Le terme moderne d’économie collaborative est né en 1978, dans un contexte économique instable dû à l’augmentation du prix du pétrole (1973) et à la fin des accords de Bretton Woods, qui stabilisaient les cours monétaires (1976). L’économie collaborative était alors une réponse à un besoin de solidarité populaire pour se sortir d’une situation financière difficile. Si l’économie collaborative n’était au départ rien d’autre qu’un élan d’entre aide, elle tend aujourd’hui à se professionnaliser et à générer des bénéfices parfois supérieurs aux activités dites classiques. Cet article, en deux parties, vise donc à démontrer l’importance qu’a pu prendre l’économie collaborative en 2017, en partie grâce à l’utilisation à grande échelle du digital…
Un concept qui émerge…
Ouishare, une ONG et think-tank dédié à l’émergence de l’économie collaborative, définit cette dernière comme « la circulation transparente des produits et des services entre les individus à travers le partage, l’échange, le commerce, la location, l’emprunt ou le don, en favorisant l’accès sur la propriété, une meilleure optimisation des ressources et la réduction des déchets. » En pratique, cette définition s’incarne aujourd’hui par des plateformes comme Uber, Blablacar ou encore Airbnb pour ne citer que les plus connues.
Historiquement, le concept d’économie collaborative sous les modèles actuels est avant tout la résultante de 3 facteurs principaux :
Des catalyseurs sociaux : Avec l’essor des réseaux sociaux, la forte volonté de se connecter et de partager avec ses amis et sa famille toutes sortes d’activités a permis le développement de l’économie collaborative. Une prise de conscience sur le développement durable, le gaspillage, la pollution a également incité à sa croissance.
Des facteurs économiques : la possibilité de générer des revenus à partir de la location de biens de la rémunération de services a contribué et l’émergence du crowdfunding au financement et la création de plusieurs plateformes d’économie collaborative. A cela s’ajoute le recours de plus en plus fréquent à l’utilisation du crowdfunding ou la finance participative.
Des facilitateurs technologiques : La démocratisation d’internet, des moyens de paiement en ligne, des services de géolocalisation, de la mobilité ont soutenu ce développement en facilitant la mise en contact des individus et en fluidifiant leurs échanges.
… pour s’imposer au fil du temps.
Parallèlement, le succès de ces plateformes repose sur 4 piliers[1] :
- Les biens et services excédentaires : La collaboration est généralement souhaitée par les utilisateurs sur des produits excédentaires (voiture inutilisée, surproduction d’énergie, connaissances et savoirs partageables…)
- Une masse critique : 1,5 millions d’utilisateurs pour Uber en France en 2016 et 10 millions pour Blablacar. Le service n’est attractif que si un minimum d’individus y participe comme dans la plupart des économies de plateforme.
- Une croyance en la gestion commune : La collaboration est possible à long terme seulement si les biens ne sont pas abîmés ou détruits et si au contraire ils peuvent être gérés de façon collective. Cette idée de gestion commune a notamment été popularisée par la prix Nobel d’économie Elinor Ostrom avec son ouvrage Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action (1990) qui présente le concept des communaux ou Commons.
- La confiance envers les individus : La participation des individus est envisageable uniquement s’ils ont confiance dans les autres usagers. Le système de notation en peer to peer proposée par la grande majorité des plateformes permet d’assurer cette confiance.
Quelques grands acteurs du monde de l’économie collaborative
Ce succès s’est matérialisé notamment par une croissance fulgurante du chiffre d’affaire généré par cette nouvelle économie. En effet, celui-ci est passé de 12 à 270 milliards de dollars en l’espace d’une décennie entre 2001 et 2010. Le marché est toujours en pleine croissance en France notamment, deuxième pays où la consommation collaborative est le plus développée derrière les États Unis et devant l’Espagne.
Du consommateur au prosommateur: une révolution est en marche….
Le développement de l’économie collaborative oblige aussi à repenser la vision que nous pouvons avoir des acteurs économiques : le consommateur d’un produit ou d’un service est désormais impliqué dans la production et la création de valeur. Dans les années 70 est ainsi apparu le terme de prosommateur : ce dernier est à la fois producteur et consommateur de valeur comme le définit l’économiste et essayiste américain Jérémy Rifkin[2], spécialiste de la sharing economy.
Si l’implication des consommateurs dans l’activité des entreprises existe depuis longtemps (les clients de Mc Donald assurent eux-mêmes le service à table, certains acheteurs de voitures peuvent choisir certains accessoires à la vente et donc modifier la chaine de production), le concept de prosommateur va plus loin puisque l’individu se trouve désormais au cœur de la production de valeur.
….qui oblige les entreprises à se transformer ?
Cela suppose donc des plateformes collaboratives qu’elles adaptent leur comportement et leur relation vis-à-vis des prosommateurs. Cinq activités s’articulant autour de ce dernier peuvent donc être dégagées :
Attirer: le prosommateur doit percevoir son intérêt individuel pour participer à l’économie collaborative. Cet intérêt peut être financier (en covoiturant, je partage le coût d’une voiture), social (en covoiturant, je rencontre des gens), écologique (en covoiturant, je rationalise l’usage de la voiture)…
Former: le prosommateur doit être formé au service qu’il va consommer et / ou proposer. Cette formation peut être réalisée via des tutoriels en ligne, des formations physiques… Le site d’autopartage Drivy possède par exemple un blog conseillant les loueurs de voiture afin d’ajuster la grille de prix, de rédiger un constat, de mettre une annonce en ligne…
Contrôler : le prosommateur doit être contrôlé afin de ne pas mettre en danger le principe de collaboration (dégradation des biens partagés et des ressources, non payements du service…) La plupart des plateformes propose donc des systèmes de notation et de recommandation afin d’encourager les bons comportements et de bannir les autres.
Intermédier: le prosommateur doit être mis en relation avec d’autres individus afin de pouvoir collaborer ou d’échanger un bien/ service. La start-up américaine transActive grid propose par exemple de mettre en relation des individus produisant de l’électricité et d’autres la consommant au sein d’un même quartier.
Assurer : le prosommateur doit aussi être assuré dans sa relation avec d’autres prosommateurs car il peut craindre pour sa propre sécurité ou bien celle des biens qu’il échange. Les plateformes collaboratives s’associent donc à des assureurs traditionnels (Blablacar avec la MAIF et Axa) ou bien créent leur propre système d’assurance (Amazon, Airbnb)
Le digital est partout et se retrouve dans chacune de ces cinq activités. Sans en être un véritable prérequis (le covoiturage existait bien avant Blablacar par exemple), il permet surtout de démultiplier les échelles, d’augmenter l’efficacité des plateformes collaborative et de passer dans une véritable logique économique. C’est donc dans la deuxième partie de cet article que vous découvrirez comment l’utilisation du digital a transformé une simple logique d’entre aide en industrie du XXIe siècle….
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[1] What’s mine is yours : How collaborative consumption is changing the way we live, Rachel Botsman et Roo Rogers [2010]
[2] L’internet des objets, l’émergence des communaux collaboratifs et l’éclipse du capitalisme »
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