Le 18 mai 2012, Facebook faisait son entrée en bourse en grandes pompes sous le regard attentiste de la planète. Les débuts décevants suivis d’une stagnation de 10 mois chaotiques ont finalement débouché sur une progression en flèche du tarif de l’action qui a réussi, contre toute attente, à retrouver son niveau nominal à la fin du mois de juillet.
Retour sur les raisons du parcours inattendu plein de rebondissements de l’action du premier réseau social au monde.
Un lancement surmédiatisé, suivi de débuts catastrophiques
Avec un prix fixé à 38 dollars pour l’IPO, Facebook a été très ambitieux au départ. Il est facile de dire aujourd’hui, avec le recul, que ce tarif était survalorisé. L’image très jeune de l’entreprise, la peur de l’effet de mode qui passe et les irrégularités survenues pendant la mise sur le marché de Facebook ont rapidement fait perdre confiance aux investisseurs et ont eu pour effet une chute spectaculaire de l’action qui a perdu 30% de sa valeur en deux semaines et est passé à 18 USD en moins de 4 mois. Une class action a même été intentée de la part des investisseurs mécontents.
Les critiques s’en sont alors donné à cœur joie, se demandant si Mark Zuckerberg, patron emblématique de de l’entreprise âgé de 29 ans à l’époque avait la maturité et les épaules pour diriger une société cotée en bourse. Son look jeune avec son sweat à capuche légendaire ainsi que son silence dans les médias à ce moment (il était en lune de miel à Rome) n’ont pas contribué à faire taire les critiques.
Une traversée du désert pour l’action qui cache un travail acharné dans l’entreprise
Ne voyant pas l’action reprendre de la valeur, les critiques ont continué à fustiger le patron de Facebook pour son manque d’expérience. Ainsi Michael Pachter, analyste chez Wedbush Securities clamait à l’époque « Il n’a jamais travaillé avant Facebook, c’est son premier job ».
Facebook a vite compris la nécessité de diversifier ses sources de revenus afin de solidifier son modèle économique, condition sinequanone pour regagner la confiance des marchés. Mark Zuckerberg affirmait à l’époque « tenir un cap » indépendamment des performances boursières de son entreprise : « Rien de tout cela ne me laisse penser que notre stratégie de fond est mauvaise » disait-il début 2013 face à l’assemblée générale des actionnaires. De plus, sa conviction de mener le bon combat avait été réaffirmée en septembre 2012 lorsqu’il avait renoncé à vendre une partie de ses actions. Cette posture avait aussi pour but de rassurer salariés et actionnaires qui s’inquiétaient de ne pas avoir le droit de céder leurs actions alors que celles-ci continuaient à perdre rapidement de leur valeur. Finalement, certains des dirigeants de l’entreprise ont démissionné après avoir revendu leurs actions, mais les départs de masse attendus n’ont pas eu lieu.
La stratégie du patron de Facebook consistant à faire passer l’expérience utilisateur avant la monétisation de l’audience a pris du temps mais s’est avéré payante. Cette stratégie privilégiait donc le long terme sur le terrain publicitaire malgré de fortes pressions sur la rentabilité. « Nous ne concevons pas des services pour gagner de l’argent, nous gagnons de l’argent pour concevoir des services », martelait-il. Dès lors, la brique centrale de construction de la croissance du réseau social a été le mobile. Les revenus associés à ce terminal sont passés de 0 à 41% du chiffre d’affaire publicitaire de l’entreprise en 2013.
C’est ainsi, que peu à peu, Facebook et son dirigeant ont commencé à rassurer les médias. « Mark Zuckerberg a une vision claire de la manière dont il veut changer le monde. Et il a derrière lui une entreprise totalement dévouée, qui non seulement partage sa vision, mais qui agit tous les jours pour l’atteindre » affirmait Ekaterina Walter, dans son livre Think Like Zuck : The Five Business Secrets of Facebook’s Improbably Brilliant CEO Mark Zuckerberg (McGraw-Hill Professional).
Une remontée en flèche tant attendue
Aujourd’hui Mark Zuckerberg détient la première place des dirigeants les plus appréciés aux USA avec un taux de confiance de 99%, sur le site Glassdoor.com sur lequel les employés des grandes entreprises peuvent noter leur hiérarchie. Ceci n’est nullement dû au hasard, mais plutôt à une vision claire et un travail acharné de sa part.
La bourse commence à croire à nouveau en Facebook fin 2012. En effet, le chiffre d’affaire croissant sur les mobiles porte l’action à passer, pour la première fois depuis la chute vertigineuse, au-dessus de la barre symbolique des 30 USD. Le nombre d’utilisateurs se connectant à Facebook sur mobile a bondi de 20% ces 6 derniers mois, et de 50% durant cette dernière année. Suite à cela, Facebook a multiplié les nouveaux formats publicitaires sur mobiles, plus efficaces et moins chers pour les annonceurs que sur le fixe. De plus, le temps passé sur l’application par un utilisateur de mobile a été rallongé de 25% par rapport à celui d’un utilisateur de fixe, grace notamment à Facebook Home. Finalement, l’acquisition d’Instagram au prix fort a été le point d’orgue de la stratégie mobile de Facebook.
Mais les mobiles n’ont pas été les seuls à contribuer à cette remontée spectaculaire. Les revenus publicitaires ont aussi été augmentés hors du mobile : Facebook Exchange, plateforme d’achat aux enchères en temps réel d’espace publicitaire, ainsi que le croisement des bases de données de Facebook avec celles des annonceurs qui a permis un meilleur ciblage et finalement l’augmentation de l’impact des publicités en les insérant au sein du fil d’actualité ont joué un rôle clé dans la croissance du chiffre d’affaire publicitaire sur PC.
Ainsi, 14 mois après son entrée en bourse, Mark Zuckerberg a réussi à ramener l’action de son entreprise à sa valeur nominale. « Il est parvenu à faire taire les plus pessimistes, il apprend son métier sur le tas », avance Brian Wieser, analyste chez Pivotal Research
Un futur plus serein et porteur de promesses
Depuis la publication de ses derniers résultats financiers, tout a changé pour le réseau social : en effet, l’ascension de 8 USD du prix de l’action en un jour a permis à l’action de retrouver sa valeur nominale deux jours plus tard et à l’entreprise de souffler un peu, bénéficiant de la bienveillance médiatique. Elle peut ainsi s’appuyer sur de solides arguments pour envisager le futur :
- Une croissance phénoménale d’utilisateurs quotidiens (+13% sur les 6 derniers mois) et mensuels (+9%) qui compense la désaffectation massive des adolescents qu’a pu constater le réseau social.
- Une perspective de croissance du marché de la publicité sur internet : 36.2 milliards USD pour cette année, soit 22% du marché des médias.
- Des partenariats annoncés vers la publicité TV qui reste le marché le plus florissant en termes de publicité (63,9 milliard USD, soit 38% du marché des médias).
- L’annonce faite cet été par Facebook du lancement d’un nouveau format vidéo : un spot de 15 secondes qui serait vendu entre 1 et 2,5 millions USD par jour.
- La toute nouvelle possibilité de partager un post Facebook public sur un site externe comme Twitter par exemple.
La comparaison avec Google, qui, de son côté, n’a pas trouvé la recette magique de faire décoller son chiffre d’affaire publicitaire ne pourra que faire du bien à Facebook et l’aider à sortir définitivement de sa mauvaise période boursière.