Célèbre pour son application de GPS collaboratif, Waze se lance désormais dans le covoiturage avec Waze Carpool. Une fonctionnalité actuellement en phase de test, qui ouvre des perspectives intéressantes pour Waze et pour sa maison mère, qui n’est autre que Google.
Les origines : un GPS collaboratif
Si vous n’avez jamais entendu parler de Waze Carpool, vous connaissez en revanche peut-être Waze : cette application, née en 2008 en Israël, est un GPS collaboratif. Le principe est simple et s’inscrit dans la lignée des nouveaux usages du web 2.0 : partant d’une base cartographique classique, le GPS s’enrichit par du contenu apporté directement par les utilisateurs.
Waze récolte ses données directement via l’application ou grâce à des contributeurs (environ 65 000 éditeurs de carte en 2012) abreuvant une plateforme, et les met à disposition en temps réel. Ces données peuvent concerner le trafic, les itinéraires, mais également les prix de l’essence ou la présence de radar. Le service est gratuit, Waze se rémunérant via des annonceurs payant par exemple pour voir leurs enseignes mis en valeur sur les cartes.
S’appuyer sur la communauté et le savoir-faire pour proposer un nouveau service
Fort de cette communauté et de cet outil collaboratif puissant, Waze tente désormais d’ajouter une corde à son arc en se diversifiant. La start-up teste en effet actuellement une nouvelle fonctionnalité : Waze Carpool. L’idée est simple : une application de covoiturage permettant de mettre en relation des drivers (chauffeurs) et des riders (passagers). Ou plutôt deux applications, puisque chacune des deux populations aura son application dédiée : les chauffeurs utiliseront Waze (l’application de GPS) et les passagers Waze Rider.
La grande force du concept est que contrairement à un opérateur classique de covoiturage (comme par exemple BlaBlaCar, qui détient actuellement environ 90% du marché Européen) Waze peut s’appuyer sur son outil de cartographie et son énorme paquet d’informations pour effectuer la lecture des trajets la plus fine et intelligente possible et proposer les couples driver-rider les plus pertinents : l’objectif est de matcher (associer) des utilisateurs qui partent du même endroit… et vont au même endroit (idéalement la même entreprise). Il est par ailleurs impossible pour un chauffeur de prendre plus d’un passager, afin d’éviter les arrêts multiples. Outre ses outils déjà développés, Waze compte également s’appuyer sur sa forte communauté d’utilisateurs (en majorité des personnes ayant des affinités avec le modèle collaboratif et les nouvelles technologiques) pour acquérir la taille critique nécessaire à la viabilité du projet (dans le collaboratif plus il y a d’utilisateurs plus le service est fiable).
Waze reste dans sa ligne d’un service gratuit par les utilisateurs : la compagnie a en effet clarifié le fait que ce service ne visait en aucun cas à professionnaliser des chauffeurs. Les passagers auront bien à s’acquitter de quelques dollars pour pouvoir bénéficier du service, mais seulement au titre de participation aux frais (essence), et ce pour la modique somme de 0.54 dollars par mile (soit environ 0.77 euros par km). Le total des frais est connu à l’avance, et le payement se fait directement via l’application, et pour le moment Waze ne prend pas de commission. Reste à savoir quel sera le modèle économique à terme : commission sur les trajets, droit d’entrée pour les entreprises participantes, publicité, ou un mix de ces différentes solutions ?
Un service pour rendre service, pas pour gagner de l’argent
Pour bien insister sur le caractère non-professionnel du service, Waze limite le nombre de covoiturages à deux par jour pour chaque chauffeur, et uniquement aux heures de pointe (un des objectifs phares étant d’avoir un impact écologique en réduisant le trafic). On cherche donc clairement à orienter les utilisateurs vers un usage uniquement pour les trajets travail-maison.
Waze Carpool pourra donc s’adapter parfaitement à une clientèle de travailleurs effectuant des trajets routiniers (même lieux, mêmes horaires). C’est d’ailleurs cette clientèle que Waze Carpool semble viser en priorité, et sur laquelle va être testée le service. Après un premier essai à Tel Aviv, la start-up a en effet sélectionné la Bay Area de San Francisco comme zone de test. En particulier, seul les employés de certaines entreprises présélectionnées peuvent s’inscrire et accéder à l’une des deux applications (environ 25 000 utilisateurs à ce jour).
Waze Carpool ne serait donc pas à proprement parler un concurrent direct pour le puissant Uber et ses chauffeurs professionnels contre lequel il lui serait difficile de lutter mais s’inscrit plutôt dans les services de transports routiniers, comme par exemple IDVROOM ou Sharette pour ne citer qu’eux.
Une rampe de lancement pour Google Car ?
Le plus intéressant dans tout cela, et qu’il ne faut pas oublier de mentionner qui se trouve derrière Waze. Après avoir suscité l’intérêt de nombreuses entreprises du numérique incluant Facebook, Waze a en effet cédé en 2013 aux sirènes (et aux 1,3 milliards de dollars) de Google. Si Waze est depuis restée indépendante dans son fonctionnement (alimentant toutefois le service cartographique Google Map), on ne peut s’empêcher de s’interroger sur la place que ses services pourront prendre dans l’écosystème Google.
Waze semble en effet compatible avec plusieurs projets menés en parallèle par Google. On pense notamment à Google Map, son service cartographique gratuit permettant un zoom ultra-précis, à Google Street View, son service de navigation virtuelle qui permet de parcourir les rues d’une ville avec des photographies à 360°.
On peut également faire le lien avec le projet Google Car, développé par Alphabet (filiale de Google), qui développe une voiture sans chauffeur déjà en phase de test dans trois villes. Le programme a déjà à son compteur plus d’un million de miles (1,6 millions de kilomètres) réalisés sans chauffeur.
On peut alors très bien imaginer que lorsque cette technologie sera arrivée à maturité, elle pourra s’appuyer sur celle de son cousin Waze pour les éléments de navigation GPS afin d’avoir la conduite la plus intelligente. Mais il sera également techniquement possible d’utiliser le service de covoiturage pour proposer un nouveau service, au croisement de Waze Carpool, Uber et Google Car : une VTC sans chauffeur. Difficile de mesurer l’impact que pourrait avoir un tel projet, mais le maillage du territoire et la disponibilité des voitures ne dépendraient que de la capacité de Google à en produire à une échelle suffisante.
Reste à voir ce qu’en penseront les autorités. En effet en 2013 le rachat de Waze par Google avait été étudié de très près par plusieurs agences nationales (la FTC américaine, l’OFT britannique et la commission de régulation antitrust israélienne) qui craignaient une concentration monopolistique sur le marché de la cartographie (Waze étant alors considéré comme le seul concurrent crédible à Google Maps). Ces enquêtes n’avaient finalement pas donné suite.
L’avenir dira si ce scénario est plausible, Google semble en tout cas avoir une stratégie très intelligente en développant ses projets séparément les uns des autres : cela minimise en effet le risque d’un échec retentissant sur un projet faramineux. Les programmes sont menés de manière indépendante et auto-suffisantes et sont capables d’apporter de la valeur. Et si en plus derrière le géant du web peut les connecter entre eux, ce sera le jackpot.