Les technologies immersives sont déjà sur le marché, mais quelles sont vraiment les applications possibles pour les entreprises ? C’est pour tenter de répondre à cette question que L’Usine Digitale a organisé une conférence le 14 décembre dernier, en partenariat avec Wavestone, rassemblant des acteurs technologiques et industriels ayant déjà expérimenté ou mis en place ces technologies dans leurs métiers.
Pour simple rappel, la réalité augmentée vient compléter la vision réelle de l’utilisateur, par des données affichées en temps réel sur un appareil. Par exemple, la réalité augmentée permet d’afficher des informations de navigation directement sur le pare-brise d’une voiture, de construire des guides d’instructions interactifs pour un opérateur… La réalité virtuelle, quant à elle, immerge totalement l’utilisateur dans un monde modélisé en trois dimensions, dans lequel il peut se déplacer et interagir. Par exemple, la réalité virtuelle permet de faire des visites d’appartement à distance, de créer des modules de formation immersifs…
Le champ des possibles est très vaste : nous vous proposons d’en découvrir une partie à travers 4 grandes thématiques abordées lors des tables rondes de l’événement. Dans ce premier article, nous nous intéresserons d’une part à comment la réalité virtuelle et la réalité augmentée vont révolutionner le métier de chirurgien, et d’autre part à comment l’immersion peut être mise au service de l’expérience client pour le retail.
Dans un deuxième volet, nous aborderons l’impact de ces technologies sur la conception produit, la fabrication industrielle et la maintenance.
Comment la réalité virtuelle et la réalité augmentée vont révolutionner le métier de chirurgien ?
Les participants :
Nicolas Mignan | Fondateur VIRTUALISURG | |
Gaël Khun | Director of product management – TeraRecon | |
Thomas Gregory | PUPH – chef du service orthopédique et traumatologique |
« Un chirurgien ne devrait jamais s’entraîner pour la première fois sur un patient », explique Nicolas Mignan, ancien directeur général des services de l’université de médecine Paris Descartes et fondateur de VIRTUALISURG. Cette start-up, fondée en mai 2017, vise à développer des modules de formation en réalité virtuelle qui incluent à la fois les dernières innovations technologiques et pédagogiques ainsi que les dernières pratiques chirurgicales. Grâce à cette solution, les étudiants et praticiens peuvent s’entraîner sur un bloc virtuel et dynamique, avec de multiples scénarios d’intervention. Plus qu’un simple outil d’entraînement, l’objectif de VIRTUALISURG est ambitieux : réussir à condenser toute une carrière de chirurgien dans un module de formation. Un interne de chirurgie pourrait ainsi vivre virtuellement, et en une année, toutes les difficultés éprouvées en trente années de carrière. Pour le moment, la start-up a développé un prototype mettant en scène une « sleeve gastrectomie », une ablation partielle de l’estomac (opération courante chez les personnes atteintes d’obésité).
Autre participant à cette table ronde, TeraRecon a développé une application de post traitement d’imagerie médicale. En bref, les structures anatomiques sont modélisées en temps réel par cette application, puis retranscrites dans un dispositif de réalité augmentée. Concrètement, cela permet au chirurgien de se passer des multiples écrans sur lesquels sont affichées radiographies, coupes de scanner, constantes biologiques… pour voir ces informations avec des casques de réalité augmentée – en l’occurrence des casques HoloLens, développés par Microsoft. Aussi futuriste que cela puisse sembler, l’application fonctionne déjà : le 5 décembre dernier, le docteur Thomas Gregory a effectué une opération de l’épaule assistée par réalité augmentée. Une première mondiale !
Ces nouveaux équipements technologiques, qui peuvent faire penser – sous certains aspects – à un film de science-fiction, vont permettre de développer trois éléments essentiels dans le domaine chirurgical :
- la sécurisation des gestes, les rendant plus précis grâce à l’accompagnement que permet la réalité augmentée,
- les bons réflexes, indispensables pour un chirurgien, qui s’acquièrent avec l’entrainement,
- le travail collaboratif (même à distance), rendu possible par le partage du point de vue du chirurgien.
Selon M. Grégory, ces technologies ont mené la médecine à un véritable tournant, porté par 5 axes majeurs : la télémédecine, le patient augmenté, le big data, la formation, et le praticien augmenté. Ainsi, sans s’avancer sur une échelle de déploiement pour le futur, les intervenants s’accordent sur le fait que ces dernières années ont marqué une démocratisation de la réalité augmentée, et ce grâce à une certaine porosité entre les secteurs.
Interview croisée – L’immersion au service de l’expérience client
Participants
Julien LEBRETON (Club Med)
Emilie JOLDYKA (La Redoute)
Lors de cette interview croisée, réalité virtuelle et la réalité augmentée ont été mises face à face, dans le cas de deux produits très différents : le voyage et l’ameublement.
- Club Med – La réalité virtuelle pour susciter le désir du voyage
Depuis 2015, le Club Med a misé sur la réalité virtuelle pour proposer à ses clients un avant-goût de leurs vacances, via des vidéos immersives de quelques minutes. En entrant dans l’agence, le client se voit remettre un casque de réalité virtuel: il est alors immergé dans le « Village Club Med » de son choix et peut tester des activités, rencontrer les fameux « GO », visiter une chambre… Par ailleurs, l’expérience peut se vivre aussi en-dehors de l’agence, en multicanal, via d’autres devices (ordinateur, tablette, smartphone…).
« Il ne suffit plus de montrer un produit au client. La réalité augmentée permet d’allier le rêve et le rationnel en l’aidant à choisir le meilleur village, à un moment clé de l’année », explique Julien Lebreton, responsable des contenus et de la communication de marque.
- La Redoute – La réalité augmentée pour virtualiser un catalogue 2D
Après 160 ans de bons et loyaux services, le fameux catalogue La Redoute a fait son temps. La célèbre entreprise française, concurrencée par les géants Amazon ou IKEA, se devait d’embrasser l’ère digitale. Elle a ainsi conçu une application de réalité augmentée permettant aux particuliers, depuis leur smartphone, de visualiser le rendu d’un canapé, d’une commode, d’une table… Cette application, encore au stade de PoC, est développée en co-construction avec des clients. L’industrialisation est prévue au début de l’année 2018.
Réalité virtuelle ou augmentée : de la nécessité de se positionner pour les acteurs du retail
Pour développer leurs contenus immersifs, les deux entreprises se sont appuyées sur des acteurs du jeu vidéo, très précurseurs dans le domaine. Pour la réalité augmentée, on retrouve aussi deux acteurs incontournables pour les entreprises qui visent le grand public : Google et Apple, qui ont développé des applications natives de réalité augmentée pour leur OS respectif (ARCore pour l’un, ARKit pour l’autre).
D’après les intervenants, le maître mot d’un projet de réalité virtuelle ou de réalité augmentée est la simplicité d’utilisation – ce en quoi Google et Apple excellent. Il est donc vital pour les entreprises antérieures à l’ère digitale de se positionner technologiquement et d’anticiper les usages.
Le Club Med, qui a un peu plus de recul sur le sujet, a pu mesurer des premiers résultats très encourageants : les vidéos 360° ont permis une augmentation de 12% du taux d’entrée dans le tunnel de réservation sur le site web. De plus, ces mêmes vidéos ont été visualisées plus d’un million de fois sur Facebook et Youtube.
La célèbre entreprise de voyage veut continuer à enrichir l’expérience client : la prochaine étape pourrait bien être… multisensorielle. Que diriez-vous d’aller profiter d’un SPA augmenté après votre journée de travail ?