En quatre ans d’existence, Xiaomi est passé de l’état de constructeur chinois qui intrigue à celui de géant qui inquiète et qui semble capable de rivaliser avec les plus grands constructeurs mondiaux de smartphones. Quelle est la recette de son succès ? Va-t-on assister à une déferlante dans nos contrées ? Que penser des détracteurs qui le réduisent à une pâle copie d’Apple ?
Xiaomi devance Samsung en Chine
Xiaomi (a) fait ses armes sur son marché domestique. 97% de ses ventes sont réalisées en Chine. Et force est de constater que la réussite est au rendez-vous. La dernière étude de Canalys, portant sur le deuxième trimestre de l’année 2014, consacre Xiaomi comme n°1 des ventes de smartphones en Chine, avec 15 millions de terminaux vendus, contre 13 millions pour Samsung, qui dominait le marché jusqu’alors. Et comme une confirmation, l’institut Strategy Analytics annonce le 31 juillet que Xiaomi se place en 5ème position dans la hiérarchie mondiale des constructeurs, derrière Samsung, Apple, le chinois Huawei et Lenovo.
Les produits : Dont’t Think Different ?
Le business model qui a permis à Xiaomi de s’imposer est relativement simple. Il repose sur des terminaux de moyenne et haute gamme en termes de hardware et sur un prix de vente au plus proche de son coût de fabrication, compensé par des investissements très faible en R&D et en marketing, une distribution exclusivement online et enfin des éléments de design inspirés des téléphones à succès.
En effet, le fabriquant chinois ne cache pas l’influence d’Apple. Lors du lancement du nouveau Mi4, fer de lance de la gamme, les échos au géant californien ne manquaient pas : apparition du CEO vêtu d’un t-shirt noir et d’un jean, comme un hommage à Steve Jobs, projection, juste avant de dévoiler le produit, d’une slide portant le message « One more thing », un quasi rituel lors des présentations signées Apple.
Le nouvel appareil s’inspire d’ailleurs très largement de l’iPhone et les autres produits de la marque indiquent également une réelle proximité en termes d’apparence : la MiBox, un boîtier de streaming, ressemble étrangement à la Apple TV, la tablette MiPad est un croisement entre l’iPad mini et l’iPhone 5C, etc.
Mais là où certains considèrent ces inspirations scandaleuses, d’autres trouveront la stratégie audacieuse. Xiaomi capitalise sur une marque établie et incroyablement populaire. Le prix des terminaux Apple est le principal frein à leur succès en Chine. L’iPhone a été pensé pour les marchés occidentaux qui fonctionnent généralement avec des subventions des opérateurs qui arrivent ainsi à rendre le prix des téléphones acceptable. La pratique étant beaucoup moins courante en Chine, l’iPhone reste alors dans une gamme de prix très élevée. Le constructeur chinois surfe sur cet attrait pour les produits de la marque à la pomme et se concentre sur deux des principaux aspects qui ont bâti la notoriété d’Apple : le design et la qualité des produits.
L’un des arguments de vente des produits Xiaomi est en effet le recours aux mêmes fournisseurs qu’Apple sur un certain nombre de composants utilisés pour les terminaux, ce qui est considéré comme un gage de qualité par les utilisateurs. La philosophie de Xiaomi tient en quelques mots : si un produit répond aux attentes d’un marché, il est préférable d’améliorer l’existant plutôt que d’innover sans raison.
À la conquête du monde
Reste un objectif de taille au nouveau leader chinois : réussir à s’internationaliser.
Hugo Barra, ex-Vice-Président du produit Android chez Google devenu fin 2013 VP de Xiaomi en charge du développement à l’international, cherche à progressivement dissocier la marque de son image de « meilleur cloneur d’Apple ». Plus largement, trois enjeux stratégiques majeurs semblent se dessiner : séduire les marchés occidentaux, résoudre (ou contourner ?) les tensions liées à la propriété intellectuelle et conquérir les pays émergents.
Sur les marchés occidentaux très matures, Xiaomi devra peut-être s’écarter du business-model qui a fait son succès. Le modèle de distribution ne pourra pas rester le « web-only » actuel et le constructeur chinois devra négocier des accords de distribution avec les opérateurs mobiles, accords lourds de conséquences, d’un point de vue financier. Un énorme travail sur l’image de la marque devra également être effectué. Le chinois Xiaomi aura comme objectif d’une part de faire valoir la qualité de ses produits et d’autre part, de se défaire des accusations de copie, qui seront particulièrement virulentes aux États-Unis ou en Europe.
Celles-ci pourraient d’ailleurs être un frein à son expansion internationale. S’inspirer d’autres constructeurs est toléré par les autorités chinoises, qui voient surtout la montée d’un compétiteur qui peut à terme rivaliser avec les leaders mondiaux.. Mais si Xiaomi continue son expansion internationale, il ne bénéficiera surement pas de la même clémence et nul ne doute qu’une intense bataille de brevets s’engagera : Samsung et Apple attendent de pied ferme ce poil à gratter chinois.
Concernant les grandes puissances émergentes, l’internationalisation a déjà commencé et la firme chinoise espère être présente sur 10 nouveaux marchés (incluant l’Inde, le Brésil ou encore la Russie) d’ici la fin de l’année. Si Xiaomi concentre ses efforts sur ces zones à fort potentiel, où son business-model est le plus facilement reproductible, il est peu probable de voir déferler les terminaux Xiaomi sur les marchés américains ou européens cette année. Le temps pour Xiaomi de bâtir une présence mondiale lui permettant ensuite de lutter contre Apple et Samsung, cette fois-ci sur leurs propres terrains.