L’expansion de l’IA générative dans l’environnement de travail peut entrainer chez les collaborateurs.ices un gain en productivité considérable. Les innovations technologiques sont rapides, mais elles sont souvent accompagnées d’une augmentation de l’empreinte environnementale associée à ces outils. Par exemple, la puissance électrique globale associée aux charges de travail d’IA pourrait atteindre en 2028, l’équivalent de la production de 14 à 19 réacteurs nucléaires français 1&2. L’empreinte carbone de Google a augmenté de 48 % entre 2019 et 20233, mettant en péril ses objectifs de neutralité. En termes d’extractions de ressources minérales et métalliques, la création et l’utilisation d’un service de génération d’image pendant 1 an équivaut à produire 5600 smartphones4.
Quelques exemples seulement, auxquels nous pourrions ajouter la consommation d’eau liée à ces technologies, et bien évidemment l’empreinte carbone directe associée à celles-ci, à travers, par exemple, la fabrication des serveurs d’IA.
Dans ce contexte, comment intégrer les enjeux environnementaux dans le déploiement d’une solution d’IA générative ?
1. Questionnez la pertinence de vos cas d’usages
La sobriété est un principe applicable dans beaucoup de domaines, incluant évidemment le numérique et l’IA générative. Dans toute démarche responsable, la première question à se poser est « En ai-je vraiment besoin ? ». Nous associerons ici cette question à la pertinence des cas d’usages : mon cas d’usage est-il suffisamment pertinent pour recourir à l’IA générative, impliquant une importante empreinte environnementale ?
Nous définissons la pertinence selon trois critères, la valeur apportée, les coûts engendrés et les risques encourus :
- Valeur : votre besoin apporte-t-il suffisamment de valeur pour y consacrer des ressources humaines, financières, technologiques et environnementales ? Pour quelle nature de gains (temps, créativité, simplification de tâches répétitives, connaissances, etc.) ?
- Coûts : les coûts financiers(coûts de la solution, de l’accompagnement au changement, etc.) : les coûts inhérents à votre cas d’usage excèdent-ils la valeur attendue ?
- Risques : êtes-vous prêt à consentir aux risques (opérationnels, cyber, éthiques, de confidentialité, de conformité, etc.) associés à votre cas d’usage ? Les enjeux liés à ces risques sont-ils mesurés par rapport à la valeur attendue de votre cas d’usage ?
Votre cas d’usage est réellement pertinent si la valeur est élevée, les risques faibles et les coûts faibles.
À ces questionnements, nous nous devons d’intégrer les risques environnementaux des outils étudiés : dans une démarche responsable, la valeur attendue de la résolution de mon besoin est-elle suffisamment importante pour justifier les risques liés à l’impact environnemental de cette utilisation ?
Une fois les informations assimilées et les réflexions entamées, à vous de situer votre curseur et réfléchir, pour chaque cas d’usage, à son ratio gains VS impact environnemental.
Nous avons notamment accompagné certains de nos clients dans le placement de leurs principaux cas d’usages sur une matrice « temps gagné grâce à l’utilisation d’un outil d’IA générative VS impact environnemental du cas d’usage ». Une fois les cas d’usages placés, nous pouvons choisir de mettre en avant ceux permettant un gain de temps élevé et rapportant une empreinte faible, et restreindre les cas d’usages de la situation contraire.
2. Étudiez les différentes solutions possibles
En matière de consommation énergétique, tous les usages ne se valent pas. L’impact varie considérablement en fonction du modèle d’IA utilisé et des tâches qu’il effectue. Les modèles d’IA polyvalents, comme GPT-4, sont environ quatre fois plus énergivores que les modèles spécialisés optimisés pour des tâches spécifiques5. Les tâches impliquant la génération de contenu (IA générative) consomment que les tâches d’analyse ou de classification (IA traditionnelle)5. De plus, le volume de données ingérées et générées par une IA influence directement son empreinte carbone (une image est plus lourde qu’un texte). Par exemple, la génération d’image est 50 fois plus énergivore que la génération de texte5.
Avant d’utiliser un outil d’IA, il est essentiel d’examiner les différentes technologies disponibles. Posez-vous ces questions :
- Avez-vous réellement besoin d’une IA pour répondre à vos besoins ?
Un outil plus traditionnel peut potentiellement y répondre : moteur de recherche, chatbot traditionnel, banque d’images, etc. Une simple recherche Google consommera 10 fois moins d’énergie qu’une requête identique sur ChatGPT6.
- Si votre besoin nécessite une IA, laquelle peut y répondre de la manière la plus efficiente ?
Explorez les options d’IA disponibles, allez plus loin que l’IA générative. L’objectif est de déterminer si un modèle plus spécifique, moins énergivore, peut convenir. Le choix de l’outil le plus adapté et le plus responsable est essentiel pour minimiser votre impact environnemental.
Développer une solution d’IA « maison » éco-conçue peut être une possibilité. Une telle approche vous permettrait de mieux maîtriser la chaîne d’impacts socio-environnementaux de l’outil, de sa conception à son utilisation. Pour des besoins métiers spécifiques, cela permet d’ajuster la spécificité de l’outil en fonction des tâches à accomplir. Le résultat : un outil à la fois plus performant et plus responsable.
3. Si l’IA générative est la solution optimale, des mesures d’éco-conception et d’éco-utilisation vous permettent de réduire l’impact de l’outil
L’impact environnemental d’un outil d’IA est réparti entre sa phase de conception, et sa phase d’utilisation, appelée inférence. Les proportions s’inversent en fonction du modèle et de l’utilisation associée.
Si après ces réflexions, l’IA générative ressort comme solution à privilégier, vous pouvez tout de même réduire l’empreinte environnementale de votre outil.
- Si vous prévoyez de concevoir votre propre IA générative, des bonnes pratiques dans la conception du modèle permettent de réduire les impacts. Ainsi, vous pouvez non seulement améliorer l’efficacité de votre modèle, mais aussi réduire son impact environnemental.
- Réutiliser un modèle préalablement développé pour une tâche spécifique en tant que point de départ pour en créer un nouveau destiné à accomplir un scénario différent.
- Recourir au fine-tuning d’un modèle existant (ajuster certains paramètres du modèle tels que les taux d’apprentissage, le poids des neurones et d’autres hyperparamètres pouvant être modifiés pour l’adapter à une tâche spécifique).
- Calibrer la taille et la complexité des modèles en fonction du cas d’usage. L’énergie nécessaire pour entraîner un modèle augmente avec le nombre de paramètres du modèle. Utiliser des méthodes de quantification (réduction de la précision pour réduire l’utilisation de la mémoire), de distillation (entraîner un modèle plus petit destiné à reproduire les prédictions d’un grand), d’élagage (éliminer les connexions qui contribuent faiblement aux performances) ou de compression pour réduire la taille du modèle.
- Intégrer dans les critères de sélection des modèles la dimension environnementale, afin de privilégier ceux ayant l’impact environnemental le plus limité, en opérant éventuellement un arbitrage performance-durabilité.
- Entrainer/ré-entrainer son modèle dans des zones à mix énergétique de faible intensité. Les émissions associées varient d’un facteur 5 à 10 en fonction de l’intensité carbone de l’électricité utilisée pour alimenter les data centers7.
- Dans le cas d’une IA générative « préconçue » ou bien « maison », des bonnes pratiques d’utilisation permettent de réduire son impact environnemental.
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- Raisonner les usages : utiliser l’IA générative de manière modérée et responsable, seulement quand c’est l’outil le plus approprié.
- Optimiser les prompts: des requêtes plus courtes, plus précises et ciblées permettent à l’outil de diminuer le nombre de requêtes nécessaires pour répondre à un besoin, et limite donc l’empreinte associée.
- Organiser son stockage: rechercher l’information dans un dossier précis est moins consommateur de ressources que rechercher dans tout une bibliothèque.
La puissance de l’IA générative permet d’automatiser beaucoup de tâches chronophages, d’apporter parfois une valeur supplémentaire à vos productions, de gagner du temps dans la recherche d’information. Cependant, lors du déploiement d’une telle technologie, il est important de se poser la question de son impact environnemental. Quelle est la solution la plus adaptée en fonction de votre besoin et quelles bonnes pratiques pour réduire l’empreinte de la solution choisie ? Eco-conception et eco-utilisation sont indispensables, sans oublier la sensibilisation essentielle à tout sujet de numérique responsable.
Une fois ces bonnes pratiques appliquées, l’IA générative pourrait même, lorsqu’elle est correctement utilisée, être vertueuse sur certains aspects, par exemple via l’amélioration de l’accessibilité numérique.
Sources
- (1) Scheider Electric, 2024
- (2) EDF, 2019
- (3) Google Environmental Report 2024
- (4) HAL, 2024
- (5) Luccioni et al., 2023
- (6) Alex De Vries, 2023
- (7) Carbon Emissions and Large Neural Network Training