Du 13 au 17 juin, au Parc des Expositions de Villepinte, avait lieu comme tous les 2 ans depuis 1992, Eurosatory, le plus grand salon du monde consacré aux questions de défense et de sécurité terrestre et aéroterrestre.
Le digital est désormais une problématique existentielle du secteur privé, mais qu’en est-il des acteurs de la sécurité publique ? L’Armée de Terre met souvent en avant ses programmes de développement mais qu’en est-il vraiment ? Nous sommes allés enquêter !
Si ce salon fait la part belle aux industriels de l’armement, d’autres acteurs étaient également présents, et ces derniers proposaient des produits qui pourraient, dans un futur plus ou moins proche, avoir des applications dans la vie de tous les jours . Le secteur de la formation était en particulier largement développé dans les allées du salon, et d’autres démonstrations aperçues permettent d’envisager des améliorations au niveau de la sécurité des personnes et de la qualité de vie.
Le digital au contact du terrain
Ce salon, largement porté par le Ministère de la Défense faisait donc la part belle aux projets et équipement de l’Armée de Terre. Sur 2882m², les différents programmes d’équipement étaient présentés, en particulier le programme Scorpion. Celui-ci a 2 objectifs principaux : le renouvellement d’une partie des véhicules de combat au contact et la mise en place d’un système d’informations unique, le Système d’Information du Combat SCORPION (SICS). Les 2 aspects sont largement imbriqués, en effet le SICS doit permettre de mettre en réseau et fusionner les informations issues de différents systèmes de capteurs et de détecteurs mis en œuvre par les véhicules déployés. La mise en place de ce SICS est assurée par la société Bull.
En pratique, le programme SCORPION repose sur 3 grands piliers :
- L’uniformisation des interfaces de communication qui permettra de proposer aux forces engagées une numérisation précise et exhaustive du théâtre d’opération, c’est l’objet de la partie SICS
- Le développement de la vétronique (contraction des termes véhicule et électronique) à bord des véhicules qui doit permettre de mieux anticiper les menaces et de relier leur détection à des actions prédéfinies, permettant une réaction plus rapide des équipages
- La possible mise en réseau des équipements permet de mettre en œuvre des simulations embarquées, en garnison il est possible de s’entraîner directement dans les véhicules, en opération il est possible d’y préparer les missions
Dans tous ses programmes la grande muette adopte une méthodologie agile qui doit permettre, dans des programmes très lourds, de faire entendre la voix du terrain et de répondre le mieux possible aux besoins des forces. Le programme AUXYLIUM en est un bon exemple. Le fantassin français est aujourd’hui équipé du système FELIN qui permet aux soldats d’être toujours connectés entre eux et leur donne accès à des équipements spécifiques (caméra et lunettes pour la vision déportée par exemple). Ce système est adapté au combat de haute ou très haute intensité mais sa mise en œuvre est lourde dans le cadre de l’opération SENTINELLE par exemple.
AUXYLIUM vise à donner aux troupes en opération des moyens de communication très haut débit sécurisés. La spécificité de ce programme est de permettre l’emploi de composants pris sur l’étagère légèrement modifiés. Si relativement peu d’éléments sont disponibles sur ce programme, il s’affirme comme l’un des enjeux majeurs pour le monde de la défense en améliorant d’une part l’interopérabilité avec les forces de police et les services de secours, d’autre part en mettant à disposition des matériels simples d’emploi.
Des outils de formation numérisés
Sur le salon un autre élément impressionnant est l’espace consacré aux formations. Auparavant, les formations se faisaient en associant 3 éléments : des éléments théoriques, des simulateurs spécifiques et des exercices en conditions réelles.
Les dispositifs présentés à Eurosatory promettent une amélioration substantielle des conditions de formation. En effet était présentés plusieurs simulateurs (tir, drone, hélicoptère, véhicules, observateur d’artillerie, etc.) qui pouvaient tous être mis en réseau pour créer des scénarios complexes impliquant à la fois des forces terrestres et aériennes. Un exemple donné sur le salon était une reconstitution de la bataille de Gao lors de l’opération Serval en 2013 intégrant tous les simulateurs évoqués précédemment dont 1 véhicule en réseau depuis Saumur.
De plus l’emploi de la réalité augmentée se développe dans les forces. En particulier les tourelles des nouveaux véhicules de l’armée française (VBCI, Griffon et Jaguar) intègrent des éléments permettant de projeter, virtuellement, les équipages dans un environnement de formation interarmes et interarmées. Cela passe par la diffusion d’images adéquates dans les épiscopes et l’intégration d’éléments de simulation dans les systèmes embarqués.
Des innovations pour les collectivités et les services d’urgence
Les collectivités étaient également mises à l’honneur lors de ce salon. Pour la première fois, des conférences étaient données sur la thématique des smart cities. Ces conférences ont été l’occasion d’étudier la façon dont les smart cities permettaient d’améliorer la qualité de vie, de diminuer les risques et quels étaient les outils à mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs.
En particulier, la cité intelligente de demain reposera à la fois sur l’internet des objets et sur le Big Data. Pour construire des offres de services pertinentes, il sera nécessaire de développer des algorithmes performants. Une attention importante devra également être portée sur la sécurité des personnes et des infrastructures. Ainsi, Thalès a présenté des technologies qui auraient permis de diviser la criminalité par 2 et le temps d’intervention des forces de l’ordre par 6 à Mexico.
Par ailleurs, pour beaucoup de services d’urgence, l’interopérabilité avec d’autres entités repose sur l’utilisation d’un système d’informations géographique unique. La société Diginext a présenté son système Crimson. Ce produit devient de plus en plus collaboratif et agrège des informations provenant de sources grand public telles que les réseaux sociaux et les chaines de télévision. Cela montre l’importance prise par le collaboratif dans la gestion des crises, que ce soit avec les acteurs des forces de secours mais également avec le grand public.
Enfin les collectivités utilisent aussi d’autres types d’innovations technologiques telles que les drones. Le projet DIDRO présenté au cours de ce salon vise à permettre l’inspection de digues anti crues par des drones. Le dispositif qui a été testé permet de gagner en efficacité et de réduire les coûts, notamment dans des contextes dégradés où les véhicules usuels ne peuvent pas intervenir.
Ce salon a donc été l’occasion de faire 3 constats principaux :
- Le Ministère de la Défense porte une démarche d’innovation ambitieuse relative à la formation, à l’emploi de réalité augmentée et la mise en réseau de plusieurs simulateurs pour créer des scénarios de formation complexes
- Les projets et nouveaux produits développés dans les secteurs de la défense et de la sécurité mettent les réseaux et la convergence des systèmes d’informations au centre de la démarche (le programme Scorpion par exemple)
- Il y a également des innovations pour les collectivités locales, via des innovations logicielles, les drones et le développement des smart cities.
Enfin, au-delà des pures thématiques digitales, on assiste à une consolidation du secteur qui dépasse les traditionnels protectionnismes, notamment actée par la fusion entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann.