Chaque jour, 1 million de nouveaux utilisateurs d’Internet sont recensés. Les entreprises et le grand public demandent des connexions de meilleure qualité et toujours plus performantes. Pour répondre à l’augmentation du nombre d’internautes et à leurs exigences, des technologies de communication de plus en plus efficaces sont développées et mises en place.
Bien que méconnu du grand public, l’Internet par satellite est accessible depuis les années 1990. Ce dispositif est resté marginal face à l’arrivée de technologies bien plus performantes comme la 4G/5G ou la fibre optique. En plus d’être remarquablement chers à mettre en place, les projets de constellations de satellites sont loin d’offrir les performances attendues aujourd’hui. Leur délai de transmission des données à travers le réseau internet ou « latence » de quelques centaines de millisecondes et leur faible débit ont anéanti toute possibilité de desservir les besoins actuels du grand public et des entreprises.
Pourtant, cette technologie est de nouveau placée sur le devant de la scène. Aujourd’hui plusieurs projets de « méga-constellations » visant à connecter les 7 milliards d’êtres humains sont menés par d’ambitieux milliardaires et s’apprêtent à voir le jour pour rendre Internet accessible partout dans le monde autant sur terre qu’en mer ou dans les airs. Alors quels sont ces projets, quelles sont leurs promesses et doit-on y croire ?
Starlink, OneWeb, Kuiper Systems: Repenser l’Internet par satellite
Actuellement, trois projets de constellations de satellites se distinguent par leur ampleur et par leurs ambitions. OneWeb, Starlink et Kuiper Systems développés respectivement par les milliardaires Gregory Wyler (O3b), Elon Musk (Tesla et Space X) et Jeff Bezos (Amazon) sont des constellations de satellites qui seront lancées prochainement. Une fois opérantes, elles pourraient compter entre 650 et 12 000 satellites par projet, de quoi faire rougir les 2000 satellites opérationnels que compte actuellement l’orbite terrestre.
C’est notamment grâce à l’extravagance de ces chiffres que ces « méga-constellations » seront capables de pallier le faible débit et la latence élevée des technologies satellitaires existantes.
Pour rappel, des satellites de plusieurs tonnes sont actuellement placés à quelque 36 000 kilomètres de la Terre en orbite géostationnaire afin de suivre sa rotation. Les satellites restent en permanence au-dessus d’une même région pour la desservir sans interruption. Un internaute, au travers d’une antenne et d’un abonnement adéquat, transmet ses données au satellite qui les renvoie directement aux stations terrestres reliées au réseau Internet global. Une fois traitées, les informations font le trajet inverse jusqu’à l’utilisateurs.
L’innovation de ces nouvelles constellations réside dans le choix de la taille, du nombre et de l’orbite des satellites. En effet, ces satellites d’une centaine de kilos seulement seront placés entre 550 et 1200 kilomètres d’altitude, réduisant considérablement le délai de transmission des données. À cette altitude, les satellites ne seront pas fixes au-dessus d’une région et un grand nombre d’entre eux sera nécessaire pour couvrir en permanence une même partie du globe et offrir un haut débit.
Cependant, les investissements requis pour la fabrication de satellites sont particulièrement lourds et les porteurs de projet ont trouvé le moyen de les abaisser. En effet, ils parient sur l’industrialisation des processus de fabrication afin de voir les coûts de production baisser drastiquement.
Au-delà de cette initiative, chaque projet possède d’énormes avantages lui permettant de réduire considérablement ses dépenses. Starlink, à travers l’entreprise Space X d’Elon Musk, possède ses propres fusées de lancement. Le projet OneWeb a pour sa part noué des partenariats stratégiques avec Airbus par exemple. Enfin, Kuiper Systems pourra s’appuyer sur les infrastructures d’Amazon et peut-être même sur les fusées de Blue Origin, l’entreprise que développe Jeff Bezos depuis près de 20 ans.
Le très haut débit par satellite pour 2021
Les projets de méga-constellations ne sont pas tous au même niveau d’avancement. OneWeb a commencé ses lancements en février et en prévoit un par mois jusqu’à ce que sa constellation soit fonctionnelle en 2021. De son côté, Starlink avance à pas de géant et rattrape OneWeb avec un premier lancement en mai d’une grappe de 60 « satellites tests » sur sa fusée Falcon 9. Kuiper System est cependant en retard et vient seulement de soumettre son dossier à la FCC, le régulateur américain des télécommunications.
Il est encore trop tôt pour parler avec certitude des capacités de ces nouvelles constellations, mais les entreprises affirment qu’elles pourront fournir du très haut débit (plus de 30 Mbits/s). OneWeb a récemment obtenu lors d’un test à Séoul un débit de 400 Mbps, largement suffisant pour regarder une vidéo Full HD en streaming. L’entreprise estime qu’elle sera en mesure de fournir un débit maximal de 500 Mbit/s et une latence de 30 ms seulement, des capacités qui talonnent celles de la fibre optique. Selon Elon Musk, Starlink pourra à terme offrir un débit allant jusqu’à 1 Gbits avec une latence minimum de 25 ms. Des capacités impressionnantes mais à prendre avec précaution au vu de l’optimisme légendaire du patron de Space X.
Pour le moment, les acteurs disent vouloir connecter les 3 milliards de personnes n’ayant pas encore accès à Internet. Avec des terminaux à plusieurs centaines de dollars l’unité, les milliardaires sont conscients qu’il faudra trouver des clients avec des poches bien plus profondes que les personnes se trouvant dans les déserts numériques.
Viser des clients institutionnels pour supporter les efforts d’investissements
Même pour Kuiper Systems, projet soutenu par l’homme le plus riche du monde, mettre en place ces constellations suppose des coûts pharaoniques difficilement supportables. OneWeb a ainsi multiplié les tours de table pour lever plus de 3 milliards de dollars de la part d’investisseurs comme Qualcomm, Virgin Group ou Coca-Cola. À l’instar de son futur concurrent, Starlink a également levé des fonds mais estime que pour achever sa constellation, 10 milliards de dollars seront nécessaires. Des investissements dérisoires comparés aux 30 milliards de dollars de revenus annuels que pense pouvoir générer Starlink à travers sa constellation.
En vue d’atteindre rapidement une rentabilité, ces projets iront à la recherche de clients institutionnels avant de se tourner vers les populations en mal de connectivité.
En effet, ils viseront comme client les entreprises de l’aviation et le secteur maritime où la demande en connectivité est énorme. Regarder Netflix sur son portable sur un Paris – New-York grâce au Wi-Fi de l’avion pourrait donc devenir une réalité avec l’arrivée de ces constellations. Par ailleurs, la demande de connectivité sur les navires de fret augmente conjointement avec le trafic maritime. En parallèle, l’IoT est en passe de devenir incontournable dans beaucoup de secteurs et pourra sans doute devenir une cible privilégiée pour ces constellations.
Starlink va encore plus loin en proposant de transmettre des données d’un satellite à l’autre par impulsion laser. Avec une vitesse 40 % plus rapide dans le vide spatial que dans la fibre optique, la latence pourrait, encore d’après Elon Musk, être bien inférieure à celle des câbles optiques maritimes. On peut facilement imaginer que certains milieux, comme celui de la finance, puissent faire de l’œil à des technologies capables d’offrir une plus faible latence. Aujourd’hui déjà, certains acteurs déboursent des fortunes dans les câbles sous-marins en fibre optique afin de réduire de quelques millisecondes seulement la latence des communications.
Les liaisons cellulaires, le Wi-Fi communautaire et les services de communication d’urgence ont également été mentionnés, mais les acteurs restent encore discrets sur les applications que pourraient avoir leurs technologies et surtout sur les contrats de partenariats qui ont déjà été signés.
Une approche prometteuse mais une viabilité financière et technologique remise en question
Dans les années 1990, la société Iridium a fait banqueroute en lançant sa constellation dédiée à la téléphonie par satellite. Ce n’est pas le seul exemple d’échec et bien que les projets avancent à grande allure, la propagation des technologies comme la fibre et la 5G est rapide. Nous sommes en droit de nous demander si les satellites pourront se faire une place sur un marché hyperconcurrentiel.
Ainsi, de nombreuses questions sont soulevées et notamment sur la viabilité financière de ces projets. Les investissements nécessaires pour mettre place de telles constellations sont colossaux et malgré une demande croissante en connectivité, il n’y a aucune certitude que les acteurs puissent atteindre la rentabilité espérée. Plus inquiétant encore, Elon Musk compte sur son vaisseaux lourd Starship n’ayant à ce jour jamais volé et sur des technologies dont la fiabilité n’a pas encore été prouvée pour rendre sa constellation opérationnelle. D’autres questions sont au cœur des débats, comme l’accroissement inquiétant de débris spatiaux ou la pollution lumineuse du ciel nocturne que pourraient générer les projets.
En théorie, ces constellations répondent aux problèmes financiers et technologiques qui ont causé la faillite des constellations antérieures ; cependant les éléments cités précédemment nous poussent à rester prudents sur leur potentiel de réussite. Il faudra donc attendre que OneWeb, le projet le plus avancé, achève sa constellation en 2021 pour en avoir le cœur net.
Super article ! L’avenir de ces nouvelles technologies visant à nous connecter avec une puissance toujours plus grande promet beaucoup d’opportunités et de possibilités pour l’avenir.