Dans le 1er volet de cet article, paru la semaine dernière, nous sommes revenus sur le développement des technologies immersives dans le domaine médical et dans le secteur de la grande distribution, au-travers d’une rétrospective de plusieurs tables rondes de l’événement. Nous vous livrerons dans ce second article quelques insights sur les impacts de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée sur la conception de produit, la fabrication industrielle et la maintenance.
Plus précisément, nous revenons sur deux autres temps fort de l’AR/VR Business Day : un échange sur pourquoi la réalité virtuelle est devenue essentielle à la conception produit, et un deuxième sur comment la réalité augmentée vient transformer la fabrication industrielle et la maintenance.
Pourquoi la réalité virtuelle est devenue essentielle à la conception de produit
Participants
Yves ANDRE : AREVA – Directeur Stratégique Base Installée France
Andras KEMENY : RENAULT – Expert leader innovation et réalité virtuelle
Philippe CAS : OPTIS – Operational Marketing Manager
Benjamin AMAUDRIC : ALSTOM TRANSPORT
Le cas Renault : immersion dans les usines et les voitures
Un premier cas d’usage des technologies immersives dans la conception produit est celui de Renault Trucks (filiale française de Renault). Acteur phare de la construction de camions, ce dernier a pour projet d’équiper ses opérateurs de casques HoloLens, afin d’améliorer le contrôle qualité des moteurs de son usine lyonnaise. L’objectif est de réduire la charge cognitive des opérateurs et techniciens et de leur faire gagner du temps en leur laissant les mains libres.
Les liens du constructeur avec la réalité virtuelle va par ailleurs plus loin que cet outillage : il entend également la mettre au service de ses clients. Dans le cadre du développement de son concept-car Symbioz, Renault Trucks s’est également associé à l’éditeur français Ubisoft afin de développer une expérience immersive pour les utilisateurs, durant les phases d’autonomie totale de ce véhicule démonstrateur. Plus précisément, lorsqu’il sera dans un mode de pilotage automatique, le conducteur, muni d’un casque de réalité virtuelle, pourra s’évader dans un paysage virtuel et fantaisiste… jusqu’à oublier où il se trouve !
ALSTOM : la réalité virtuelle au service de la vente, conception et maintenance des trains
Un autre exemple présenté lors de l’événement est celui d’Alstom, qui intègre ces technologies tout au long de la chaîne de valeur de ses produits.
En phase d’avant-vente, le constructeur ferroviaire a mis en place une preuve de concept (PoC) en partenariat avec l’intégrateur spécialisé Immersion. Ce PoC met à disposition des commerciaux une présentation innovante et immersive, qui permet au client de faire des tests de couleur et de configuration (sièges, portes…) sur le matériel roulant, grâce à un casque HoloLens.
Par ailleurs, dans la phase de conception mécanique, et afin de favoriser une collaboration entre les différents sites, Alstom utilise la réalité augmentée pour vérifier le bon positionnement des pièces sur les plans et le respect des spécifications par chacun des sites de production. L’objectif de ce dispositif est d’anticiper au maximum les défauts, avant la phase d’assemblage.
En conclusion, et d’après OPTIS, éditeur de logiciels de réalité virtuelle, les grands comptes français ont tardé à définir leurs cas d’usage et à trouver un moyen de calculer leurs retours sur investissement. Mais ils ont désormais pris conscience que cette technologie révolutionne la circulation de l’information au sein de l’entreprise, et qu’il faut donc capitaliser dessus.
Table ronde – Comment la réalité augmentée transforme la fabrication industrielle et la maintenance
Participants
Antoine GARIBAL : Directeur du Développement et de la Stratégie Siemens France
Julien BARTHES : Directeur Commercial DIOTA
Alexandre EMBRY : Directeur de l’offre Opérateur numérique Sogeti High Tech
Laurent FELIX : Associé Wavestone
Yves ANDRE : Directeur Stratégie Base Installée France AREVA NP
Des cas d’usages multiples : tour d’horizon
Cet événement a mis en lumière un constat : si les technologies immersives se développent, les entreprises sont encore en phase de recherche des cas d’usages. Cette table ronde était l’occasion d’en partager quelques autres – focalisés sur le milieu industriel.
- La formation :
La réalité augmentée est un puissant outil pour former des populations, notamment sur des sujets techniques. Siemens a d’ailleurs observé, lors d’une expérimentation sur une chaîne d’assemblage, que les techniques de formation utilisant la réalité augmentée permettaient d’apprendre jusqu’à 8 fois plus rapidement que les techniques traditionnelles. Ainsi, plusieurs industriels, à l’instar d’AREVA ou ENEDIS, proposent à leurs collaborateurs des formations immersives.
- La maintenance:
La maintenance prédictive est actuellement au cœur de nombreux débats. Dans cette lignée, Safran a développé une technologie de réalité augmentée permettant prévenir la défaillance des câbles électriques des avions – une situation très rare, mais qui s’avère très coûteuse lorsqu’elle arrive. De même, AREVA utilise la réalité augmentée pour les opérations de contrôle de ses constructions : le projet TQC2 (« Tel que conçu ») vise à équiper ses opérateurs d’une tablette sur laquelle est implémentée le projet, modélisé en 3D. Grâce à un algorithme de calage vidéo de la caméra, ils peuvent alors vérifier en temps réel qu’il n’y a pas de décalage entre les plans et la construction.
- La production: contrôle qualité, conception mécanique…
D’après Julien Barthès, directeur commercial de DIOTA (PME spécialisée dans la réalité augmentée), la production et la maintenance sont deux mondes totalement différents pour ce qui est des technologies immersives. En usine, ce qui est recherché est la robustesse, la précision, la simplicité et le rendement ; pour la maintenance, c’est plutôt la connectivité, la communication entre le back-office et l’opérateur. L’entreprise propose ainsi des solutions entièrement dédiées à chacun de ses mondes, dans une logique « industrie 4.0 ».
Des mises en garde avant de se lancer dans un projet de réalité augmentée
L’attrait pour les technologies de réalité augmentée ou virtuelle est fort : en témoignent les nombreuses solutions qui sortent sur le marché, et le nombre croissant d’exemples d’appropriation par de grands industriels. Toutefois, cette table ronde a également été l’occasion pour les participants de partager quelques écueils et conseils, pour tout acteur souhaitant se lancer.
- Evaluer la valeur ajoutée en termes de gains opérationnels
La réalité augmentée peut permettre aux industriels d’optimiser leurs processus de production, en augmentant les compétences des opérateurs, en diminuant les coûts de déplacements grâce aux salles de réunion virtuelles, en améliorant la sécurité des travailleurs, en réduisant les temps d’analyse… Mais il faut que le contexte s’y prête ! Il faut donc bien s’assurer en amont qu’il y a une vraie valeur ajoutée.
- Anticiper les réactions des opérateurs à équiper
Il est vital de prendre en compte les obstacles à la mise en place de telles technologies : poids des équipements, encombrement visuel, fatigue visuelle… D’après Laurent Felix, associé Wavestone, si les technologies immersives sont quasiment arrivée à un stade de maturité, l’ergonomie des systèmes reste encore à être améliorée pour les opérateurs. Il est ainsi crucial de choisir le bon équipement, et le bon contexte : Siemens, par exemple, met en avant le fait que les opérateurs « augmentés » sont généralement satisfaits de leurs nouveaux équipements lorsqu’ils permettent de diminuer les tâches rébarbatives et les aident à mieux anticiper les risques.
- Eviter les phases d’investissement importantes qui pourraient « tuer » le ROI
Les études préliminaires et les phases préparatoires pour le lancement d’un projet intégrant des technologies immersives peut être longues et coûteuses. Plutôt que de perdre du temps et de l’argent, Alexandre Embry, de Sogeti Hightech, préconise d’avancer par le biais d’expérimentations.
- Anticiper l’immense chantier de synchronisation des bases de données
Finalement, un dernier élément à avoir en tête est l’impact très important que peut avoir l’intégration de ce type de technologie dans l’architecture de données d’une entreprise. Plus précisément, l’impact et la conduite du changement ne concernent pas que l’opérateur : les entreprises toutes entières, et notamment les méthodistes, doivent être capable de créer une formidable quantité de contenus en 3D, pour que les systèmes d’information communiquent en temps réel avec les équipements des opérateurs.
Pour conclure, cette journée riche en interventions a démontré l’ampleur des opportunités qui se cachent derrière la réalité augmentée et la réalité virtuelle. Dans de nombreux secteurs, ces technologies viennent révolutionner la manière dont les opérations sont réalisées. Et dans le futur, l’intelligence artificielle pourrait d’ailleurs décupler le potentiel de ces systèmes, qui s’adapteront alors à leurs utilisateurs, grâce à l’analyse en temps réel de l’historique des gestes réalisés.