Evénement nantais en passe de devenir un grand classique pour les acteurs du digital, le Web2Day a encore une fois réuni cette année de très nombreux intervenants autour de l’innovation et du digital, avec conférences, workshops, showroom, concours de startups, soirées…
Nous étions présents toute la journée de jeudi pour prendre la température et profiter de certaines conférences tout à fait dans les thématiques du site.
Data data data
De nombreuses conférences abordaient le sujet des données et nous avons choisi d’assister à deux aux approches bien différentes.
La première concerne la vision de Tristan Nitot, Chief Product Officer de Cozy Cloud. Son approche est simple : oui, les données sont le pétrole du XXIe siècle. Mais, les acteurs du numérique « pompent » littéralement toutes nos données et les exploitent pour leurs clients (actionnaires). Le plus bel exemple – Cozy appuie lourdement dessus pour mettre en avant sa solution – est Google : nous ne sommes pas les clients de Google, et pourtant nous lui fournissons toutes nos données. Faites un tour par exemple sur la page « Mon Activité » fournie par le géant et vous verrez à quel point il vous connait. Sauf que ces données servent les vraies clients, les annonceurs.
Il rajoute deux informations intéressantes : tout d’abord que le cloud, malgré tous ses avantages, entraine une centralisation des données. C’est cette centralisation que rend possible et surtout économiquement viable la surveillance de masse. Mais aussi que les internautes, inconsciemment, changent leur comportement quand ils se savent écoutés : les visites sur les pages Wikipédia du djihad sont ainsi en baisse depuis les annonces de Snowden, de peur d’être espionnés et assimilés au terrorisme.
La seconde conférence était elle plus orientée vers le journalisme, ou comment la donnée est en train de révolutionner les méthodes d’investigation. Ainsi, en invitant autour de la table Alexandre Léchenet, data-journaliste ayant travaillé sur Swiss Leak, et Sébastien Heymann, CEO de Linkurious, on comprend mieux le changement en cours dans ce milieu, et par extension dans de nombreux autres domaines. Ainsi, des journalistes, formés et habitués à traiter du texte, des images et des vidéos, doivent assimiler des très grandes quantités de données, souvent déstructurées, pour nourrir leurs enquêtes. Comme dans de nombreux secteurs, la data chamboule leur fonctionnement et les force à adapter leurs méthodes de travail : nouveaux outils pour analyser et restituer la donnée, nouveaux processus, nouveaux outils, nouveaux partenariats et nouveaux métiers… Comme l’explique Sébastien, des outils de Linkurious aident à monter des systèmes complexes à partir de données multiples.
Internet of Things
Plusieurs ateliers sur l’Internet of Things (IoT) étaient aussi au programme, avec une forte orientation sur le design produit, de sa conception en R&D à sa mise à disposition des métiers pouvant l’exploiter. Nous avons pu écouter Olivier Mével d’ENERO (agence spécialisée dans l’accompagnement au développement d’objets connectés), Bruno Tuong (designer au CEA tech) ou encore Floriane Aubrit de 4mod (spécialiste des télécommandes et de leurs interfaces).
De nombreuses réflexions ont émergé, parmi lesquelles les bonnes pratiques ou idées ci-dessous :
- Lorsqu’un domaine émerge, comme c’est le cas de l’IoT, il y a toujours besoin de mixer plusieurs compétences : des équipes multi disciplinaire mixant des UX et des ergonomes, mais aussi des électroniciens, des mécaniciens, des développeurs…
- Dans le cas de l’IoT, en plus de coordonner ces différents métiers, il faut être en capacité à faire / à prototyper : les agences comme les cabinets de conseil s’équipent pour rendre concret les projets d’objets connectés.
- L’enjeu derrière ce prototypage est notamment dans notre capacité à comprendre et clarifier une technologie ou une innovation pour le rendre disponible à des métiers pouvant en tirer parti. Utiliser des images pour conceptualiser des composants invisibles, humaniser le discours, axer la présentation sur les points essentiels
Un des échanges pendant les questions / réponses a abordé la place de l’utilisateur et ce qu’il est prêt à changer dans ses habitudes pour faire entrer un nouvel objet ou un nouveau mode d’interaction. Les interlocuteurs ont ainsi rebondi sur cette question : « l’utilisateur est-il prêt à parler avec une machine comme il parle avec un humain ? » De leurs expériences, la technologie innovante ne suffit pas en elle même, il faut qu’elle soit acceptée par l’utilisateur. On en revient à la capacité à expliquer et démontrer.
Intelligence artificielle
L’intelligence artificielle est un autre sujet complexe abordé par plusieurs intervenants. C’est le cas par exemple de Florian Douetteau, CEO at Dataiku.
Florian a notamment insisté sur 3 grands axes de réflexion à aborder pour comprendre et anticiper le rôle de l’IA :
- Sécurité : il reprend une interrogation qui se répand progressivement concernant la voiture connectée : quels algorithmes « éthiques » pour prendre quelles actions et faire quel choix en cas d’accident ?
- Vie privée : son exemple marquant concerne Apple qui utilise cette notion comme un fort marqueur différenciant. La « privacité différentielle » est
- Légitimité : il ouvre le débat en insistant sur la nécessité d’adresser le sujet pour mieux accepter et assimiler l’IA sur le long terme.
Une question a conclu le débat : quelles sont les qualités qui restent propres à l’humain et que la machine ne peut / pourra pas reproduire ? Dans la vision de Florian, dans 15 à 20 il sera très difficile de répondre à cette question. Sous 10 ans, il met en avant notre capacité de réaction à l’inattendu, notre capacité à tenir des discours long et toujours cohérent…
Cyrille Chaudoit, directeur associé chez The Links en charge de l’Innovation Digitale, a partagé une vision encore plus prospective et très axée sur les clefs de lecture pour déchiffrer cette lame de fond. Pour lui, il existe déjà 3 grandes difficultés freinant la compréhension du sujet :
- Complexité du sujet
- Manque d’interlocuteurs
- Opacité entretenue sur le sujet (principalement par les géants du Web)
Mais sa réflexion cherche à montrer qu’il est urgent de (tous) se poser les questions et de s’impliquer pour pouvoir influer sur cette thématique au lieu de la laisser dans les mains de certains géants. Il partage pour cela plusieurs axes :
– Rapport entre la nature et la technique : nous baignons dans la technique, l’homme n’est plus que le dernier « rempart ». Le smartphone est déjà une excroissance de notre corps et cerveau, on découvre d’autres fonctions grâce à lui. L’IoT déstructure et éclate la technologie pour la mettre sur nous puis en nous (biohacking). Aujourd’hui nous sommes dans une phase d’apprentissage, demain (2050 ?) il sera difficile de séparer l’homme de la machine.
– Eugénisme vs mort : le transhumanisme repose entre autres sur l’idée d’être maître de sa vie. Mais cette maîtrise, en tuant le hasard, amène-t-il à une vie plus égalitaire ? Rien que l’accès à la technologie pose problème : quelle égalité si c’est le pouvoir d’achat qui fait la différence ? Et quelle égalité si demain il y a les « naturels » et les « augmentés » ? Chercher l’égalité est extrêmement normatif et les algos sont créés par une poignée d’humains : n’est-ce pas la perte d’une certaine liberté ?
– Deus ex machina : la machine va-t-elle dépasser l’homme ? C’est l’avis de Cyrille : par servitude volontaire vis à vis de la technologie, l’homme sera dépassé, ce n’est qu’une question de temps. L’IA va être une véritable rupture, sans retour arrière possible.
Cette vision assez noire est paradoxalement plus un appel à la mobilisation. Pour nous cela légitime les réflexions prospectives que l’on peut lire dans notre éclairage sur l’IA comme avenir de l’homme (la 2e partie sera publié sous peu). N’hésitez pas à partager votre vision dans les commentaires.
Growth hacking, distribution de l’information et société cashless
Pour terminer cette synthèse, partageons 3 autres conférences au sujet bien distincts mais intéressants.
La première concerne le growth hacking, ces techniques marketing ayant pour but de booster la croissance d’une startup. C’est Marc-Antoine Durand, CEO de LiPP, qui est venu sur scène partagé son expérience : 1 million d’utilisateurs en 6 mois. LiPP est une application qui modifie la façon de créer, partager et regarder des vidéos courtes : destinée principalement à des adolescents, elle a réussi son pari en itérant encore et encore. Et donc en acceptant l’échec et en analysant rapidement les raisons pour ajuster encore et encore. Fail Early, Fail Fast, Learn Cheaply.
« Itérer » est bien la notion clef de cette intervention. Mais elle s’accompagne aussi de l’idée qu’il faut mesurer constamment et en temps réel les usages & comportements. Ce sont ces données qui permettront de prendre des décisions et de sélectionner les bons leviers.
La seconde a accueilli Cyril Chiche, cofondateur et CEO de Lydia, une app / service de paiement. Le sujet n’étant pas vraiment cette app mais plutôt la tendance de fond vers des sociétés cashless. Ainsi, Cyril rappelle que certains Etats réfléchissent à la suppression totale de la monnaie, comme la Suède qui visent 2030 pour atteindre cet objectif. Paradoxalement, ce souhait vient plus de la population que du gouvernement et on note de gros écarts selon les pays : à l’opposé de la Suède, l’Allemagne voit encore 1/3 de sa population payer uniquement en cash.
Sans aller jusqu’au cashless, la tendance va vers une forte limitation du rôle de la monnaie. Pour répondre aux enjeux de ce changement, 4 grands attentes clients doivent être adressées :
1. Contrôle (sur ce que l’on dépense)
2. Instantanéité (à l’inverse des systèmes déjà installés comme les cartes)
3. Universalité (un système pour tous les modes de paiement)
4. Sécurité
Enfin la troisième s’intéresse à la distribution de l’information, place majeure d’une stratégie brand content. Elle met autour de la table trois experts – Emmanuel (le pro de Périscope), Romain (le fondateur de Fubiz) et Sarah (directeur de campagne de Change.org) – pour les faire échanger sur les bonnes pratiques de la distribution de contenu. Nous avons retenu plusieurs idées fortes :
- Chaque canal de communication a sa propre grammaire :
- Le travail est divisé en trois temps : veille / création / distribution
- L’impact compte plus que le reach :
- Ce qui marche ? Les contenus authentiques (fautes d’orthographe, maladresse…). C’est l’émotion qui drive le changement ou l’adhésion.
- Comment ne pas se répéter sur chaque réseau pour partager la même info ?
– Ne pas les mettre au même moment – timing
– Ne pas les mettre avec le même titre – accroche
– Ne pas les mettre avec la même image – illustration
– Repartager le même projet plus tard pour toucher un nouveau public