Le 12 juin dernier, la Mairie de Paris et l’incubateur NUMA ont organisé à l’Hôtel de ville une soirée de présentation des prototypes développés dans le cadre de la 4ème édition du challenge DataCity. Pari réussi pour la Mairie puisque ce sont presque 1000 personnes qui se sont rassemblées dans le bâtiment de la rue Lobau pour découvrir les premiers résultats des 11 projets de cette saison.
Au programme, 3 grands thèmes – mobilité et transports, aménagements urbains et qualité de vie et environnement et énergie, pour un objectif commun, celui de réunir des grands groupes, des start-ups ainsi que les services de la ville pour développer ensemble des solutions innovantes répondant aux nouveaux enjeux de la ville à l’aide de la donnée.
Cette année, comme l’a rappelé Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris en charge de l’urbanisme et de l’attractivité, certaines équipes ont eu à se confronter à des sujets très médiatiques comme le stationnement des véhicules de free floating (vélo ou trottinette en libre-service) ou bien à l’installation des futures stations de rechargement des véhicules électriques dans Paris. Ces défis, tous centrés sur le partage et l’exploitation des données, qu’elles soient privées ou publiques, avaient comme principal enjeu de positionner les usagers et les agents publics au centre de la démarche d’expérimentation et de réussir à leur proposer une solution fonctionnelle dans un temps limité.
La donnée pour inventer et réinventer les services publics
« Si le secteur public a bien pris le virage du numérique, la donnée représente encore un capital sous-exploité. Sa valorisation constitue donc un enjeu d’innovation au service des politiques publiques (emploi, formation, santé, etc.), pour une administration performante et encore plus orientée vers l’usager ». Ces quelques mots de Bruno Valet (Associé, Wavestone), extraits de la publication « La donnée pour dessiner les services publics de demain », résument l’importance d’un programme comme DataCity pour la Mairie de Paris. Le challenge fait d’ailleurs partie des programmes phares de la mandature d’Anne Hidalgo.
La transformation numérique que connaît actuellement notre société s’accompagne d’une explosion de la production de données. Leurs producteurs – et gestionnaires – ne sont plus uniquement les systèmes d’information des administrations publiques puisque ces données proviennent désormais d’un ensemble d’acteurs ou d’objets (Internet of Things) dont la typologie est très diverse : opérateurs télécoms, médias, réseaux, etc. En complément de ces acteurs désormais classiques du paysage numérique, les utilisateurs eux-mêmes sont devenus, depuis le développement à grande échelle des smartphones, tablettes et ordinateurs portables, de véritables producteurs de données (géolocalisation, connexions, cookies, messages sur les réseaux sociaux, etc.). Ils n’ont d’ailleurs souvent que très peu idée de la capacité de leur terminal à collecter de la donnée ni de la valeur que celle-ci peut avoir. Leur utilisation est un nouvel enjeu pour les territoires qui y voient une opportunité pour alimenter le pilotage de leurs politiques publiques, pour améliorer et optimiser les services publics actuels ou pour en mettre en place de nouveaux.
Nous avons ainsi retrouvé pour cette 4ème édition de DataCity des défis qui venaient répondre à des enjeux d’efficacité des services publics sur le territoire, à l’image du défi « Mieux coordonner les travaux de la ville » résolu avec l’aide de la start-up GOTMI.IO. Celle-ci propose une solution permettant aux différents opérateurs réseaux de réaliser conjointement des interventions afin de limiter au maximum les désagréments sur les usagers (routes bloquées, congestions, etc.).
D’autres défis se sont confrontés à des problématiques de qualité de vie et d’environnement. Citons notamment « Venir et se garer dans Paris en deux temps, trois mouvements » (ParkingMap), qui propose une nouvelle solution de stationnement relai en bordure de Paris, ou encore « Logistique zéro déchet » avec la start-up Pandobac, qui travaille sur le remplacement des emballages cartons par des bacs plastiques réutilisables et dont l’expérimentation à la gare Saint-Lazare s’est révélée très positive.
Enfin, comme évoqué en introduction, deux défis se sont attaqués à des sujets récurrents pour les usagers des trottoirs et autres voies publiques parisiennes : le stationnement des équipements en libre-service comme les vélos et les trottinettes ainsi que le positionnement des futures bornes de recharge électrique dans Paris. C’est la start-up Wintics, spécialisée en intelligence artificielle, qui, à partir de sa solution de prédiction d’usage des aménagements urbains Urban Planer, a pris en charge ces défis d’optimisation géographique.
Un challenge humain avant tout
Trois orateurs se sont exprimés en introduction des présentations faites par chaque équipe projet lors du DemoDay : Jean-Louis Missika (adjoint à la Maire de Paris), Jean-Philippe Clément (CDO de la Mairie de Paris) et Marie-Vorgan Le Barzic (CEO de NUMA). Trois discours qui sont revenus sur la réussite des 3 premières éditions du programme Datacity et sur l’importance qu’il a pris au fil des années, preuve en était la salle pleine lors de ce DemoDay. Si le principal enjeu de ce challenge était le partage et la valorisation des données à caractère public, le défi à relever était avant tout humain. Si l’on doit retenir les principaux mots clés prononcés en introduction de ce 4ème DemoDay, il s’agit des Usagers et de la Coopération.
Les usagers au centre des défis. Comme Marie-Vorgan Le Barzic l’a bien souligné durant son intervention, la contribution des usagers est essentielle pour la réussite de tels défis. Ce sont tout d’abord ces usagers qui vont permettre d’identifier, pour une thématique donnée, les irritants à solutionner. Cette méthodologie est illustrée par la thématique « Aménagements urbains et qualité de vie », où l’un des irritants remontés par les usagers lors de cette 4ème édition fut le manque d’information sur les chantiers en cours et à venir autour de chez soi. Madame Le Barzic évoquait d’ailleurs que le fait de vouloir venir en aide aux usagers était le mot d’ordre tout au long de ce programme ; des personae – c’est-à-dire des catégories représentant des usagers types – guidaient ainsi les équipes tout au long des phases de développement.
La coopération comme principal vecteur de réussite. Par expérience, un défi à résoudre par plusieurs partenaires aux domaines d’expertise complémentaires n’est jamais chose facile. Chacun doit accorder à ce projet les ressources nécessaires pour le faire aboutir, en mettant certains intérêts personnels de côté. Le fonctionnement du projet incite également à la recherche de solutions plutôt qu’à celle de coupables en cas de difficultés. En tant que spectateur de ce programme et d’après les propos de la majorité des participants, il est intéressant de constater que, ce qui aurait pu être une contrainte pour beaucoup de projets, s’est révélé être une force ; chacun a su mettre ses divergences de côté et contribuer activement à la réussite du projet. Chaque équipe s’est soudée autour d’un but commun : celui de proposer en un temps limité une solution concrète et fonctionnelle couvrant au maximum les besoins remontés par les usagers.
L’intelligence artificielle toujours très en vogue
L’intelligence artificielle est la coqueluche du programme Datacity depuis sa 1ère édition. Elle permet à chaque nouvelle saison de trouver des solutions à des problématiques spécifiques : détecter des objets sur une vidéo en temps-réel à partir d’un modèle de deep-learning, détecter un phénomène complexe à partir d’un modèle de Machine Learning, etc. Cette année encore, 5 projets sur les 11 en lice ont conforté cette tendance en recourant à l’intelligence artificielle pour résoudre les problématiques rencontrées.
L’un de ces projets, selon moi, s’est particulièrement distingué en raison des technologies mises en œuvre : spectroscopie et Machine Learning, oui mais pour quoi faire ? On sait que la propreté des véhicules partagés est aujourd’hui un véritable enjeu pour les gestionnaires de véhicules en free floating. L’objectif de ce projet était ainsi de pouvoir analyser en temps réel l’état de propreté d’un véhicule partagé pour pouvoir lancer si besoin une intervention de nettoyage. La difficulté résidait tout d’abord dans le caractère très subjectif de la propreté et donc des seuils définissables de saleté. La détection des éléments de salissure au sein d’un véhicule n’était pas chose aisée, surtout en l’absence de capteur visuel (appareil photo, caméra). La start-up GreenTropism a donc proposé l’installation de capteurs infrarouges visant à détecter par spectroscopie le taux de saleté qui les environne. Le modèle de Machine Learning a ensuite permis d’évaluer en fonction des résultats des différents capteurs la nécessité de nettoyer ou non le véhicule.
Un tel cas d’usage est une très bonne démonstration de ce que peut permettre de faire concrètement un modèle d’intelligence artificielle. Ces cas d’usage assurent un développement certain à l’intelligence artificielle dans les années à venir. L’enjeu actuel est de trouver le bon compromis entre ce qui est réalisable et rapidement déployable, et ce qui relève de l’utopie et qui n’apportera jamais de résultats concrets pour les usagers et participera au discrédit de l’intelligence artificielle. Restons pragmatiques, l’intelligence artificielle n’est pas la solution magique à tous les projets impliquant de la donnée. C’est même loin d’être le cas : un choix est à faire entre un modèle d’IA avec ses performances et ses bénéfices marketing, et un modèle simple (i.e. régression linéaire) avec son efficacité et ses faibles coûts de mise en œuvre.
Pour conclure, il est certain que l’ensemble des métropoles françaises devraient emboîter le pas de la Mairie de Paris pour lancer ce type de défi #Data à leur écosystème de partenaires. La France a aujourd’hui la chance de disposer d’un vivier de start-ups et d’entreprises à la pointe en matière d’exploitation de la donnée et d’intelligence artificielle. De nombreux partenaires producteurs de données sont également présents et auraient beaucoup à gagner en participant à ce type de projets. Cela permettrait de faire profiter l’expertise de chacun au service de tous, c’est-à-dire des usagers, des citoyens.
Il est à noter qu’aujourd‘hui, une part croissante de collectivités lancent des appels à projets pour cartographier leur écosystème de partenaires producteurs de données sur leur territoire : c’est une première étape avant de pouvoir lancer des dialogues avec les citoyens afin d’identifier les irritants qu’ils rencontrent au quotidien et les services qu’ils souhaiteraient voir apparaître. C’est par ce genre de démarche que le numérique pourra toucher de plus en plus de personnes et s’intégrera dans le paysage des usagers.
Pour pouvoir découvrir plus en détails l’ensemble des défis relevés lors de cette 4ème saison de DataCity, suivez ce lien.