Jeudi 23 Février 2017, à 19h s’est tenue au Centorial à Paris la dernière édition du Club Les Échos Débat.
Conférence organisée conjointement par Les Échos et Wavestone, elle regroupe autour de thèmes et sujets d’actualité des décideurs influents du paysage économique français et international.
Cette conférence a vu Henri Giscard d’Estaing, Président Directeur-général du Club Med – acteur majeur du paysage touristique mondial et leader des voyages tout compris – partager sa vision du groupe qu’il dirige. L’accent été mis sur la stratégie qui a fait le succès du Club Med : montée en gamme, digital et international.
Henri Giscard d’Estaing, né le 17 Octobre 1956 à Paris, est diplômé d’une maîtrise de sciences économiques à Assas (Université Paris II) ainsi que de Sciences Po Paris. Après être passé par le groupe Danone, il rejoint en 1997 le Club Méditerranée en tant que directeur financier, devient directeur général en 2001 puis président directeur-général en 2005. Le Club Med est alors en difficulté financière, position difficile qui représentera le principal challenge du nouveau PDG dont le but est clair : redorer le blason du groupe qui fait rêver ses vacanciers depuis sa création en 1950 .
Importance du tourisme : priorités de la France
Le PDG du Club Med commence son allocution en rappelant que malgré une multitude d’événements géopolitiques (attentats du 11 Septembre 2001), naturels (Tsunami en 2004), sanitaires (SRAS en 2003) et toutes sortes de pandémies, le tourisme est le secteur qui a eu la croissance la plus constante. L’année dernière, plus de 1,2 milliard de personnes dans le monde ont voyagé (avec une croissance de 8% des voyageurs asiatiques). L’Europe est la destination la plus visitée. Un emploi sur onze dans le monde est dérivé d’une activité touristique, et la France a un atout majeur à faire valoir dans ce secteur : son image. L’hexagone renvoie vers le monde l’art de vivre à la française, la French Touch, la richesse culinaire et les paysages d’un pays qui donne l’envie au monde de le découvrir.
Cependant Henri Giscard d’Estaing souligne que la France, qui est resté le pays le plus visité en nombre de touristes, n’est que 3e en termes de revenus ce qui soulève une question clé : celle du positionnement stratégique de la France dans ce secteur. En réalité, pour le PDG du Club Med, la France n’est qu’un pays de passage du Nord au Sud de l’Europe. Et l’objectif fixé par le gouvernement de 100 millions de touristes étrangers en 2020 n’est pas le bon. Au lieu de cibler la quantité le pays devrait avoir dans ce domaine une stratégie de prémiumisation, de montée en gamme. Stratégie qu’a dû opérer le Club Med pour retrouver le profit.
Stratégie de montée en gamme : se distinguer par l’excellence
Plusieurs facteurs expliquent la transformation par laquelle a dû passer le Club Med.
- Tout d’abord, le marché, à l’époque ou Henri Giscard d’Estaing a pris la barre du groupe, se bi-polarisait : dans les marchés à faible croissance, il faut être le meilleur ou le moins cher et le Club Med était au milieu.
- Le second changement dans le monde du voyage a été l’arrivée d’internet. Avant internet, le métier du tourisme consistait à proposer d’aller en agence de voyage, retirer un catalogue et l’opérateur assurait un chart air pour le transport. Dès les années 2000, un simple ordinateur permettait de consulter les offres à distance. A travers le digital, les clients ont l’opportunité de tout comparer.
- Troisième changement et pas de moindres, l’arrivée sur le marché des low-cost carriers (Air Asia X, Ryan Air etc…) qui a définitivement mis fin à la fonction de voyagiste telle qu’on l’entendait jusque-là.
La seule voie de réussite possible pour le Club Med a alors été la différenciation par une stratégie de montée en gamme, afin de proposer des services de qualité à prix élevés. Henri Giscard d’Estaing engage alors une série de changements au sein du groupe Club Med en commençant pas la prémiumisation des villages.
La difficulté, en 2004 lorsque le processus est lancé, est qu’un quart seulement des villages Club Med sont haut de gamme. Le groupe décide alors d’en fermer la moitié. 65 villages fermés, certains rénovés et d’autres cédés pour renflouer les caisses à travers la revente immobilière et permettre le financement des rénovations : pendant dix ans, le Club Med n’a reversé aucun dividende à ces actionnaires. Seconde épreuve, la crise économique qui touche en 2008 l’Europe de plein fouet, cette région étant la zone géographique dans laquelle se situe la plus grande partie des clients du Club Med.
C’est alors que le PDG du groupe axe sa stratégie sur un second point: l’internationalisation . Le but : « Se battre sur le marché principal, et aller à la conquête du monde, le monde en croissance ! ».
Internationalisation : aller à la conquête du monde
Facteur additionnel justifiant cette internationalisation : suite à la démocratisation d’internet « l’ère digitale dans laquelle nous sommes entrés permet aux clients de conseiller aux clients ou aller » affirme le PDG du groupe. Il est donc nécessaire pour un acteur comme le Club Med d’être capable d’anticiper cela. Ce qui passe par une présence dans le monde entier. La preuve de la réussite de cette initiative est claire, « Nous avons retrouvé la croissance, nous allons donc accélérer » aime à rappeler Henri Giscard d’Estaing. Objectif du Club Med : devenir le leader mondial des vacances tout compris, avec une présence mondiale dans un monde incertain. Afin d’atteindre cet objectif certes ambitieux mais à portée du groupe, le Club Med décide l’ouverture de trois à plus de cinq villages par an (l’ouverture en cours d’un village Club Med dans les Alpes est évaluée à 100 millions d’euros).
Digitalisation, Mobile : montrer au monde ce que l’on propose
Pour accompagner ses ambitions, le Club Med met en priorité la digitalisation et l’adaptation de son organisation. L’atout dont bénéficie le groupe est représenté par le fait que ce dernier possède la seule marque mondiale de vacances. Club Med est disponible sur trente-trois sites en quatorze langues différentes. Le Mobile, dont l’entreprise a également fait une priorité au vu de son potentiel (53% du trafic mondial sur les plateformes Club Med est via mobile), permet de « Faire voir » les villages et le monde Club Med. Cette dimension est très importante car elle permet de montrer la variété la gaieté et la richesse de ce qui est proposé. « Lorsque l’on a une marque et quelque chose à montrer, il faut le montrer ! » souligne le PDG du groupe. Il souligne également que la disruption réside aujourd’hui dans l’expérience. La moitié des sites de l’enseigne ont été filmés en 3D ce qui permet de faire vivre aux clients l’expérience Club Med avant même leur arrivée. Autre exemple, « Easy Arrival » permet aux clients lorsqu’ils arrivent dans les villages de montagne en saison de ski, de trouver dans leur armoire chauffée leurs skis et chaussures afin d’aller skier directement sans perdre de temps, ou trouver des aliments adaptés à un régime alimentaire particulier, en précisant simplement cela au préalable via mobile.
La digitalisation de l’entreprise est passée par un changement dans son organisation. La DSI et le Marketing ont été associés à cette démarche de digitalisation pour ne faire qu’un ensemble unique. Comme toutes les entreprises auparavant, le Club Med fonctionnait au fil des projets avec dates fixes de début et échéance définies par projet. Aujourd’hui, c’est la rapidité qui compte : l’objectif est de développer le Minimum Viable Product, de le tester et l’améliorer en fonction des retours clients. La méthodologie agile est au cœur des process du Club Méditerranée pour un time-to-market le plus court possible. Concernant l’experience digitale en villages, l’ouverture en 2014 du village Val Thorens Sensations permet au groupe de tester les nouveaux services et outils digitaux avant un déploiement mondial par la suite.
Le digital est aujourd’hui un axe de développement prioritaire pour le Club Med. Le groupe travaille nottament avec des startups qui développent des solutions innovantes, en initiant comme cela a été le cas en Juillet 2016, des Hackathons. Le dernier en date était organisé sous le theme « 48h pour réinventer l’expérience digitale des familles en Village ». L’utilisation de la data est également un point essentiel de la feuille de route que s’est fixée le Club Méditerranée pour l’année à venir, toujours en soutient à la démarche de personnalisation de la relation client.
Quant aux menaces éventuelles que représente le digital pour les métiers du tourisme, Henri Giscard d’Estaing reste serein précisant qu’il a fait le choix il y’a huit ans de ne pas aller vers les Online Travel Agencies et qu’à travers cette décision il créerait la différence entre le Club Med et ses concurrents. L’entreprise fait ses ventes elle-même, en touchant ses clients par tous les canaux, des canaux digitaux aux plus classiques.
Stratégie de communication et relation avec l’actionnariat
Club Med a la chance d’avoir la seule marque de vacances dans le monde. C’est une marque qui peut avoir, tout comme toutes les marques fortes, des connotations négatives. Mais une campagne mondiale (photos, affiches…) n’est plus suffisante. Le groupe a décidé de se fixer un cap avec « Club Med : Amazing You » en passant d’une campagne mondiale classique à un playground mondial avec l’objectif de rester pertinent mondialement tout en s’adaptant localement. Des territoires ont été créés avec le développement de petits films locaux soulignant un ton de communication ensoleillé et chaleureux.
L’actionnaire principal du Club Med et Fosun, conglomérat chinois. Le choix de cet actionnaire s’est porté sur un critère précis : un actionnariat solide, pour le long terme. A l’inquiétude de certains de voir le Club Med dénaturé, Henri Giscard d’Estaing répond que ce qui fait le Club Med est son esprit, son histoire et son ancrage français. Ce que les chinois appellent le romantisme français et en reconnaissent la valeur, il n’y a alors aucune raison pour les investisseurs de détruire cet héritage. D’autant plus que les rapports du PDG avec l’actionnaire principal ont toujours été des meilleurs, les deux acteurs tranchant sur les questions importantes grâce à un « double prisme » : Qu’en sera la conséquence demain ? Qu’en sera la conséquence dans dix ans ?
Enfin, Henri Giscard d’Estaing souligne que la naissance du Club Med est le résultat de l’ambition de deux hommes qui ont osé. Osé dans l’Europe détruite des années 1950, l’idée simple de fournir du bonheur par la nature et le sport. Soixante dix ans plus tard, au 21e siècle et avec tout le potentiel technologique que cela sous-entend, osons le digital !
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