En septembre dernier, Salesforce, éditeur de solutions CRM, a lancé sa nouvelle plateforme d’intelligence artificielle baptisée Einstein. Avec cette évolution, Salesforce intègre de l’intelligence artificielle à tous les niveaux de son CRM : Sales Cloud, Marketing Cloud, Commerce Cloud, etc. Après Microsoft, IBM et Oracle notamment, c’est donc le leader mondial du CRM en mode SaaS qui mise sur l’intelligence artificielle, suivant ainsi une tendance de fond. Salesforce fait donc le pari que l’intelligence artificielle révolutionnera le monde de la relation client. Ce pari est-il risqué ? Pas vraiment si l’on en croit les prévisions du cabinet Gartner qui annonce qu’en 2020, 85% des interactions avec les entreprises se passeront d’êtres humains. Il est difficile de savoir si cette prédiction sera avérée mais il certain que l’intelligence artificielle aura redéfini les contours de la relation client d’ici quatre ans. Mais comment va s’opérer ce véritable bouleversement qualifié par certains de prochaine révolution numérique ?
Les chatbots, l’avenir de la relation client ?
A sa dernière conférence F8, Facebook a annoncé la création d’une plateforme dédiée aux chatbots, ces programmes capables de conduire une conversation avec des humains via son application Messenger. Ainsi, on estime que la révolution des chatbots n’en est qu’à ses prémices et que ceux-ci pourraient transformer totalement notre façon de naviguer sur internet, les bots remplaçant progressivement les applications, et les interfaces messaging se substituant aux navigateurs traditionnels. Les chatbots présentent un intérêt indéniable pour la relation client dans la mesure où ils permettent de simplifier et d’accélérer la recherche d’informations tout en fournissant des réponses précises et personnalisées. Les utilisateurs n’ont en effet plus à chercher l’information sur le site internet de l’entreprise. Il suffit d’échanger avec le bot sur une interface de discussion qui leur est familière. Relié au SI de l’entreprise, le bot accède directement aux dossiers du client et peut donc lui fournir une réponse personnalisée. Cela présente le double avantage d’augmenter la satisfaction client et d’optimiser la gestion de la relation client en réduisant le recours aux conseillers humains.
En France, Voyages-sncf.com est l’un des premiers à tester à grande échelle ce système pour son service de relation client. Il est désormais possible de rechercher un billet de train ou de poser des questions sur sa réservation en dialoguant grâce à l’application Messenger de Facebook. Voyage-scnf.com a misé sur l’interactivité avec une mise en avant de visuels pour chaque destination ou la possibilité pour l’utilisateur de chercher des destinations ensoleillées. Encore en phase de test, les fonctionnalités de ce chatbot pourront être enrichies à l’avenir, mais les premiers résultats sont encourageants puisque le taux de transformation est supérieur à 50%. Séduites par ces avantages, nombreuses sont les entreprises qui investissent dans les chatbots. Aux Etats-Unis, Mastercard proposera dès le premier trimestre 2017 des bots à destination des banques permettant à leurs clients de consulter le solde de leur compte ou surveiller leurs dépenses à partir de Messenger (voir la démonstration dans la vidéo ci-dessous).
Selon une étude menée par Eptica en novembre 2016, 51% des consommateurs jugent que les chatbots sont utiles, notamment parce qu’ils sont capables d’apporter une réponse en temps réel. L’enjeu pour les entreprises sera de proposer des services toujours plus avancés comme le suivi de commande ou l’aide à la résolution d’un problème technique puisque c’est ce qu’attendent d’un chatbot 57% des consommateurs.
Big data et intelligence artificielle : de nouvelles perspectives pour la relation client
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle repose en grande partie sur le machine learning qui consiste en l’apprentissage automatique par un système et sur le deep learning en particulier. Ainsi, des programmes sont capables d’analyser un nombre très élevé de données (big data) afin d’apprendre par eux même et de s’améliorer au cours du temps. Les progrès du machine learning offrent donc de nouvelles perspectives pour la relation client en proposant une expérience individualisée en temps réel.
L’enjeu pour les entreprises est de parvenir à collecter des données sur leurs clients afin de pouvoir alimenter leurs systèmes d’intelligence artificielle et in fine offrir une expérience client personnalisée. Pour cela, plusieurs solutions s’offrent à elles : tout d’abord, lorsque les utilisateurs se connectent à leurs applications via leur compte Facebook ou Gmail, les entreprises peuvent récupérer et analyser les données de leur profil. C’est le cas d’Unibail Rodamco qui s’intéresse aux pages likées par ses clients lorsqu’ils se connectent via Facebook aux applications de ses centres commerciaux. Il est également possible de scanner les réseaux sociaux afin d’effectuer des analyses prédictives, de relier certaines demandes à certains profils et donc de mieux connaître ses clients. Aux Etats-Unis, Toyota met ainsi le big data au service de sa relation client en analysant des quantités massives de tweets afin d’identifier les défauts de ses produits et de mettre en œuvre des solutions.
En analysant des quantités élevées de données sur leurs clients, les entreprises sont donc plus à même de fournir une réponse pertinente à leur demande. De plus, les nouveaux canaux de la relation client tels que les chatbots intègrent des systèmes de machine learning capables de les faire progresser. Cela présente donc l’avantage de fournir des systèmes de plus en plus qualitatifs, capables de répondre de manière très précise aux attentes des clients qui recherchent simplicité et efficacité dans leurs relations avec les entreprises. En 2020, ces systèmes auront donc appris par eux-mêmes et seront capables d’échanger de manière presqu’aussi naturelle qu’un conseiller humain. Mais pour autant, cela signifie-t-il que la relation client sera entièrement automatisée dans quatre ans ? Les employés des centres de relation client, les conseillers réels doivent-ils craindre de subir une cascade de plans sociaux au cours des prochaines années ?
La relation client en 2020 sera-t-elle complètement déshumanisée ?
L’intelligence artificielle révolutionnera sans aucun doute la relation client d’ici 2020. Qualité des relations entre les entreprises et les consommateurs, simplicité des échanges et rapidité seront les qualificatifs d’une relation client améliorée par l’intelligence artificielle. Toutefois il est peu probable que l’intelligence artificielle remplace totalement les relations humaines. Robin Coulet, fondateur et dirigeant de l’agence Conversationnel pense que les humains seront toujours indispensables pour traiter les réclamations spécifiques : « Confier à un robot le traitement d’une réclamation client, ça ne marche pas ! En revanche, les agents virtuels pourront parfaitement traiter les demandes les plus basiques, standardisées, quand les êtres humains, eux, se concentreront sur les demandes les plus spécifiques. ». Il paraît donc plus plausible qu’un mix entre intelligence artificielle et humaine régisse la relation client en 2020. L’intelligence artificielle vient souvent en appui aux conseillers humains, et nombreuses sont les entreprises qui investissent aujourd’hui dans des systèmes d’intelligence artificielle permettant d’aider leurs employés à traiter les demandes de leurs clients. Dans le secteur bancaire par exemple, le digital a modifié les habitudes des clients qui se rendent désormais moins souvent en agence et privilégient le contact par mail. Selon Guy Gnemmi, directeur de la distribution chez Crédit Agricole SA, le nombre de contacts par mail et par téléphone a été multiplié par deux en cinq ans. Les banques investissent désormais dans des systèmes d’analyse sémantiques afin d’analyser automatiquement le contenu des mails et ainsi faciliter le travail des conseillers bancaires. Le Crédit Mutuel-CIC a choisi la solution d’intelligence artificielle IBM Watson, non seulement pour interagir directement avec ses clients au moyen de bots mais également pour identifier automatiquement les mails et définir l’intention et le niveau d’urgence de chaque demande. L’objectif est de proposer aux conseillers des réponses pré-formatées et d’optimiser le traitement de leurs mails.
L’intelligence artificielle aura modifié en profondeur la relation client d’ici quatre ans, les chatbots et d’une manière plus générale les systèmes d’analyse sémantique et de compréhension du langage naturel, feront partie intégrante du CRM de nombreuses entreprises. Celles-ci doivent donc prendre le virage de l’intelligence artificielle en se dotant de systèmes capables de répondre aux enjeux de demain. Qui des GAFA, Microsoft ou IBM parviendra à imposer son système ? Doit-on craindre pour la sécurité des données ? Si Facebook parvient à rendre incontournable Messenger comme interface pour les chatbots n’y a-t-il pas un risque pour qu’il ait accès à un nombre considérable d’informations provenant des données internes des entreprises et de leurs clients ? En collectant et en analysant ces données, les géants du web ne risquent-t-ils pas de concurrencer les banques, les transporteurs, les fournisseurs d’énergie ou les acteurs historiques de n’importe quel autre secteur ?