Systèmes de Transports Intelligents : où en est le V2X ?

Lorsque l’on pense aux véhicules du futur, on les imagine intelligents, capables de détecter les moindres dangers. Ces véhicules seront conscients de leur environnement : la sécurité, la consommation et les flux routiers se trouveront optimisés. Verrons-nous ce changement de notre vivant ? Sachez qu’une telle technologie existe depuis 2015. Il s’agit du V2X. Pourtant, force est de constater que cette technologie, pourtant maitrisée, n’est pas dans notre environnement routier.

Pourquoi cette technologie prometteuse n’est-elle pas déployée ? Assisterons-nous un jour à son avènement ?

Qu’est-ce que le V2X ?

Le V2X est un système de communication permettant à un véhicule d’échanger des informations avec son environnement. Cela peut concerner les autres véhicules, les piétons, des dispositifs, des infrastructures, des réseaux d’informations, des réseaux électriques. Il est pensé sans restriction de communications entre les différents constructeurs, ce qui permet à tous les véhicules de disposer d’informations clés que des capteurs ne pourraient pas lui apporter. Les intérêts sont multiples.

Quelques cas d’usage simples :

  • Un véhicule détecte des conditions météorologiques représentant un risque d’accident (verglas, forte pluie, brouillard). L’information détectée par des capteurs est transmise aux véhicules amenés à arpentés le même passage, jusqu’à ce que les véhicules qui passent ne détectent plus ce changement. L’information est alors transmise au serveur qui arrête la diffusion du message d’alerte.
  • Un véhicule devant effectuer un freinage d’urgence le signal à tous les véhicules alentours. Les véhicules situés immédiatement derrière freinent automatiquement et de manière maitrisée. L’information de chaque véhicule est transmise de proche en proche et permet un freinage plus sûr et maitrisé.
  • Un véhicule souhaitant s’insérer sur une voie rapide transmet en temps réel sa position et sa vitesse. Ils coordonnent ensuite leurs trajectoires en fonction des conditions de circulation.

Les cas d’utilisation les plus simples nécessitent seulement que les véhicules soient équipés. Pour une exploitation plus complète de cette technologie, des unités de bords de route doivent être placées le long des routes afin d’assurer la transmission sur de longues distances. Au-delà de la sécurité, cette technologie influe également sur la fluidité du trafic, la gestion des infrastructures routières et la consommation des véhicules.

Que s’est-il passé ?

Revenons en 2018. Les partenaires du plus grand projet à l’échelle sur le continent europpéen, le projet SCOOP, présentent les résultats de leur test à grande échelle. Pendant plusieurs mois, 3000 véhicules équipés par Renault et PSA ont arpenté plus de 2000 km de routes. Ces résultats montrent la faisabilité des premiers cas d’usages sur les routes françaises. Ils mènent à des spécifications permettent la réalisation de cas d’usages basiques. Ceux-ci, bien que simples, permettraient, si 100% des véhicules étaient équipés, d’éviter jusqu’à 19,3% des accidents mortels et 16,1% des accidents non-mortels. (Rapport du groupe de travail : technologies de communication pour les STI coopératifs).

A cette époque, deux solutions existent pour que cette révolution routière voit le jour :

La première est un dérivé du wifi, appelée ITS-G5. Cette solution est mature car la technologie est maitrisée depuis une décennie. La seconde est basée sur les réseaux cellulaires, c’est le C-V2X. Elle n’est pas aussi mature que la première mais possède un argument solide : le déploiement prochain de la 5G. Et cela à son importance. Car nous sommes à l’époque dans une situation où aucune des parties prenantes n‘a de réels intérêts à engager des fonds en premier. Qui doit supporter les coûts des investissements nécessaires au déploiement du V2X ? Les gestionnaires d’infrastructures ? L’Etat ? Les constructeurs automobiles, eux, doivent supporter le coût de l’installation des modules de communication et de la maintenance du service sans retombées économiques garanties.

Pour ajouter à cette incertitude, les instances européennes ont fait le choix de la neutralité quant à l’attribution des bandes de fréquence de communications. Ainsi les constructeurs automobiles se sont mis à développer des solutions pour les deux technologies, dont la cohabitation n’était pas souhaitable pour des raisons d’investissement et de congestion réseau. Dans ce cas d’une bataille de standard, le premier à initier la démarche risque de tout perdre si le standard opposé finit par s’imposer. Seul Volkswagen tente de faire pression timidement en imposant un premier déploiement de l’ITS-G5 en 2019. Leur communication autour de ce standard est quasi-inexistante alors qu’elle serait un argument marketing intéressant. En effet, ce standard est présent dans la roadmap EURO N CAP 2025. Cet organisme a également décerné une distinction au groupe Volkswaggen pour le déploiement de la technologie au sein de ses véhicules.

Cependant, les territoires d’influence n’ont pas tous échoué dans le déploiement du V2X. La Chine a formé un comité dédié au V2X dès 2017. Sa politique volontariste et la proximité entre l’état et les industriels ont permis une meilleure cohérence dans la supervision de la préparation du marché, le développement des standards et leur implémentation par les constructeurs.

Les Etats-Unis d’Amérique, de leur côté, ont connu des problèmes similaires à la situation européenne. L’organisme responsable des allocations de bande de fréquence à fortement restreint la plage allouée au V2X. Ce fut le coup de grâce pour cette technologie. La situation était similaire à celle que l’on a connu en Europe. Les constructeurs ont misé sur des technologies différentes, espérant avoir mis leurs œufs dans le bon panier. Le manque de résultats et la pression de certains lobbys a mené à une suspension de l’aventure V2X. Aucun constructeur n’a annoncé la présence de ce protocole de communication sur le territoire nord-américain à l’avenir.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

De retour en 2022, qu’en est-il de l’avancée du déploiement V2X en Europe ? On estime aujourd’hui à 700000 le nombre de véhicules équipés de cette technologie, en grande majorité des véhicules du groupe Volkswagen. Celui-ci a prévu d’équiper la majorité des véhicules construits autour de sa plateforme MEB à l’avenir. Cela serait loin d’être suffisant pour exploiter le V2X.

Le climat économique créé par les crises successives qui ont touché le monde a sûrement achevé l’espoir de voir des véhicules équipés de cette technologie dans le début des années 2020. Symbole de cette désuétude, la définition même du V2X a été usurpée par des processus de recharge de véhicules électriques.

Est-ce donc la fin du protocole V2X ? Sûrement pas. L’arrivée de la 5G a vu naître l’apparition de nouveaux standards V2X, des évolutions de ceux dont vous lisez l’histoire dans cet article. Bien plus performants, ils auraient dû être la 2ème étape du déploiement de cette technologie en France. Le temps que les routes et les zones les moins densement peuplées soient couvertes par la 5G, il est probable que ce standard n’arrive qu’à la fin des années 2020. La situation serait beaucoup plus favorable à l’utilisation de cette technologie. En effet, le déploiement de la 5G est poussé par les opérateurs mobiles, le business plan est connu, et il n’y a pas de concurrence technologique directe sur ce segment. Et il sera possible de tirer des leçons de certains territoire plus avancé en matière de développement du V2X.

La Chine est aujourd’hui le fer de lance de cette technologie. 11 constructeurs chinois équipent déjà leurs véhicules. En 2025, 50% des véhicules de série devraient être équipés de ce standard. L’enjeu du V2X y est important, comme le montrent l’Audi A7L et la Ford Mach-e dont les seules versions équipées sont destinées au marché chinois. Un grand nombre de cas d’usages est déjà fonctionnel et le déploiement de la 5G sera la suite logique et permettra une exploitation poussée du standard. Il est probable que le monde se range du côté de la Chine et choisisse le Cellular-V2X. Celle-ci sera alors leader et pourra orienter les décisions, par sa sphère d’influence et sa maitrise de la technologie.

Les premières spécifications du protocole de V2X basées sur la 5G sont déjà exploités. On peut s’attendre à voir cette technologie arriver en France à l’horizon 2028. La vitesse de déploiement du réseau 5G, la durée de la crise des semi-conducteurs et la couverture nécessaire sont autant de paramètre qui joueront sur le déploiement du 5G-V2X.

Quel avenir pour le V2X ?

Vous connaissez désormais la cause du retard d’une technologie prometteuse. Ce protocole de communication refera parler de lui dans les années à venir. L’arrivée de la 5G sera un terreau fertile pour ce protocole de communication. Il sera un argument de sécurité que les constructeurs automobiles pourront faire valoir, notamment pour des certifications. Les prochaines étapes permettront une augmentation des use case. Le platooning par exemple, permettra la conduite synchronisée d’un groupe de véhicules, réduisant encore d’avantage les risques d’accidents et la congestion du traffic. En cas d’échec du V2X, des solutions similaires finiront par arriver. Quelles formes prendront-elles ? Des solutions propres à chaque constructeur ? Un système d’abonnement ? Le V2X deviendra-t-il un argument marketing majeur pour les constructeurs dans un futur proche ? L’avenir nous le dira…

Bibliographie :

Abdel Hakeem, Shimaa A., et al. « 5G-V2X: Standardization, Architecture, Use Cases, Network-Slicing, and Edge-Computing ». Wireless Networks, vol. 26, no 8, novembre 2020, p. 601541. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1007/s11276-020-02419-8

Naik, Gaurang, et al. « IEEE 802.11bd & 5G NR V2X: Evolution of Radio Access Technologies for V2X Communications ». IEEE Access, vol. 7, 2019, p. 7016984. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1109/ACCESS.2019.2919489

IEEE Standard for Information technology—Telecommunications and information exchange between systems Local and metropolitan area networks—Specific requirements – Part 11: Wireless LAN Medium Access Control (MAC) and Physical Layer (PHY) Specifications, » in IEEE Std 802.11-2016 (Revision of IEEE Std 802.11-2012) , vol., no., pp.1-3534, 14 Dec. 2016, doi: 10.1109/IEEESTD.2016.7786995. 

Wetterwald, Michelle. « Normes européennes dans les STI coopératifs pour les usagers de la route ». Véhicule et mobilité du futur, janvier 2020. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.51257/a-v2-trp1007

Anwar, Waqar, Norman Franchi, et al. « Physical Layer Evaluation of V2X Communications Technologies: 5G NR-V2X, LTE-V2X, IEEE 802.11bd, and IEEE 802.11p ». 2019 IEEE 90th Vehicular Technology Conference (VTC2019-Fall), IEEE, 2019, p. 1‑7. DOI.org (Crossref), https://doi.org/10.1109/VTCFall.2019.8891313.

https://www.volkswagen.be/fr/tout-sur-volkswagen/magazine/technologie-car2x.html 

https://auto-talks.com/technology/dsrc-vs-c-v2x/ 

« technologies de communication pour les STI coopératifs » [archive], sur ecologique-solidaire.gouv.fr 

 

 

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