Le temps est sec, le goudron suinte, votre casquette blanche à pois rouges vous gratte le crâne et le transistor posé sur la glacière crache le classement provisoire des différents coureurs : pas de doutes vous attendez que le peloton passe sur l’une des routes du Tour de France. Cet événement plus que centenaire continue de rassembler des millions de fidèles assis au bord des départementales de France ou devant les télés du monde entier.
Pour autant, le Tour de France continue de se réinventer en empruntant la route du digital pour conserver sa côte de popularité et pérenniser une activité lucrative. Depuis l’organisateur de la course Amaury Sports Organisation (A.S.O) jusqu’aux téléspectateurs, en passant par les partenaires, les diffuseurs et les équipes cyclistes, tous les acteurs sont concernés.
Récolter des données pour proposer de nouvelles expériences aux fans
Le partenariat noué depuis 2015 entre Dimension Data et A.S.O incarne bien l’orientation prise par les organisateurs. Conscients que les amateurs du Tour sont en attente de nouvelles expériences, A.S.O s’efforce désormais de leur proposer la meilleure information possible. Cette information c’est Dimension Data qui la collecte grâce à des capteurs installés sous la selle des coureurs et transmises en temps réel. Les données récoltées sont alors traitées et analysées pour être finalement mises à disposition de l’ensemble des acteurs. Les amateurs sont désormais capables de connaître la vitesse en temps réel ou encore la puissance développée (les fameux « watts » régulièrement sujets à discussion lorsqu’on parle de dopage) de leur coureur favori et de l’analyser au regard de son environnement (% de pente, conditions climatiques, avancement de l’étape, etc.). Pour ce faire, il leur suffit de se connecter à la plateforme dédiée (betalivetracking.letour.fr – ouverture pendant l’événement uniquement) et de sélectionner le coureur de leur choix. En alimentant les partenaires du Tour (annonceurs, commentateurs, plate-forme numériques dédiées) de cette nouvelle matière, ASO ambitionne de mettre en valeur le cyclisme sous des formes plus innovantes et immersives.
La présence de GoPro depuis l’édition 2014, et renouvelée pour cette année, encore incarne également cette ambition. Certains coureurs sont équipés de caméras sur leur vélo (environ 8 !). Les images saisies au fil de l’étape sont ensuite montées puis livrées aux partenaires. ASO s’assure ainsi de capter de nouvelles prises de vue à mettre à disposition des diffuseurs en complément des traditionnelles images filmées par France Télévisions notamment.
Animer les communautés et mettre en valeur l’événement
La collecte de données ne constitue cependant pas une fin en soi et l’ensemble des acteurs du Tour s’efforce, avec succès, de les mettre en valeur sur les réseaux sociaux et d’animer les communautés de suiveurs.
Twitter est devenu l’un des canaux privilégiés par les diffuseurs, l’organisateur et les partenaires pour communiquer autour de la Grande Boucle. Plusieurs hastags et comptes se relaient donc pour parler du Tour. Le Tour de France possède un hashtag premium, privilège rare et accordé aux événements à forte popularité (sortie du dernier StarWars, Euro 2016, etc.) . Ainsi, à côté de #TDF2016 on retrouvera un émoji en forme de bicyclette. Les maillots à couleur qui récompensent des performances particulières possèdent leur propre compte Twitter adossés à un partenaire commercial. Pour le maillot jaune (celui du leader du Tour), on pourra suivre le compte @MaillotjauneLCL par exemple. Même principe pour le maillot blanc du meilleur jeune avec Krys ou le maillot à pois du meilleur grimpeur avec Carrefour. Chaque compte alimente ensuite son fil avec les informations relatives au coureur porteur du dossard.
Les équipes cyclistes et autres partenaires ont bien saisi l’engouement généré par le Tour sur Twitter et se positionnent également sur le réseau social. Chaque équipe possède ainsi son propre compte et trouve écho avec les tweets des coureurs eux-mêmes. La Caravane du Tour composé des principaux sponsors (Cochonou, Vittel, etc.) et qui précède l’avancée du peloton sur les routes, profite également du réseau pour relayer ses actions de communication et renforcer sa visibilité.
D’autres médias ne sont pas en reste, à l’image de Périscope qui diffuse en direct les arrivées des étapes.
Cependant, la digitalisation ne constitue pas l’apanage des nouveaux médias uniquement. Les médias traditionnels, à l’image France Télévisions qui diffuse chaque année le Tour de France sur nos écrans, se sont également mis en mouvement pour continuer à occuper un rôle majeur durant l’événement.
Diffuser autrement pour un nouvel « audimat »
En termes d’audiences, France Télévisions, le principal diffuseur en France, est parvenu en 2015 à attirer autour de 3,5 millions de téléspectateurs quotidiennement. Un score en légère hausse par rapport à l’édition 2014 (3,3 millions). Cette réussite télévisuelle ne doit cependant pas cacher les difficultés économiques qui accompagnent la diffusion événements sportifs d’envergure.
En effet, de manière assez classique, les recettes, majoritairement générées par les ventes d’espaces publicitaires, ne couvrent pas les coûts d’acquisition des droits de diffusion. La diffusion de ces événements sportifs répond plus à un enjeu de visibilité et de positionnement qu’à un objectif de rentabilité. Avec le Tour de France, France Télévisions n’échappe pas à cet écueil. Pour tendre malgré tout vers la rentabilité, le diffuseur déploie en complément une offre numérique.
Cette offre est principalement portée par la plateforme numérique francetvsport.fr. Durant l’édition 2015, cette offre a rencontré un réel engouement qui se traduit par des chiffres d’audience élevés et par une très forte progression par rapport à l’édition précédente. Francetvsport.fr a ainsi enregistré 6,6 .millions de visites (+43,5% par rapport à 2014) et 16,1 millions de pages ont été vues (+47,4% par rapport à 2014).
La plateforme numérique de France Télévisions incarne bien la voie du digital dans laquelle s’est aussi engagé le diffuseur. Plusieurs modes de « consommation » de l’événement y sont ainsi proposés. Un mode « Multicam », proposé depuis l’édition 2013, offre au spectateur la possibilité de choisir sur sa tablette ou son smartphone un angle de vue spécifique de la course. Il pourra ainsi se déplacer au sein même du peloton en optant pour les différentes caméras disséminées sur celui-ci. Ce mode s’intègre dans le tableau de bord plus classique de la plateforme de France Télévisions. En effet, des statistiques, un live de l’étape et des tweets sélectionnés alimentent un fil d’informations en direct.
Et demain, quelles perspectives ?
À l’image d’autres secteurs, la digitalisation du Tour de France se tourne désormais vers de nouvelles perspectives avec l’arrivée progressive de textiles connectées ou d’objets à réalité augmentée comme les lunettes. Malgré l’expérience avortée des Google Glass, Intel n’a par exemple pas hésité à racheter l’an dernier l’entreprise Recon Instruments, spécialisée dans les lunettes à réalité augmentée. Ces lunettes fournissent en direct au coureur des données sur sa
course (vitesse, temps, localisation géographique, etc.) et son environnement (pourcentage de pente, autres coureurs à proximité, etc.).
La petite reine est peut-être plus que centenaire mais les usages qui l’entourent sont eux bien de notre époque. Le Tour de France semble constituer à cet égard un formidable laboratoire des nouvelles expériences digitales dans le monde du sport!