L’impact du digital et de l’innovation sur le secteur du tourisme (Part 1/2)

Le tourisme est stratégique pour la France, première destination touristique en termes de nombre de visiteurs depuis plusieurs années. Ce secteur, qui représente plus de 7% de notre PIB, est un des plus dynamiques et innovants. Si l’on étudie chacun de ces grandes composantes (transport, hébergement, restauration et loisirs) un acteur majeur est né dans les 10 dernières années : Uber est créé en 2009, AirBnB en 2008, La Fourchette en 2007… Ce rythme d’innovation a souvent modifié les rapports de forces entre les acteurs du secteur et il semble que cela n’est pas prêt de ralentir.

Acteurs historiques et innovation : une transformation digitale compliquée ?

Une forte présence institutionnelle

La France a été le premier pays à se doter d’un office national du tourisme, dès 1910. Aujourd’hui le tourisme est toujours un pilier stratégique mis en avant par les pouvoirs publics, dépendant du ministère de l’économie et des affaires étrangères au niveau national, et s’appuyant sur des collectivités locales (offices de tourisme, comités départementaux et régionaux de tourisme).

Organisation du tourisme en France

Un retard technologique pour les institutions

Cette partie institutionnelle du tourisme a souffert du grand boom des nouvelles technologies. Capter l’intérêt de nouveaux voyageurs à l’heure du numérique, nécessite une approche novatrice intégrant les nouvelles habitudes digitales des consommateurs. En 2007, Lyon a été un des initiateurs de cette transition au niveau territorial avec la marque « Only Lyon ». En 2013, « Osez Bordeaux » a connu de grands succès et a participé à la forte croissance du rayonnement national et international de la ville. Ces réussites locales sont nombreuses mais montrent d’autant plus l’absence de vision nationale quant à une promotion du territoire via le digital. Plusieurs tentatives de création de portail de réservation central ont échoué faute de transition et de gouvernance adéquates. Finalement, il semble que cette idée d’un portail public national dédié au tourisme ait été abandonnée pour laisser les acteurs privés – comme Webedia avec Lebonguide.com – gérer cette partie.

La transition digitale des acteurs privés

Les acteurs privés historiques ont eux aussi souffert pour mettre en place les transformations organisationnelles nécessaires liées au digital. Le Club Med par exemple, créé en 1950 et fleuron français du secteur a connu des heures sombres à l’aube des années 2000. Face à un voyageur capable de comparer l’intégralité de l’offre touristique sur internet et un positionnement flou, l’entreprise a dû se réinventer en profondeur. Le digital est un des trois piliers stratégiques du Club Med qui a renforcé les synergies entre équipes techniques SI et équipes marketing, fait du mobile un priorité et a intégré des cycles de développements courts suivant les méthodes agiles pour mieux répondre aux attentes des utilisateurs. Thomas Cook a également intégré le digital dans sa stratégie depuis plusieurs années et mise aujourd’hui sur une stratégie Web-to-Store plus poussée.

Si ces acteurs parviennent à se maintenir en développant leur transition digitale, d’autres groupes historiques sont toujours en difficulté.

Nouveaux acteurs du tourisme et changements des rapports de force

La plateformisation

La transformation du marché du tourisme a commencé dès le début des années 2000 avec la démocratisation d’internet ; Booking et Expedia apparaissaient en 1996 et Trip Advisor en 2000 par exemple. L’apparition des OTA (Online Travel Agencies) et des comparateurs en ligne ont eu un impact direct sur la chaîne de valeur existante qui comptaient un grand nombre d’intermédiaires. De nombreuses plateformes se sont ainsi développées dans le but de centraliser le trafic internet et l’information à disposition. Le voyageur est devenu en capacité de gérer simplement et de bout en bout la réservation de ses prochaines vacances via un unique point de contact.

La désintermédiation

La conséquence naturelle de ces plateformes est la désintermédiation qui a continué à s’ancrer dans les habitudes touristiques, remettant donc en question le rôle des agences de voyages et des tours opérateurs. Parmi les nombreux acteurs existants sur ce secteur, Evaneos propose une mise en relation directe avec les agences réceptives locales pour créer son voyage et Ceetiz cherche à centraliser les offres de loisirs.

Chaîne de valeur du tourisme

Face à ce nouveau modèle de distribution, de grands groupes tentent de reprendre la main sur le marché, comme AccorHotels qui a lancé sa propre market place en 2015 pour contrer les OTA. Google, lui, joue un double jeu de partenaire/concurrent avec de nouveaux outils de comparaison mis à disposition des internautes (Google Flights, Hotel Finder…).

L’économie collaborative

Ces évolutions technologiques ont également permis l’émergence à grande échelle de l’économie collaborative (à découvrir ici). Si une plateforme peut centraliser une offre professionnelle, il n’y a qu’un pas pour permettre à Monsieur Tout-le-monde de proposer ses services en ligne. BlaBlaCar et Airbnb sont les exemples les plus frappants de cette tendance, mais une multitude de nouveaux acteurs se développent chaque jour sur ce créneau : Kelplat propose de commander des plats à des cuisiniers amateurs, Cariboo permet de découvrir une ville grâce à des locaux… Ces nouveaux acteurs du secteur, avec le développement de l’économie collaborative et du digital, tendent à répondre à une volonté des voyageurs de vivre une expérience « comme un local ».

Ces trois tendances, la plateformisation, la désintermédiation et l’économie collaborative, ont été catalysées par le développement rapide d’internet et de son usage en mobilité dans le secteur du voyage. Mais il s’agit là d’une première étape qui a débuté il y a presque 20 ans. Dans un secteur qui compte 9 entreprises dans les 50 plus innovantes en 2016, on peut attendre de nouvelles évolutions technologiques prochainement.

Les technologies disruptives de demain

La data : un facteur clé de succès

S’il est un concept technologique dont on entend parler sans cesse, quel que soit le secteur concerné, c’est bien la notion de data (petit point sur ce terme et ses dérivés ici). Deux grandes tendances se dessinent :

  • de nombreuses entreprises veulent reprendre la main sur cette connaissance en interne et centrer leur stratégie autour des informations récoltées, c’est le cas par exemple de Air France qui fut un des premiers à internaliser un DMP (Data Management Platform)
  • d’autres acteurs veulent se positionner comme nœud central de la donnée pour la centraliser et la redistribuer (en prenant une commission bien évidemment)

Dans le second cas, nous pouvons observer cette tendance chez les GDS (Global Distribution System) comme Amadeus ou Sabre qui, par essence, ont accès à une manne d’informations clés en servant d’intermédiaires entre les systèmes d’informations des entreprises du tourisme. Mais d’autres projets se montent, comme Weplan par exemple qui souhaite utiliser la technologie blockchain pour permettre aux acteurs du tourisme de partager leurs données et personnaliser les services proposés.

De nouveaux modes de transport

Hyperloop
Photo – Digital Trends

 

Dans le secteur du transport, les innovations technologiques sont en plein bouillonnement proposant d’ici peu des voyages au goût de science-fiction. La société SpaceX et son fondateur, Elon Musk, ne cessent de faire parler d’eux :

  • sur terre, le brevet de l’hyperloop développé par la société a été mis à disposition de tout le monde, faute de temps pour s’investir sur ce projet de transport à grande vitesse
  • dans l’espace, SpaceX prévoit d’envoyer les premiers touristes autour de la Lune d’ici fin 2018

 

Smart City : renouveler l’attrait des destinations

Enfin, les villes et les institutions reprennent un rôle prépondérant dans la chaîne de valeur du tourisme en créant des synergies privé/public autour du concept de Smart City. Le Welcome City Lab, premier incubateur pour l’innovation touristique, mettait déjà en avant cette tendance en 2015 lors des Rencontres e-tourisme. L’hyper-connectivité des voyageurs continue pendant leur séjour ce qui a deux conséquences principales : une multitude de nouveaux services connectés à inventer et une richesse d’informations pour mieux comprendre les attentes, habitudes et points de difficultés des touristes. Personnalisation du séjour sur place, facilitation de la mobilité (que cela soit au niveau des transports en commun ou des places de parkings), réalité augmentée pour immerger le visiteur dans l’histoire de la ville, panneaux d’information tactiles… De nouveaux projets naissent tous les jours pour améliorer l’expérience du voyageur.

Car c’est bien l’objectif principal sur lequel l’innovation doit se concentrer : comment améliorer l’expérience utilisateur ? Les plus grands changements observés sur le marché touristique ne viennent pas toujours d’une rupture technologique, mais de la manière de proposer un nouveau service. Uber par exemple a simplement utilisé un système d’application intégrant géolocalisation, facilitation de paiement et interface ergonomique pour améliorer le service. Et c’est à partir de cela que l’entreprise a connu une croissance fulgurante.

Nous verrons dans un second article quels sont les impacts du digital sur le tourisme en nous concentrant sur l’expérience du client.

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