deux co-fondateurs de Google. Ils ont annoncé que nous n’aurions plus besoin de travailler 40 heures par semaine. Selon Bill Gates, les gouvernements devront adapter les taxes pour encourager les entreprises à employer des humains, mais ceci n’empêchera pas la transition vers l’ère de la machine. Durant cette période de transition, l’économiste William Nordhaus prévoit que les salaires augmenteront de 200% par an parce que la productivité sera boostée par les robots.
La valorisation de l’effort humain va donc devoir évoluer encore une fois et peut-être beaucoup plus que par le passé.
Depuis 200 ans, le nombre d’heures travaillées n’a cessé de baisser. Choc de « simplification » ou transition dans la continuité selon vous ?
Dans les faits, la technologie créée davantage d’emplois qu’elle n’en détruit : http://www.theguardian.com/business/2015/aug/17/technology-created-more-jobs-than-destroyed-140-years-data-census
De plus, le graphique qui part de 1870, c’est à dire le pic d’heures travaillées, est trompeur.
Si on prend la tendance de fond, on est sur une augmentation globale du temps de travail sur les derniers siècles, avec un pic durant la révolution industrielle.
http://www.theguardian.com/business/2015/aug/17/technology-created-more-jobs-than-destroyed-140-years-data-census
Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait que la technologie ait joué un rôle important dans la création des emplois après la révolution industrielle, c’est l’essence même de la « destruction créatrice ».
En effet, la révolution industrielle a remplacé les humains dans les emplois qui demandaient un effort physique et répétitif. Les humains ont été donc poussés à se spécialiser dans des domaines plus intellectuels, ainsi des métiers comme ingénieur, médecin et par la suite informaticien se sont développés.
Aujourd’hui nous vivons une nouvelle révolution, qui cette fois-ci ambitionne de remplacer le cerveau humain. À l’inverse des machines de la révolution industrielle qui étaient spécialisées dans des taches bien précises (ex: robot de construction de voiture), aujourd’hui des intelligences plus généralistes se développent (Cf. Watson d’IBM), ces IA pourront assurer le même travail que font aujourd’hui les ingénieurs, médecins et même informaticiens.
Dans mon éclairage, j’apporte plus de questions que de réponses, la seule certitude que nous avons aujourd’hui est que la question des emplois se posera le jour où l’intelligence artificielle saura faire tout, et mieux que les humains.
Le progrès technologique est un maître absolu mais l’humain saura toujours rêver et créer