Après une première approche générale et une réflexion sur les acteurs de l’e-santé, nous nous intéressons aux applications mobiles pour professionnels de santé.
En effet, le potentiel du marché de l’e-santé ne cesse de croitre, en témoignent le nombre croissant d’outils et d’applications mis sur le marché, ainsi que les appels à projets e-santé, tels que ceux lancés en début d’année par le Ministère de l’Économie.
Ce potentiel se mesure notamment à deux facteurs:
– Le taux de pénétration croissant des smartphones et tablettes dans le Grand Public comme chez les professionnels de santé
– La croissance des applications métiers destinées aux professionnels de santé sur ces outils
Deux typologies d’applications santé sont à distinguer sur les App Stores : les applications Grand Public surfant sur la vague fitness et bien-être (suivi des calories, autodiagnostic, relaxation…), et les applications exclusivement dédiées aux professionnels de santé. Nous nous intéresserons à cette deuxième catégorie.
Des conditions propices à un usage croissant des applications e-santé par les médecins et des bénéfices tangibles pour le corps médical
Le développement d’applications mobiles à destination du corps médical est soutenu par un terreau favorable constitué de plusieurs facteurs :
– Le fort taux de pénétration de ces nouveaux outils communicants chez les professionnels de santé.
Selon une étude Manhattan Research réalisée cette année auprès de 2,000 praticiens américains, 72% d’entre eux utilisent un smartphone dans le cadre de leur travail. Ce taux devrait atteindre 81% en 2012.
En France, le baromètre 2010 du Cessim (Centre Spécialisé Sur les Supports de l’Information Médicale) indiquait que 30% des médecins généralistes et 36% des spécialistes étaient équipés de smartphones. Chez les médecins français, l’iPhone reste le plus répandu : 61% des médecins généralistes équipés de smartphones possèdent un iPhone, 74% chez les spécialistes.
– Certaines institutions médicales américaines ont bien compris le potentiel de ces outils. Ainsi, 30% des écoles de médecine accréditées aux États-Unis imposeraient à leurs étudiants d’avoir un smartphone, alors que les autres écoles l’encourageraient fortement (étude FirstWorld, Mai 2010).
– Enfin, les applications spécialisées se multiplient. Sur les App Stores, les développeurs bénéficient en effet d’une exposition qui les incite à proposer un grand nombre d’applications. Ainsi, il existe déjà plus de 6,000 applications dans la rubrique « Santé » de l’App Store iOS (mais toutes ne sont pas destinées aux professionnels).
Mais si les applications mobiles à destination du corps médical sont promises à un bel avenir, c’est également parce qu’elles présentent des atouts clefs pour les professionnels de santé.
– Un potentiel d’économies important : en réunissant de multiples fonctions au sein d’un même terminal, les smartphones ont l’avantage de la compacité, mais aussi du coût. Ainsi, un médecin peut aisément abandonner son dictaphone (valant jusqu’à 600€) au profit de l’application native de son iPhone.
– Des fonctionnalités qui peuvent se révéler très utiles au quotidien : le GPS pour se déplacer chez le patient, l’email en push pour être joignable en permanence, un écran de bonne qualité pour visualiser des radios, scans…
– Des terminaux esthétiques et ergonomiques Le succès des smartphones et tablettes est également dû à leurs interfaces presque exclusivement tactiles, modèles de simplicité d’usage. Leur simplicité et leur ergonomie sont valorisants, mais permettent également aux professionnels de santé d’être plus efficaces dans leurs métiers.
De nombreuses applications existent déjà
Smartphones et tablettes peuvent déjà être utilisés au quotidien par les médecins. Voici quelques applications répondant à des cas pratiques. Toutes ces applications sont déjà disponibles sur au moins une plateforme mobile.
1. Surveiller un patient à distance : AirStrip
AirStrip est une solution permettant à un médecin d’avoir accès en mobilité et en temps réel à des informations collectées sur un patient (un électrocardiogramme, les contractions d’une femme enceinte, le rythme cardiaque d’un nourrisson…)
Par rapport à une solution papier, les bénéfices pour le professionnel sont nombreux : donnés en temps réel, mobilité, possibilité de zoomer…
Les solutions AirStrip, qui visent prioritairement les médecins hospitaliers, ne sont pour le moment déployées que dans des cliniques privées américaines. En effet, bien que non public, leur coût reste certainement encore élevé.
Les différentes applications de l’éditeur sont disponibles sur iOS, BlackBerry ou Android. Si leur téléchargement est gratuit, elles ne fonctionneront que dans un hôpital utilisant la solution AirStrip (vendu aux structures médicales sous forme d’abonnement).
2. Accéder à distance au dossier médical d’un patient : Bedside de IMS Maxims
IMS Maxims est une société britannique qui fournit aux hôpitaux une solution de dossier médical électronique. Grâce à une application iPhone/iPad, les médecins peuvent accéder en mobilité au dossier médical de leur patient.
Parmi les fonctionnalités disponibles : la mise à jour du dossier médical à distance ou un outil d’alerte pour le médecin si le résultat urgent d’un patient vient d’arriver.
Au quotidien, l’utilisation d’un iPad permet au médecin de s’affranchir du PC portable, souvent lourd, difficile à connecter en mobilité, et propice à véhiculer des microbes.
L’application IMS Maxims peut être téléchargée gratuitement, mais elle ne fonctionnera que dans un hôpital utilisant la solution de dossier médical électronique d’IMS Maxims.
3. Expliquer et illustrer un cas clinique : Blausen Medical Atlas
Illustrer, expliquer avec des mots simples ; la capacité du médecin à communiquer est clé dans sa relation avec le patient.
Pour cela, il dispose aujourd’hui de planches papier ou de modèles d’organes. Mais l’écran d’un smartphone ou d’une tablette est bien plus dynamique et parlant. Une telle application est également utile dans le cadre d’études de médecine ; que ce soit pour l’enseignant ou pour ses étudiants.
C’est pour répondre à ces besoins que le Blausen Medical Atlas (iOS, Android et BlackBerry) offre une visualisation en 3D plus de 150 parties du corps humain (14€ sur Android, 24€ sur iOS).
4. Se renseigner sur un médicament : Vidal
Le Vidal est connu en France comme LE dictionnaire de référence des médicaments. C’est l’une des sources d’informations clefs pour les médecins.
L’application iPhone et iPad du Vidal permet au médecin ou à l’étudiant en médecine d’avoir toujours sur soi un dictionnaire ultraléger, et surtout toujours à jour.
Le Vidal sur iPhone ou iPad est disponible contre un abonnement de 29,9€ par an, un prix qui peut se justifier si on sait qu’une édition neuve du Vidal coûte près de 200€.
5. Enregistrer et transcrire un rapport médical : Dragon Medical Mobile Recorder
Le dictaphone est un outil utilisé au quotidien par certains médecins. Les remarques et prescriptions sont enregistrées par le praticien, et par la suite retranscrites par une assistante médicale.
Le dictaphone est un outil cher (jusqu’à 600€ pour un matériel de qualité), et nécessite la transcription du rapport par une assistante médicale. Pour contourner ces contraintes, certaines applications se proposent de remplacer le dictaphone, et même de faire le travail de transcription de l’enregistrement.
Le Medical Mobile Recorder de Dragon Communications est l’un d’eux : il enregistre les notes du médecin, et les sauvegarde sur les serveurs Dragon, qui effectuent le travail de transcription automatique. La note écrite est immédiatement renvoyée au médecin (application gratuite, mais abonnement d’environ 1,100€ par an).
Perspectives de développement du marché en France : quelques barrières restent à lever, cliniques et médecins libéraux seront précurseurs
Ces quelques exemples d’applications témoignent d’un marché foisonnant de nouvelles idées et caractérisé par un fort potentiel. Il n’y a désormais plus de doutes ; smartphones et tablettes seront des outils clés des médecins de demain.
Cependant, avant une généralisation de leur usage, en France notamment, certains challenges restent à relever.
– Des problématiques de confidentialité des données et de sécurité inquiètent encore les professionnels de santé.
Les applications actuelles sont en effet développées sur des plateformes et des outils grand public, pas toujours adaptés aux exigences de confidentialité des données qui existent dans le milieu médical.
L’utilisation de terminaux mobiles au sein des hôpitaux peut également poser des problèmes de sécurité (interférences) avec le système de communication interne des hôpitaux ou avec certains appareils complexes. C’est l’une des raisons (avec le bruit généré par les conversations) qui conduit la plupart des hôpitaux dans le monde à interdire leur utilisation. Cette interdiction n’est cependant pas toujours respectée par les médecins, et a même été levée il y a plusieurs années en Irlande.
– L’implication des pouvoirs publics sera également crucial, et ce à double titre. D’un point de vue incitatif d’abord, les industriels et éditeurs spécialisés doivent être accompagnés par des actions des pouvoirs publics. Cette incitation peut prendre la forme d’aides financières, mais également de groupements de coopération ayant pour but de développer des services dans les hôpitaux d’une région.
Les pouvoirs publics jouent également un rôle, indirect mais clef, en soutenant des projets tels que le dossier médical personnalisé ou la télémédecine.
Les quelques exemples de cet article l’illustrent ; les applications mobiles e-santé les plus avancées ont d’abord été adoptées par les cliniques privées américaines. Les raisons sont évidentes, ce sont des entreprises qui se doivent d’innover et qui bénéficient d’une certaine force de frappe financière.
En France, il y a fort à parier que ce soient également les cliniques privées qui soient les premières utilisatrices de solutions mobiles. Car si ces solutions sont innovantes, elles sont aussi parfois onéreuses à mettre en place.
Outre les cliniques, les médecins libéraux seront également porteurs du marché, pour deux raisons majeures. D’abord, beaucoup de médecins ont déjà à titre personnel un smartphone, voire une tablette. À condition d’accepter d’utiliser un terminal personnel à titre professionnel, ils ne doivent faire un investissement supplémentaire qu’à la marge (achat d’une application ou d’un abonnement). De plus, en tant qu’individus, les médecins font un calcul coût-bénéfice qui n’engage qu’eux. A l’inverse, un hôpital ou une clinique doit passer par un processus décisionnel bien plus complexe avant de sauter le pas.
Cliniques et médecins libéraux vont donc certainement être les early-adopters des applications mobiles, jouant un rôle d’évangélisation auprès des autres acteurs de la santé : établissements hospitaliers publics, CHU, EPHAD…
Article intéressant même si vos exemples sont peut être trop anecdotiques. On trouve sur l’app store de bons outils francophones qui permettent aux médecins une amélioration net de la productivité. Je citerai par exemple le tres celebre Medcalc ou encore Honoraires. Les meilleurs outils à mon sens n’etant pas les plus démonstratifs mais ceux dont le service rendu par l’outil informatique est le plus grand.
Vous avez raison, les applications les plus avancées ne sont pas toujours les plus utiles au quotidien.
Au même titre que les exemples que vous citez, MedicalCalculator et Intervention sont également de bonnes applications.