Le site américain Re/Code évoquait en début de semaine dernière l’acquisition de la société britannique DeepMind par Google, le tout pour une somme estimée entre 400 et 500 millions de dollars. Confirmé depuis par le géant de Mountain View, cet achat trouve sa place dans une récente stratégie d’investissements externes, se traduisant par une série d’acquisitions dans des domaines bien spécifiques.
DeepMind, une start-up timide mais prometteuse
Très peu connue du grand public, et même du monde de l’IT, la société Londonienne DeepMind œuvre dans le domaine extrêmement précis de l’Intelligence Artificielle (IA). Elle a été fondée il y a trois ans par un énigmatique personnage, Demis Hassabis, aux talents mondialement reconnus dans les neurosciences et la programmation. C’est à partir de ce socle de connaissances qu’il a décidé de dédier son travail à la création d’intelligences artificielles capables d’imiter et de surpasser le cerveau humain. Un projet a convaincu nombre d’investisseurs comme Founder Fund ou Horizons Ventures, permettant à DeepMind d’employer 50 spécialistes recrutés sur le volet et de sécuriser un capital de 50 millions de dollars pour mener à bien ses recherches. A noter que DeepMind est l’une des rares start-ups indépendantes à se concentrer sur les problématiques d’intelligences artificielles, études pour le plus souvent menées pars des grands groupes du monde de l’IT.
Le site web (ultra-)minimaliste de la start-up définit DeepMind comme un éditeur d’algorithmes de « machine learning » dédiés aux industries du jeu vidéo, du commerce en ligne et de la simulation informatique, bien qu’aucun produit n’ait pour l’instant été commercialisé.
DeepMind aborde ses recherches sur le machine learning sous un angle tout particulier nommé « Deep Learning », ou apprentissage en profondeur. Au lieu d’essayer d’inculquer à des machines une multitude de règles et de principes qui régissent notre monde, l’apprentissage en profondeur se contente de fournir à une intelligence artificielle une quantité phénoménale de données brutes, que cette dernière va analyser, afin de déduire par elle-même et de façon dynamique les principes et modèles logiques qui définissent un environnement donné.
Pour illustrer ce principe plutôt ésotérique, DeepMind a récemment réalisé une démonstration d’une de ces intelligences artificielles qui a fait couler beaucoup d’encre. L’idée de la démonstration était de confronter le programme à quelques premiers jeux vidéo d’arcade ATARI, en laissant l’IA jouer sans implémenter les règles du jeu au préalable. Partie après partie, le programme tire les enseignements de ses scores au départ très mauvais, pour s’améliorer rapidement, et in fine devenir plus fort que les joueurs humains.
Pourquoi Google s’intéresse à l’intelligence artificielle
Si la société se montre pour l’instant peu bavarde sur sa récente acquisition, les spécialistes et observateurs avertis ne manquent pas d’idées pour expliquer la stratégie d’investissement très active de Google.
De façon assez évidente, les technologies de DeepMind trouvent toute leur place dans un processus d’amélioration des produits Google actuels. Le département « Search », cœur historique de la firme, semble être celui qui va accueillir la majeure partie des équipes de la start-up londonienne. L’idée est évidemment d’apporter de nouvelles améliorations aux algorithmes de recherche et de référencement grâce aux avancées sur l’apprentissage machine en profondeur et les innovations en matière d’IA.
Il s’agit également de parvenir à améliorer d’autres produits, notamment Google Now, qui s’appuie déjà sur des algorithmes complexes de data-mining pour proposer spontanément du contenu ou des programmes pertinents aux utilisateurs, en anticipant leur comportement.
Plus largement, Google dispose dans ses cartons de nombreuses innovations technologiques telles la Google Car, ou le chapelet de technologies relatives aux Google Glass. Ces technologies encore brutes nécessitent d’être « humanisées » et finalisées, pour offrir une proposition de valeur, une utilité et une facilité de prise en main évidentes aux yeux du grand public. Dans cette optique, l’Intelligence Artificielle constitue une excellente interface entre ces technologies de plus en plus évoluées et les utilisateurs finaux.
Google aspire à diversifier ses activités dans le futur
On peut également considérer l’achat de DeepMind non plus comme une acquisition isolée de compétences spécifiques, mais comme partie intégrante de la série récente d’acquisitions opérées par Google.
Sur le dernier semestre, Google a pris de sérieuses positions dans le domaine de la robotique, notamment avec le rachat de Boston Dynamics, experte en robotique. Il y a quelques semaines, l’acquisition de la société Nest Labs pour 3,2 milliards de dollars, avait fait également parler d’elle. Cette entreprise spécialisée quant à elle dans les objets intelligents (notamment alarmes et thermostats), cela pourrait laisser présager une volonté de Google de se diversifier également dans la domotique…
Mises bout à bout, ces différentes acquisitions forment de nouvelles combinaisons technologiques, et potentiellement de nouveaux produits et services encore inédits aujourd’hui. Beaucoup d’experts pensent que Google se prépare déjà à la phase post- « objets connectés », si populaire aujourd’hui, pour se diriger vers l’ « assistant personnel » connecté : une IA présentes dans des programmes ou objets connectés (voire dans des êtres robotiques) pourront assister les utilisateurs dans leurs tâches, en anticipant leurs besoins et facilitant leur interaction avec les technologies de plus en plus sophistiquées.
Ainsi, si les autres Grands du web s’affrontent toujours sur les terrains du mobile et des objets connectés, Google profite de sa longueur d’avance pour creuser encore plus l’écart avec ses concurrents, et commencer à pérenniser sa suprématie sur l’Internet de demain.