Cher consommateur, le commerce est en voie de démocratisation.
Autrefois exclusivement réservées aux commerçants, les activités de revente, d’échange ou de rachat de biens peuvent désormais s’effectuer directement par le consommateur. Si ce n’est pas déjà le cas, vous allez bientôt tomber sous le charme du commerce inversé, dit recommerce.
Depuis quelques années, le concept a bouleversé le marché des produits électroniques avec une multiplication de solutions astucieuses d’échange ou de reprise de biens, notamment via des plateformes en ligne.
S’il y a beaucoup de secteurs concernés par cette mutation, la palme revient à celui de la téléphonie mobile, dans lequel les recommerçants deviennent des acteurs clés du marché. Associés avec les opérateurs, ces derniers valorisent les terminaux usagés des clients via une remise en état ou un recyclage.
Tout le monde y trouve son compte : les entreprises, l’environnement et surtout le consommateur final.
Partons à la découverte d’un concept séduisant devenu marché porteur en l’espace d’un lustre.
Le recommerce : un concept qui séduit le consommateur
En 2011, le concept est intronisé par Trendwatching. La récupération des biens usagés entre deux entités était devenue une pratique commerciale. Le recommerce devient aux yeux des analystes une tendance de marché : jamais il n’avait été aussi simple pour les consommateurs « de dégager la valeur de leurs biens existants ».
En pleine conjoncture défavorable, le concept séduit les ménages à double titre : sur le plan financier (augmentation du pouvoir d’achat grâce à la valorisation de ses biens existants) et sur le plan environnemental (la récupération et le recyclage rallongent le cycle de vie des produits et réduisent les émissions de CO2).
À l’image de ce qui était fait dans le cas d’achats de produits onéreux (une maison ou une voiture par exemple), le consommateur estime la valeur de revente pour de plus en plus de catégories d’achats. Le consommateur adopte les réflexes du recommerce.
Le marché de la téléphonie mobile en est la parfaite illustration, tel que le démontre un sondage mené par TNS SOFRES fin 2013. Il a le mérite de mesurer l’impact réel de cette tendance sur le consommateur moyen.
On y apprend le potentiel du marché : 50% des français sont prêts à acquérir un téléphone de seconde main et 66% souhaiteraient revendre leur ancien modèle pour en financer un nouveau.
Mais également ses limites : dans 69% des cas, les français le conservent parce qu’ils estiment qu’il peut toujours servir « au cas où ».
En somme, en l’espace de deux ans, le concept séduisant s’est transformé en marché à fort potentiel. Découvrons-en les précurseurs.
Recommerce Solutions : la start-up française visionnaire
Plusieurs start-ups ont émergé ces dernières années, surfant sur la vague du recommerce dans le marché de la téléphonie mobile.
Leur objectif : s’associer avec les grands opérateurs et ainsi s’appuyer sur des grands réseaux de distribution pour déployer leurs solutions de recommerce. Une poignée d’entre elles commence à se détacher du lot pour partir à la conquête du marché européen : l’américaine eRecyclingcorps, les anglaises Redeem et Regenersis, l’allemande Wirkaufens et la française Recommerce Solutions. Dressons un portrait du champion français pour mieux comprendre les rouages internes d’un recommerçant de la téléphonie mobile.
Recommerce Solutions naît en partant du constat que le marché de la téléphonie est en train de changer. Les opérateurs ont cessé peu à peu de subventionner les terminaux mobiles, faisant découvrir aux consommateurs leur prix réel.
Il s’agit-là d’un vrai bouleversement puisqu’on passe de payer un euro pour son portable (associé au prix du forfait) à devoir chercher des moyens pour débourser des centaines d’euros pour le dernier smartphone.
Pierre-Etienne Roinat, Benoit Varin, Cédric Maucourt et Antoine Jeanjean se disent que la solution de l’équation passe peut-être par le développement du marché de l’occasion. Le recommerce ne s’est pas encore développé en Europe, le taux de recyclage des téléphones est encore très bas en France et les premiers acteurs positionnés n’ont pas l’ingénierie marketing et financière suffisante pour déployer une offre à échelle nationale. Ils créent en 2009 Recommerce Solutions.
Spécialisée dans la reprise et la revente de mobiles d’occasion, la start-up maîtrise entièrement la chaîne de valeur du recommerce. Le produit est repris en boutique, acheminé dans des usines de recyclage ou de traitement pour remise en état, puis remis sur le marché pour être revendu.
Elle répand son savoir-faire sur les marchés BtoC, BtoB et BtoBtoC. Elle négocie différents partenariats avec des opérateurs, MVNO, distributeurs, constructeurs, e-commerçants, pour proposer le service de reprise de mobiles, et augmenter leurs revenus. Elle devient leader du marché français.
L’an dernier Recommerce Solutions a franchi un cap grâce à une levée de fonds de 7,1 millions d’euros. Un coup de pouce qui lui a permis de financer son développement international et de s’implanter durablement sur les marchés polonais, suisse et espagnol. Tel qu’annoncé lors du dernier Mobile World Congress, l’ouverture de la filiale Recommerce Ibérica permet à la start-up de devenir un groupe à dimension continentale.
Quand Apple saisit le concept…
Les start-ups pionnières du marché en 2010 sont devenues aujourd’hui des PME qui se développent à l’international. Début 2014, la plupart des opérateurs de téléphonie et des commercialisateurs de terminaux sont déjà associés à des recommerçants. Le marché du recommerce serait-il proche de la maturité ?
La question est plus que jamais d’actualité depuis qu’Apple a annoncé qu’il entrait également dans la danse.
La marque à la pomme vient de lancer en France un programme de reprise de ses anciens appareils aussi bien smartphones que tablettes. Il s’agit d’une offre de reprise telle qu’elle est déjà proposée aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne depuis le lancement des iPhones 5C et 5S. En appliquant le concept du recommerce dans sa chaîne de valeur, Apple offre la possibilité de réduire le coût d’achat d’un nouvel iPhone de 215 euros.
Si la société Apple adopte le concept, elle veille également à en délimiter sa portée.
Limitation physique d’abord puisque le programme n’est mis en place que dans les Apple Store. Puis limitation de l’offre puisque le bon d’achat obtenu en échange de la remise d’appareils de la marque (iPhone, iPod, iPad ou Mac) ne pourra être utilisé que pour l’achat d’un nouvel iPhone.
Si un géant comme Apple se lance lui aussi dans les solutions de reprise de terminaux mobiles, c’est parce qu’il a su lire les signaux favorables du marché.
Dans une société de plus en plus regardante sur l’empreinte environnementale issue du mode de vie, les appareils réutilisés ou recyclés ont de beaux jours devant eux. Dans un marché de l’électronique où les produits sont toujours remplacés, toujours plus vite, bien avant leur fin de vie, le marché de l’occasion prend un coup de neuf.
Rajoutez à cela une conjoncture économique difficile qui entraîne une baisse du pouvoir d’achat moyen et vous comprendrez pourquoi Recommerce Solutions et Apple n’ont pas eu de mal à transformer le concept séduisant du recommerce en marché porteur.
Montesquieu disait que le commerce est la chose la plus utile à l’Etat.
Le recommerce pourrait bien devenir la chose la plus utile aux consommateurs.
Chers consommateurs, n’achetez plus, ne vendez plus. Rachetez, revendez. Recommercez.