De Terminator à Star Trek, les lunettes de réalité augmentée ont nourri l’imagination des fans de science-fiction depuis plus de 30 ans. Après s’être lancé dans ce marché prometteur, Google a pourtant dû faire marche arrière en début d’année 2015. Lors du SXSW (ensemble de festivals de musique, films et médias interactifs), le patron du Google X Lab est revenu sur les raisons de cet échec le 18 mars 2015.
Le produit a tout d’abord suscité l’engouement
Le projet Google Glass a été lancé en 2011. Ce terminal, vendu exclusivement sur le site Internet dédié au projet, permettait aux particuliers d’utiliser leur téléphone en main libre et offrait des perspectives nouvelles au domaine de la réalité augmentée. Son usage était destiné à être enrichi grâce à de nombreuses applications. Dès 2012, Sergei Brin se montrait régulièrement utilisant cette nouvelle technologie, notamment dans le métro new-yorkais. Cette même année, le produit était salué par la presse, le Time le faisant figurer parmi les « Best inventions of the year ». L’engouement devient alors mondial : la SNCF et la police de Dubaï ont pour leur part déjà doté leurs agents de cet outil.
Malgré l’enthousiasme qu’a provoqué cette innovation, les ventes du nouveau produit ne décollaient pas. Moins d’un an après le début de sa commercialisation aux Etats-Unis, le 15 janvier 2015, le géant de l’informatique a retiré son produit du marché. Si les causes de cet échec commercial sont multiples, il est en tout cas incontestable que la révolution annoncée n’a pas (encore) eu lieu.
Un développement commercial mal défini
Avant d’être mis à la disposition du grand public, le premier wearable (technologie portable) de Google a été distribué à une quantité restreinte de développeurs. L’entreprise espérait que ces derniers créeraient des applications justifiant la commercialisation du produit. Ce pari ne s’est pas révélé gagnant puisqu’une centaine de Glass Apps seulement ont vu le jour (à titre de comparaison, il y a plus de 800 000 applications Android pour smartphones). Commercialiser un objet avant de lui trouver une utilité est en fait souvent soldé par un échec, comme Aldebaran Robotics l’a déjà expérimenté avec son robot Nao.
Le lancement des lunettes sur le marché générique a été trop précoce. Alors que le potentiel des Google Glass n’avait pas encore été pleinement exploré, une version du produit devait être proposée aux États-Unis en 2013… avant d’être reportée au 2ème trimestre 2014. D’abord prévue pour toute l’Europe, la distribution des lunettes de Google n’a finalement eu lieu qu’au Royaume-Uni. Ces revirements de situation ont contribué au mythe surdimensionné du produit.
Les Google Glass ont donc souffert du décalage entre leur surexposition médiatique prématurée et leur faible maturité technologique. Il est probable que les équipes marketing aient poussé à mettre sur le marché ce produit non abouti. Ces désaccords internes auraient engendré un départ massif au sein du Google X Lab selon le NY Times.
Un coût prohibitif et des consommateurs réticents
Commercialisé pour une valeur de 1,500$, cet outil encore à l’état de prototype est resté réservé à une population avant-gardiste, devenant in fine un gadget. Leur coût a condamné les Google Glass à rester une curiosité. Elles n’ont donc pas pu rentrer dans notre quotidien à l’inverse des liseuses et des tablettes qui ont été démocratisées avec succès.
Un autre point que Google n’est pas parvenu à anticiper est la crainte des consommateurs de voir ce nouveau produit s’immiscer dans la vie privée. Le collectif Stop the cyborgs met en garde contre l’atteinte aux libertés individuelles que peut engendrer l’emploi du device. L’agression d’une américaine portant des Google Glass a démontré la réalité du problème. Leur arrivée chez les usagers a soulevé d’autres questions, notamment concernant leur utilisation au volant.
Conscient de ces nouvelles problématiques, Google a publié en février 2014 un guide de bonnes pratiques la concernant. Il déconseille notamment l’emploi des Google Glass lors de sports extrêmes. Il sensibilise aussi les utilisateurs sur la bonne conduite à adopter : Le respect de l’individu et une attitude ouverte face à la curiosité des passants sont par exemple recommandés. Malgré ces précautions, le public s’est montré réticent à cette intrusion dans la vie privée.
Quel avenir pour les Google Glass ?
Avec ses lunettes, Google a fourni à ses détracteurs de nouveaux arguments pour dresser d’elle un portrait noir : celui d’une compagnie proposant des produits en décalage avec les attentes du grand public, stimulée par une surenchère technologique recherchée au détriment des libertés individuelles. Mentalité américaine oblige, la compagnie californienne retient l’aspect positif de cette expérience. Astro Teller, directeur de Google X Lab, a affirmé lors du festival SXSW : « On réalise une tonne de progrès en commettant une tonne d’erreurs ».
L’entreprise de Mountain View n’a pas annoncé la date de relance du produit. Les Google Glass ont quelques années d’avance et resteront un projet précurseur en la matière, comme ont pu l’être les premières tablettes apparues dans les années 1990. Microsoft a aussi fait le pari des lunettes connectées avec Hololens. Visant un public plus large avec des fonctions de réalité virtuelle, le casque de Microsoft devrait au moins rencontrer un succès chez les fans de jeux-vidéos.
Les ventes de Smartwatch prouvent que le wearable a de beaux jours devant lui ; il faudra cependant encore quelques années avant de voir les Google Glass arriver dans notre quotidien.