Avec le grand chamboulement provoqué par l’e-commerce, les enseignes physiques doivent se réinventer pour satisfaire les besoins de leurs clients. Notre mode de vie de plus en plus connecté et mobile fait émerger de nouvelles attentes : les consommateurs souhaitent retrouver en points de vente certaines caractéristiques du commerce en ligne. Ainsi, l’actuelle dissociation qui existe entre e-commerce et magasins tend à s’estomper, pour fonder un nouveau mode de consommation hybride, appelé phygital.
Le commerce phygital, kézako ?
Pour en donner une définition rigoureuse, le phygital désigne « une expérience cross-canal principalement retail permettant de diminuer son taux d’attrition dans le funnel de conversion »1. Dit comme ça, pas sûr que ce soit clair. Pour simplifier, le terme phygital apparu en 2013 est la contraction entre les mots « physique » et « digital« . Appliqué au domaine du commerce, il désigne un point de vente physique qui intègre les données et méthodes du monde digital, dans l’optique de développer son chiffre d’affaires. Mais pas que.
Les objectifs d’un tel mode de consommation sont variés. En effet, le phygital permet non seulement d’améliorer l’expérience client via l’adaptation aux nouveaux besoins, l’accompagnement du pré-achat à l’après-vente ou bien le maintien de la relation d’achat sur les réseaux sociaux, mais également de dynamiser le magasin par l’augmentation des services proposés, la collecte des données client facilitée, des interactions plus fréquentes etc.
Le phygital, désignation nébuleuse ou concept concret ?
Depuis quelques années déjà, le phygital s’est immiscé dans nos vies (presque) sans que nous nous en soyons rendu compte. Des exemples devenus familiers ont été mis en place par certaines entreprises. C’est le cas notamment d’Apple, qui a fait le choix d’équiper tous ses vendeurs de smartphones sur lesquels ils peuvent identifier leur client, commander dans la réserve le produit souhaité, effectuer le règlement par carte bancaire et envoyer la facture par e-mail. On peut penser aussi à McDonald’s, qui grâce aux bornes installées en restaurant accélère la prise de commande et le paiement, tout en permettant au client de se connecter à son compte fidélité pour gagner des points ou obtenir des réductions.
Plus récemment, on peut citer un exemple français : à la rentrée 2018, Intermarché a inauguré à Paris son premier Drive piéton, accessible 24h/24. Un peu comme le modèle Amazon Locker – qui permet de récupérer ses colis dans des consignes en libre-service – ce point de vente de 50m2 est équipé de casiers réfrigérés pour venir retirer directement les commandes passées sur le site. Les avantages sont nombreux : « C’est plus facile à trouver, c’est moins coûteux pour démarrer et si on constate que ce n’est pas le bon endroit on peut changer plus facilement » déclare Nicolas Paepegaey, directeur de la transformation et du digital Intermarché. Carrefour suit également la tendance avec sa nouvelle campagne publicitaire pour promouvoir ce nouveau type de magasin.
Plusieurs autres enseignes de la grande distribution se sont également lancées dans le phygital : le groupe Casino a par exemple inauguré en octobre dernier le « 4 Casino » à deux pas des Champs-Elysées. Ce point de vente de 400 m2, sans caissier, est accessible tous les jours, 24h/24. La spécificité de ce concept-store est qu’entre minuit et 7h30 les clients détenteurs de l’application de fidélité CasinoMax peuvent payer directement par le biais de leur smartphone sans passer par une caisse. Casino indique qu’1,4 million de téléchargements de son application ont déjà été réalisés. « La technologie est discrète mais bien présente pour améliorer et enrichir l’expérience du consommateur comme un système de détection automatique des ruptures d’articles, des bornes digitales donnant accès à une offre élargie de produits que le client peut se faire livrer chez lui, etc. », souligne Cyril Bourgois, directeur de la transformation digitale du Groupe.
Ça donne quoi d’être client d’une enseigne phygitale ?
Dans cette vidéo, Olivier Dauvers nous présente le mode de fonctionnement du magasin Undiz Machine, le concept store phygital de cette célèbre marque française de sous-vêtements.
Et l’humain dans tout ça ?
On l’a vu le phygital renvoie au passage d’une entité physique vers un support digital, mais l’inverse est également vrai. En effet, le phygital peut également désigner l’implémentation physique d’une structure auparavant 100% digitale. Par exemple, le vendeur de chaussures en ligne Spartoo autrefois uniquement présent en e-commerce a ouvert plusieurs magasins physiques en France (dont un situé aux Quatre Temps à la Défense). « Dans la chaussure, les pure players ne répondent qu’à une petite partie de la demande. Le web est anecdotique et risque de vite atteindre ses limites » note Jérôme Chevat, directeur commercial qui a piloté le projet de développement de magasins physiques. Ce type d’enseigne tire tous les bénéfices d’un commerce physique (conseil client, essayage possible donc moins de risques de retours, accès à une clientèle pas forcément à l’aise avec le numérique etc.) mais on y retrouve également les caractéristiques d’un commerce digital (des tablettes tactiles installées dans le magasin permettent de consulter le site en boutique). Le lien avec le client est donc créé et facilité grâce au phygital. La prochaine étape pour le Groupe est même de développer un large réseau de boutiques en franchise pour contribuer à la stratégie multicanale.
Le phygital, finalement fusion plutôt que transition ?
Autrefois divisé en silos, le commerce se veut donc désormais multiforme et multicanal. Pour répondre aux besoins des clients d’aujourd’hui, les grandes enseignes doivent établir une stratégie phygitale maîtrisée en cohérence avec les attentes du consommateur, et l’accompagner du début à la fin du parcours d’achat.
Afin que la transition du physique vers le digital ne ternisse pas l’image de marque, l’efficacité absolue des technologies doit être assurée. Il faut donc apporter la même fluidité en magasin que sur le net, pour recréer l’effet « click & shop ». La réactivité et la qualité de l’assistance en cas de problème doivent également être irréprochables : un client qui ne reçoit pas l’aide nécessaire en temps voulu est susceptible de ne pas effectuer son achat ou de ne pas le réitérer. L’omnicanalité est aussi attendue : il faut pouvoir assurer une diversité de réponse en matière de paiement, de livraison, de délais ou encore de garanties et mesurer l’impact de chaque canal. L’enjeu est de permettre le meilleur confort d’achat possible, n’importe où, n’importe quand, et selon les préférences de chacun.
Contrairement aux idées reçues, le but du phygital n’est pas de transformer ou de remplacer les caractéristiques du réel par le virtuel mais plutôt de combiner le meilleur des deux : en lui apportant une valeur ajoutée, le digital permet de revaloriser l’humain.
Références
- Jean-Baptiste de Bel-Air, CEO de Steeple
https://www.e-marketing.fr/Definitions-Glossaire/Phygital-304218.htm
https://www.ledigitalab.com/studio/le-phygital-la-nouvelle-ere-du-magasin/
https://c-marketing.eu/le-phygital-ou-lavenir-du-commerce-objectifs-defis-outils-et-exemples/
https://www.e-deal.com/marketing-crm-fr/marketing-digital-fr/phygital-definition-enjeux/?lang=fr
https://blog.sensdigital.fr/phygital-revolution-commerce/
https://www.lesechos.fr/thema/0211690442412-la-vente-a-lere-du-phygital-2057438.php
https://www.lsa-conso.fr/ces-sites-e-commerce-qui-ouvrent-des-magasins,211489
Le CEO de Steeple explique le phygital : https://youtu.be/tX6tTBkRxI0
One thought on “Le commerce phygital : vers un nouveau mode de consommation hybride ?”