Après avoir introduit les grands principes de la 5G (ci-après : https://www.digitalcorner-wavestone.com/2020/06/la-5g-introduction-et-presentation-generale-des-concepts-techniques/), cet article a pour objectif de présenter le processus d’attribution des fréquences 5G en France.
Introduction
Les bandes de fréquences prévues pour la 5G sont divisées en 3 grands groupes avec des propriétés physiques différentes :
- La bande 700 MHz
La bande « basse » se distingue par de très bonnes propriétés de couverture (longue portée) et de pénétration à l’intérieur des bâtiments. Ces fréquences sont surtout utilisées dans les zones rurales ainsi que dans les applications M2M, IOT…
Cette bande est déjà attribuée aux opérateurs en France métropolitaine depuis fin 2015, et depuis le deuxième semestre 2019, ces fréquences sont globalement disponibles sur le territoire français.
- La bande 3,4 – 3,8 GHz
Nommée la « bande cœur » de la 5G grâce à ses propriétés physiques et la quantité de fréquences disponibles, elle présente un excellent compromis couverture/débit.
Cette bande de fréquence est aujourd’hui au cœur du « processus d’attribution des fréquences » en France développé dans cet article.
- La bande 26 GHz
La bande des fréquences « hautes » est assez novatrice car rarement utilisée jusqu’ici. Ces fréquences portent le qualificatif « millimétriques », en rapport à leur longueur d’onde de l’ordre du millimètre. L’exploitation de ces hautes fréquences permet d’obtenir de très hauts débits, mais ces faibles longueurs d’onde sont plus sensibles aux perturbations et pénètrent difficilement les bâtiments. Elles seront donc utilisées pour couvrir des zones de faible superficie mais nécessitant des débits très élevés.
Cette bande fera l’objet d’une attribution ultérieure en France métropolitaine.
La bande cœur 3,4 – 3,8 GHz
L’ARCEP (Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes) est responsable de l’attribution du spectre pour les usages radio, et par conséquent pour les futurs réseaux 5G. Elle organise la libération des fréquences identifiées (le spectre étant souvent déjà utilisé de manière historique mais pas de manière optimale au regard des besoins actuels) et précise les conditions techniques de leur utilisation. Ensuite, elle propose au gouvernement les conditions d’attribution, notamment les modalités de sélection et les obligations incombant aux attributaires.
L’attribution de ces fréquences est un sujet primordial de nos jours, car cette technologie est cruciale tant pour les opérateurs, afin de leur permettre de continuer à innover et de répondre à la demande en débit , que pour les entreprises, car elle devrait permettre de répondre aux exigences des différentes « verticales » de l’économie pour faciliter les usages innovants et diversifiés dans des secteurs très variés (énergie, industrie, santé, média, transport, etc.).
En 2016, l’Arcep a proposé de rencontrer les acteurs de la 5G, suite à la croissance de la dynamique industrielle, commerciale et politique de cette nouvelle technologie. Plusieurs auditions ont été menées (avec des industriels, opérateurs, universitaires, etc.) pour comprendre les nouveaux projets qui se lançaient.
Pour donner suite à ces actions, l’Arcep a fixé un certain nombre de bandes de fréquences disponibles pour la 5G et a lancé, en janvier 2017, des appels à projets 5G pour débuter les expérimentations de cette technologie.
En janvier 2018, un guichet « pilotes 5G » est ouvert afin de permettre aux acteurs de la chaîne de valeur de la 5G (entreprises, acteurs industriels ou d’infrastructures, …) de se saisir de la technologie et d’inventer des modèles économiques innovants.
Ainsi, l’Arcep a déjà délivré dans le cadre d’une phase d’expérimentation, des autorisations d’accès à ce spectre. Des fréquences sont déjà disponibles dans plusieurs agglomérations françaises.
Avant la procédure d’attribution des fréquences 5G, l’ARCEP a lancé plusieurs consultations pour recueillir les attentes des acteurs du marché, puis définir une stratégie. Ensuite, le régulateur a mis en consultation publique un projet de modalités et conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,4 ‑ 3,8 GHz.
Les contributions à la consultation publique ont permis à l’Arcep d’arrêter ces modalités et conditions d’attributions qui sont proposées au Gouvernement, en vue de fixer les conditions financières et de lancer l’attribution des fréquences.
En fin décembre 2019, l’appel à candidatures et l’arrêté lançant la procédure d’attribution des fréquences dans la « bande cœur » ont été publiés. Les acteurs souhaitant se porter candidat, étaient désormais invités à déposer un dossier de candidature.
Les modalités sont établies pour les 310 MHz de fréquences disponibles dans cette bande (3490 – 3800 MHz). Cette procédure va permettre de déterminer les lauréats, la quantité de fréquences de chacun ainsi que leurs positionnements dans la bande. La procédure repose sur un mécanisme d’attribution mixte, qui ne s’appuie pas sur de pures enchères financières :
- 1ère partie
Quatre opérateurs maximums peuvent obtenir des blocs de fréquences (50 MHz par candidat), contre des engagements optionnels qui seront ajoutés aux obligations auxquelles tous les lauréats seront soumis.
Le prix de réserve du bloc de 50 MHz est de 350 millions d’euros.
- 2ème partie
Une phase d’enchère permet aux candidats d’obtenir des fréquences additionnelles. Chaque candidat qualifié aura la possibilité d’acquérir des fréquences additionnelles, par blocs de 10 MHz.
Le prix initial du bloc de 10 MHz est de 70 millions d’euros, puis l’Arcep conduit cette enchère multi-tour qui s’arrête lorsque la demande des opérateurs correspond à la quantité de blocs disponibles. Tous les blocs de 10 MHz sont ainsi attribués au prix final de l’enchère.
Il reste alors de multiples combinaisons pour positionner ces blocs dans la bande. Une nouvelle enchère (à un tour au second prix) aura lieu pour positionner chaque lauréat dans la bande. Les candidats exprimeront leurs préférences de position dans la bande ainsi que la position relative avec les autres lauréats.
La quantité totale de fréquences acquises par chacun des candidats (au cours des deux parties de la procédure) ne peut pas dépasser un plafond de 100 MHz.
Quelques dates clés
Le 25 février, les sociétés Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR ont déposé un dossier de candidature à l’Arcep pour l’attribution des fréquences 3490-3800 MHz.
Le 2 avril 2020, l’ARCEP a annoncé que les quatre opérateurs ont passé avec succès la première étape de la procédure d’attribution des fréquences dans la bande 3,4 – 3,8 GHz. Chaque opérateur a décroché un bloc de 50 MHz, au prix de 350 millions d’euros.
La prochaine étape est la phase d’enchère principale, durant laquelle les onze blocs de 10 MHz sont proposés avec une mise à prix de 70 millions d’euros l’unité.
Cette enchère, initialement prévue au mois d’avril, a dû être décalée à cause de la crise sanitaire du Covid-19. Elle débutera à une date comprise entre le 20 et le 30 septembre 2020. D’ici là, l’Arcep et les quatre candidats conduiront les préparatifs nécessaires à l’organisation matérielle de l’enchère.
En octobre 2020, cette enchère principale sera complétée d’une enchère pour le positionnement des fréquences des lauréats dans la bande, qui à son tour sera suivie par une délivrance des autorisations d’utilisation de fréquences par l’ARCEP aux quatre lauréats.
Les premiers services commerciaux devraient être lancés en décembre 2020.
Engagements et obligations
Le cahier des charges transmis par l’Arcep, comprend un ensemble d’obligations auxquelles les lauréats doivent s’engager pour pouvoir participer aux enchères. Afin d’acquérir un bloc de 50 MHz durant la première étape, chaque opérateur a souscrit aux engagements optionnels, qui seront ajoutés aux obligations imposées initialement.
L’ensemble de ces obligations se résume par :
- La trajectoire de couverture entre 2022 et 2025 (3000 sites en 2022, 8000 en 2024 et 10500 en 2025) L’obligation de l’ouverture dans au moins 2 villes avant la fin 2020 est levée
- La couverture 4G avec un débit minimal de 240 Mbit/s dans 75% des sites à fin 2022. Cette obligation sera progressivement généralisée à tous les sites jusqu’à 2030
- La couverture d’axes routiers (en 2025 axes de type Autoroutier et en 2027 routes principales) avec un débit de 100 Mbit/s au niveau de chaque site
- Les offres de services différenciés « Network Slicing » au plus tard en 2023, répondant aux besoins spécifiques des « verticales » de l’économie
- La compatibilité des réseaux mobiles avec IPv6
- L’amélioration de la couverture à l’intérieur des bâtiments à usages professionnels et commerciaux et la facilitation de la couverture multi-opérateurs
- Les services de la compétitivité des autres secteurs, en apportant des offres adaptées aux besoins de couverture et performances sur demande raisonnable, pour les acteurs économiques (entreprises, collectivités, administrations…), ou en leur confiant localement des fréquences
- La fourniture d’offres spécifiques d’accès fixe à internet sur le réseau mobile (5G fixe)
- Une plus grande transparence des opérateurs sur leurs prévisions de déploiement et sur leurs pannes
- La concurrence et l’innovation par l’accueil des MVNO (Opérateurs de réseaux virtuels mobiles) en 5G sur les réseaux des opérateurs
Le déploiement aura lieu progressivement, sur plusieurs années. Deux rendez-vous intermédiaires sont prévus à l’horizon 2023 et à l’horizon 2028 pour faire un état des lieux de, notamment la couverture et la qualité de service des réseaux.
En attente de la commercialisation de la 5G, les quatre lauréats mènent leurs propres expérimentations sur l’intégralité du territoire français. Leur objectif est d’exploiter les équipements afin de choisir le bon partenaire matériel au moment du déploiement des réseaux, ainsi que de mettre en pratique les cas d’usage pour cette nouvelle technologie qui révolutionnera tous les secteurs.
Un focus sur les fonctionnalités innovantes de la 5G (Mobile Edge Computing, Network Slicing, MIMO, …) sera effectué dans les prochains articles.