VMware by Broadcom : quelles sont les solutions pour les DSI ?

Piqûre de rappel

En novembre dernier Broadcom. (n.d.).Broadcom Inc. https://www.broadcom.com, géant américain des semi-conducteurs, finalisait le rachat de VMware, leader de la virtualisation et du cloud computing, pour 61 milliards de dollars. Ce rapprochement stratégique a pour objectif de créer un géant technologique capable de rivaliser avec les trois hyperscalers (AWS, Azure et GCP) en intégrant à leurs produits une architecture de datacenter hyperconvergée (HCI). Pour rappel, la virtualisation est un processus visant à diviser les ressources (serveurs, stockage, réseau, etc.) d’un seul ordinateur en plusieurs ordinateurs virtuels que l’on appelle machines virtuelles.

Un « remake » à la hauteur des craintes des DSI

Connue pour avoir fait de grosses acquisitions ces dernières années (Brocas, Symantec et CA technologies), le rachat de VMware n’a pas été vu d’un bon œil par l’écosystème technologique qui craignait un bis repetita… En effet, la multinationale est surtout montrée du doigt pour ses pratiques approximatives concernant les clients existants des sociétés acquises : changements de modèle de licence et une augmentation des prix au détriment du service client et de la R&D. Hock Tan, le PDG de Broadcom, n’a pas tardé à passer à l’action en instaurant une série de mesures « agressives ». Et cette stratégie semble porter ses fruits pour la société fraîchement rebaptisée VMware by Broadcom. Malgré une baisse de 600 millions de dollars de son chiffre d’affaires, qui s’établit désormais à 1,6 milliards de dollars par trimestre, l’entreprise enregistre une diminution encore plus importante de ses coûts, à hauteur de 700 millions de dollars par trimestre. Une stratégie qui vise à dégager des marges plus importantes et, par conséquent, à augmenter les bénéfices dans les années à venir.

Une mise à jour de la politique tarifaire lourde à supporter pour le client…

La nouvelle tarification qui pourrait être multipliée par 10 dans les cas les plus extrêmes selon les experts réduit la flexibilité des clients à choisir les licences et les produits qui correspondent le mieux à leurs besoins. Parmi les changements :

  • La suppression des licences perpétuelles remplacées par un nouveau modèle de licence par abonnement. Broadcom a annoncé qu’aujourd’hui, sur les 10 000 clients majeurs, 3 000 ont déjà souscrit au nouveau modèle de licence de VMware avec des contrats pluriannuels. Avec des licences finissant en décembre 2024, cela n’a laissé qu’un court laps de temps aux DSI pour réagir ;
  • La fin de l’hyperviseur bare-metal ESXi en standalone, une licence gratuite utilisée principalement par les PME et pour les environnements de test ;
  • Une réduction du catalogue avec 4 offres super-bundle: vSphere Essentials Plus s’adresse aux petites entreprises avec une gestion simplifiée mais limité à trois serveurs. Le vSphere Standard, conçu pour des environnements de taille moyenne, propose une virtualisation évolutive basée sur le nombre de cœurs utilisés. Pour les petits centres de données vSphere Foundation, et le bundle Cloud Foundation qui est l’offre la plus complète pour les grands datacenters, combinant vSphere, vSAN, NSX et une suite complète de gestion cloud ;
  • Le programme de partenariat VMware Cloud Service Provider fait peau neuve avec une refonte plus stricte des critères d’éligibilité et un nouveau mode de calcul des licences. Désormais, la consommation de CPU servira de base de calcul au lieu de la consommation de mémoire. Répartis en trois catégories : les partenaires Pinnacle devront s’engager sur 7000 cœurs, les Premiers sur au moins 3500 tandis que les Registered doivent faire appel aux catégories supérieurs pour pouvoir distribuer des licences VMware, et ce, sans service additionnel.

Dix mois plus tard, où en sommes-nous ? 

Les entreprises, prudentes afin de limiter les risques, explorent différentes options, notamment la diversification des fournisseurs, l’adoption de solutions open source et la négociation de contrats plus flexibles. Le rapport de mai 2024 de CloudBolt Industry Insights. (n.d.). CloudBolt Industry Insights. https://www.cloudbolt.io, basé sur une étude auprès de 300 décideurs informatiques clients de VMware, évalue l’incertitude. Alors que 95 % des répondants considèrent que l’acquisition perturbe leur stratégie informatique et que 73 % anticipent une hausse des prix de plus de 100 % sous la tutelle de Broadcom. Lorsqu’on leur a demandé de sélectionner toutes les actions possibles envisagées, les deux réponses les plus fréquentes ont été le maintien d’une partie des solutions VMware (43 %) ou le maintien complet de VMware (40 %).

Concrètement quels sont les impacts sur la stratégie IT ?

VMware domine le marché de la virtualisation avec une part de 42 %, devant Nutanix (24 %), et ses solutions sont utilisées par plus de 90 % des grandes entreprises privées et publiques du monde. On parle donc de plus d’une dizaine de milliers d’entreprises qui sont impactées directement par cette nouvelle stratégie. Ce n’est pas qu’une histoire de coûts ou de quelques fonctionnalités en moins (ou en plus !), mais d’un choix cornélien pour les DSI.

Faut-il rester avec VMware et subir la hausse des prix, leurs offres super-bundle plus rigides et évoluer dans un environnement incertain ? Continuer avec VMware implique notamment de prendre le risque de se retrouver face à une politique plus stricte concernant leurs logiciels open source. Ou alors faut-il tourner le dos à VMware et partir chez la concurrence ? Au sacrifice de coûts de migration, d’une nouvelle restructuration et formations des équipes, tout en respectant les besoins actuels.

Ce choix est d’autant plus compliqué qu’à ce jour, aucune solution du marché n’offre la même gamme de services HCI et l’expertise technique de VMware sur le marché de la virtualisation. Les nouvelles mesures couplées à la situation de presque monopole de VMware ont d’ailleurs été dénoncées par l’association sectorielle des DSI belges et le groupe d’intérêt des fournisseurs européens de services cloud (CISPE).

Quid de la concurrence ?

Face à cette opportunité, les concurrents ont intensifié leurs efforts en améliorant leurs offres de virtualisation en vue d’augmenter leur part de marché. Nutanix, un acteur majeur dans le domaine de l’hyperconvergence, apparait comme le principal concurrent. Ce dernier, bien que pas forcément ISO compatible sur des solutions d’infrastructure populaires comme NetApp. (n.d.). NetApp Inc. https://www.netapp.com, tente de se positionner et d’accaparer de nouveau clients. Nutanix revendique un grand nombre de certifications et un écosystème fort autour de sa solution de virtualisation Acropolis Hyperviseur (AHV). Un process de mise à jour simplifié (LCM) et l’unification de fonctionnalités au sein d’une même console sont d’autant plus d’atouts qui peuvent convaincre les acteurs du marché. Cependant, Nutanix fonctionne également avec un modèle de souscription regroupé sous forme de bundle.

D’autres acteurs tels que Cisco HyperFlex Systems. (n.d.). Cisco HyperFlex Systems. https://www.cisco.com HPE SimpliVity. (n.d.). HPE SimpliVity. https://www.hpe.com/us/en/integrated-systems/simplivity.html, et Microsoft Azure Stack HCI. (n.d.). Microsoft Azure. https://azure.microsoft.com/fr sont également sur les starting-blocks.  

Comment faire un choix éclairé dans ce nuage d’incertitude ?

Il apparait évident que faire un choix ne l’est pas et que redéfinir sa stratégie IT aura un impact durable sur la performance et la compétitivité de votre entreprise. Chaque entreprise doit questionner sa stratégie IT en étudiant les avantages et les inconvénients.

À la suite de cette acquisition, nos consultants ont dégagé trois scénarios potentiels pour les clients de VMware. D’un point de vue financier, chaque scénario présente différents coûts de BUILD & RUN qui doivent être analysés avant de planifier une migration.

Continuer avec VMware

Si 40 % des DSI envisagent de garder leurs licences VMware malgré la hausse des prix, cela peut s’expliquer soit par l’incompatibilité de migrer vers un concurrent ou un cloud public soit car cette opération s’avère plus coûteuse que de maintenir un statu quo avec VMware.

Ce scénario s’adresse potentiellement aux entreprises étant fortement dépendantes à VMware, en termes d’infrastructure et de compétences. La migration de charges de travail critiques vers de nouveaux systèmes peut être source de perturbation et ne pas répondre aux besoins spécifiques de l’entreprise. La nécessité d’avoir un cloud privé pour la protection des données, en particulier dans des secteurs réglementés, pourrait être un frein.

Afin de réduire la facture, certains clients s’engagent dans la durée avec VMware pour obtenir des incitations sur leurs contrats. Lorsque d’autres s’efforcent d’optimiser l’ensemble du parc en centralisant leurs serveurs physiques ou en limitant le nombre de cœurs utilisés dans les CPUs.

Migrer vers une autre solution sur site

Quels choix s’offrent aux entreprises souhaitant tirer parti du changement de licences pour migrer vers une autre solution sur site ?

Migrer vers un concurrent HCI

Passer chez la concurrence est un cas à étudier par les entreprises à la recherche d’une meilleure réponse à leurs besoins. Bien que le modèle de vente de licence par bundle soit proche chez les différents experts de la virtualisation, une migration des ressources peut permettre de retrouver certaines fonctionnalités supprimées par le regroupement des offres.

La migration, qu’elle soit totale ou partiel, peut être pertinente pour les clients VMware ayant déjà une politique multi fournisseurs et souhaitant lancer un nouveau programme ou tester de nouvelles solutions. En effet, l’expertise déjà présente minimise les besoins en formation supplémentaires. Si une migration vers une solution de virtualisation plutôt que vers le cloud implique moins de changements d’infrastructure et de processus, la question de dépendance à un unique fournisseur reste non résolue lors d’une migration totale.

Migrer vers une solution open-source et reconstruire son architecture

Le deuxième sous-scénario probable est une volonté de la part des clients de migrer vers une des solutions de virtualisation open-source présente sur le marché. Cette solution se présente aux entreprises qui souhaitent plus de contrôle sur leurs licences tout en limitant le risque de dépendance à un fournisseur unique. C’est une stratégie qui, en cas de migration réussie, vise à diminuer les coûts sur le long terme et bénéficier d’une infrastructure évolutive. Nécessitant les compétences nécessaires en interne et de forts investissements, notamment côté support et éditeur tiers, les DSI doivent évaluer si ce scénario correspond à leurs besoins futurs tout en respectant leur contrainte budgétaire

Migrer vers le cloud public

Infrastructure Lift & Shift

Le cloud hybride se présente comme un scénario à court terme envisagé par les entreprises souhaitant profiter des avantages du public cloud tout en gardant leurs ressources critiques in house.

L’avantage du Lift & Shift réside dans la possibilité de déplacer les machines virtuelles existantes sans modifications significatives, tout en gardant une continuité opérationnelle. Si l’infrastructure Lift & Shift permet de migrer rapidement vers le cloud public et nécessite très peu de phase de construction, c’est sur la phase de run que les entreprises en capacité de migrer doivent faire preuve faire de vigilance. A l’inverse du replatforming, cette solution ne tire pas pleinement avantage de l’élasticité, la scalabilité et des services cloud natifs.

Applicative Lift & Shift : replatforming

L’architecture cloud native n’est pas nécessairement un remplacement direct de VMware, mais plutôt une alternative pour les entreprises qui souhaitent moderniser leur infrastructure et adopter un modèle plus flexible et évolutif. Une stratégie qui peut s’avérer payante pour les entreprises envisageant de tirer pleinement avantage du serverless ou des microservices. Pour autant, ce niveau de transformation nécessite une refonte du code, des applications et probablement le remplacement complet de certains systèmes existants, ainsi que de convaincre les éditeurs dans cette transition. Pour reconstruire l’architecture des applications d’une organisation, il faut du temps, de l’argent et des connaissances. Une addition de conditions salée que peu d’entreprises pourront s’offrir en respectant leurs priorités et leurs besoins à court terme.

Que retenir ?

Changer de fournisseur d’infrastructure hyperconvergée (HCI) est une décision importante qui aura un impact sur les performances, la gestion et les coûts de votre infrastructure informatique. S’il n’y a pas de réponse universelle, adopter une approche proactive en questionnant votre stratégie IT au travers des différents scénarios est essentiel. Evaluer la compatibilité des systèmes avec les infrastructures et applications existantes, analyser quels sont les gains potentiels de performances, s’assurer que le niveau de support correspond aux exigences de l’entreprise, et réaliser une étude approfondie du coût total de possession (TCO) via un business case, sont des étapes inhérentes du process. La facilité d’utilisation, la flexibilité, la disponibilité de services de migration, le niveau de sécurité et de conformité, ainsi que l’engagement du fournisseur envers l’innovation continue sont également des facteurs clés à prendre en compte.

En étudiant les options présentes sur le marché, les DSI les plus audacieuses y voient l’opportunité de faire une refonte de leurs systèmes IT. VMware longtemps considéré comme un incontournable de la virtualisation, est-il toujours un choix par défaut ?

 

Sources et références

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