Depuis quelques années, l’engouement autour de ce concept importé des États-Unis est impressionnant, y compris en France où des dizaines d’événements et de communautés dédiés au Growth Hacking ont vu le jour. Ce succès s’explique largement par la croissance exponentielle observée par certaines (rares) startups suite à la mise en place de techniques de Growth Hacking. Mais le Growth Hacking est-il véritablement nouveau ? Nous verrons dans cet article qu’il n’est pas révolutionnaire mais qu’il apporte de nouvelles perspectives intéressantes pour toutes les entreprises.
Le Growth Hacking, c’est quoi ? Un peu d’histoire…
Le terme Growth Hacker a été introduit pour la première fois en 2010 par Sean Ellis (ancien de Dropbox) dans son blog www.startup-marketing.com. Selon lui, le Growth Hacker et toutes les actions qu’il réalise sont conditionnés par un seul et unique objectif : la croissance ! « A Growth Hacker is a person whose true north is growth ». Le terme est ensuite démocratisé par Andrew Chen (Growth at Uber) andrewchen.co qui place le Growth Hacker au centre de la nouvelle organisation marketing des entreprises : « the Growth Hacker is the new VP Marketing ». Selon un article paru sur Techcrunch, le Growth Hacker se distingue par trois caractéristiques fondamentales : sa curiosité, sa créativité et son intérêt pour les données.
Mais qu’est-ce que le Growth Hacking ?
Il s’agit d’un ensemble de techniques webmarketing à effet de levier permettant à une entreprise (généralement une startup) d’atteindre rapidement un sentier de croissance. Le Growth Hacking comme le marketing traditionnel évolue entre plusieurs champs disciplinaires (la sociologie, la psychologie, la stratégie …) mais repose sur des outils d’analyse, l’automatisation des tâches et des indicateurs clés de performance. En cela, le Growth Hacking n’est pas nouveau ni révolutionnaire mais constitue plutôt une adaptation du marketing à l’ère du numérique et des outils digitaux. Il faut rappeler qu’à l’origine, le Growth Hacking est intimement lié au contexte des startups qui pour compenser leur manque de budget dédié au marketing ont misé sur des techniques créatives nécessitant peu d’investissement.
Le tunnel de conversion AARRR
En réalité, le Growth Hacking se distingue du marketing traditionnel car il repose sur un processus d’optimisation continue et une démarche empirique proche de celle que l’on pourrait retrouver dans les sciences, à l’image d’un mathématicien qui poserait d’innombrables équations avant de résoudre un problème. Le seul problème du Growth Hacker, c’est la croissance ! Afin d’atteindre cet objectif, il est nécessaire de comprendre le cycle de vie du client, comment un visiteur va se transformer en utilisateur puis en client. L’entonnoir de conversion (The Lean Marketing funnel) introduit en 2007 par Dave McClure (fondateur de 500 startups) présente les 5 étapes clés pour comprendre ce cycle :
L’acquisition : Trouver de nouveaux gisements
La première étape a pour objectif d’identifier des clients potentiels et de générer une traction minimale vers un site ou une application. Cette traction se fait généralement de deux manières : soit à partir d’une base de données clients soit à l’insu d’un autre réseau déjà bien établi, dont on « hack » l’audience à un instant T (par exemple Airbnb à partir de Craiglist). Une fois le bon canal trouvé, c’est comme pour un puits de pétrole, il faut l’exploiter jusqu’à saturation puis en trouver un nouveau. En cela, le Growth Hacking se distingue du marketing traditionnel car il ouvre le champ des possibles non seulement sur le choix des canaux mais aussi en faisant appel à l’imagination du Growth Hacker et sa capacité à déceler des opportunités. Un « hack » réussi permet d’itérer avec les premiers utilisateurs et de comprendre où se trouve la valeur du produit/service. Indicateurs clés de cette phase : le coût d’acquisition client, la valeur vie client.
L’activation : transformer l’essai
Cette seconde phase vise à convertir les visiteurs en utilisateurs. L’objectif est de trouver la bonne adéquation entre le produit et les visiteurs (product/market fit). Cette étape est ponctuée de multiples expérimentations visant à tester rapidement des hypothèses préalablement définies dans un tableau de bord. Des tests comparatifs (A/B testing, split tests) à partir de simples landing pages peuvent être très utiles pour tester différents designs et fonctionnalités sur des groupes d’utilisateurs présentant des caractéristiques socio-démographiques similaires (on parlera alors d’études de cohortes). L’idée est de faire des ajustements au fur et à mesure (exemple semaine 1, fonctionnalité 1, semaine 2, fonctionnalité 2). Cette phase s’accompagne d’itérations permanentes avec les premiers visiteurs afin de récolter un maximum de feedbacks. Une fois le product/market fit atteint, il faut envisager des moteurs d’acquisition scalables (à plus grande échelle) qui peuvent être payants ou gratuits (SEO, SEM, relation presse, emailing, content marketing, Facebook Ads, Adwords…). Indicateurs clés de cette phase : taux d’inscription, taux d’utilisateurs actifs.
La rétention : éviter le panier percé
Si des utilisateurs ne reviennent pas, le travail fourni aura perdu tout intérêt. La rétention des utilisateurs est la clé de voûte du Growth Hacking. La qualité de l’expérience utilisateur et un bon storytelling sont les premiers facteurs incitant les utilisateurs à revenir. Des actions complémentaires (notifications, newsletters, articles de blogs) peuvent inciter les utilisateurs à utiliser le produit/service dans la durée. Indicateurs clés : taux de rétention, taux d’engagement.
Le revenu : monétiser les efforts
Les clients utilisent le produit et perçoivent sa valeur, ils sont prêts à payer pour cela (abonnement, achat). La difficulté de cette étape est de trouver un business modèle durable et qui maximise le revenu moyen par utilisateur. Indicateurs clés : revenu moyen par utilisateur.
La recommandation : développer un moteur d’acquisition
Ici, il est question de transformer les utilisateurs en ambassadeurs du produit/service. Au-delà du classique bouche-à-oreille, plusieurs types d’actions permettent d’inciter les utilisateurs à partager leur expérience ou à parrainer de nouveaux membres (code promotionnel ou abonnement offert pour tout parrainage, call to action vers les réseaux sociaux…). Par exemple à ses débuts, Dropbox offrait 500 Mb supplémentaires à chaque personne recommandant un nouveau membre installant la solution. Un programme d’affiliation bien défini peut constituer un puissant levier d’acquisition. Indicateurs clés de cette phase : taux de recommandation.
3 exemples de Growth Hacking
Hotmail : le précurseur
Il s’agit du premier hack identifié. Nous sommes en 1996, Sabeer Bhatia et Jack Smith souhaitent lancer leur entreprise mais ils ne veulent pas que leur patron découvre leur projet. Ils développent alors un système d’échange d’emails : Hotmail. Les deux fondateurs lèvent 300 000 dollars et envisagent la réalisation de spots publicitaires pour la télévision mais un de leurs investisseurs leur conseille d’ajouter une mention à la fin de chaque email envoyé : « PS : I love you. Get your free email at Hotmail ». L’effet boule de neige est immédiat, d’une croissance faible, Hotmail atteint 1 million d’utilisateurs après seulement 6 mois.
Craiglist & Airbnb : le plus connu
Malgré un concept innovant, Airbnb a connu des débuts difficiles. Nous sommes en 2010 et la startup peine à générer du trafic vers sa plateforme. Second problème, les fondateurs ne disposent pas du capital nécessaire pour lancer une campagne de communication. Craiglist (l’équivalent du Bon Coin français) est alors le leader américain pour la recherche de petites annonces (logement, emplois Etc.), avec près de 10 millions d’utilisateurs actifs.
Fort de ce constat, l’équipe d’Airbnb décide de miser sur le Growth Hacking. Leur idée, créer une API (Application Programming Interface) permettant aux utilisateurs d’Airbnb de reposter automatiquement leur annonce sur Craiglist, bien évidemment sans l’accord de ce dernier.
Parallèlement, Airbnb décide de mettre à la disposition de ses utilisateurs des photographes professionnels pour valoriser leur annonce.
Le résultat ? Une croissance exponentielle qui permettra à Airbnb de décoller et de devenir la licorne (startup valorisée à plus d’1 milliard de dollars) qu’on connaît aujourd’hui.
Des enseignements pour les grands groupes
Même si le Growth Hacking s’applique particulièrement sur des marchés ex nihilo, les grands groupes peuvent tout à fait inscrire une telle démarche dans leur organisation afin de :
- Mieux comprendre le cycle de vie du client et optimiser toutes les phases du Lean Marketing Funnel, au-delà des 3 étapes sur lesquelles se concentrent trop souvent les entreprises à savoir l’acquisition, l’activation et le revenu
- Améliorer la rétention, la recommandation et driver les utilisateurs d’une phase à une autre
- Accroître la durée de vie d’un client pour un produit ou un service
- Créer une unité spéciale (Growth team) indépendante au sein de leur département marketing en regroupant des profils variés (développeurs, chefs de produit, marketers, data scientists) et supprimer les frontières entre les différents pôles
- Mener rapidement des micro-expérimentations et obtenir des résultats sur le court terme, par exemple dans le cadre du lancement d’un nouveau produit/service sur un nouveau marché
- Mesurer de façon précise l’efficacité d’un nouveau produit/service
- Envisager tous les canaux d’acquisition possibles et trouver de nouveaux relais de croissance au-delà des canaux d’acquisition traditionnels
- Sortir des sentiers battus et encourager la créativité dans l’entreprise
- Mettre en place de nouveaux outils (cf. quelques outils du Growth Hacker) et de nouvelles méthodes de test permettant d’automatiser les tâches et de gagner en productivité
- Réduire les coûts des campagnes de communication traditionnelles grâce à des techniques astucieuses
- Créer un moteur de croissance auto-entretenu et une viralité à l’intérieur même du produit
- Se différencier en créant une stratégie digitale unique et adaptée au contexte de l’entreprise
Quelques outils du Growth Hacker
Le Growth Hacker dispose d’une batterie d’outils applicables durant toute l’évolution du cycle de vie client. Mixpanel et Hotjar sont des solutions très performantes et adaptées pour des analyses statistiques poussées et plus complexes que celles que pourrait offrir Google Analytics. Durant la recherche de l’équation entre le produit et son marché, Optimezely ou Unbounce seront très utiles, notamment pour des A/B testing. Pour sonder les premiers clients, la mise en place de questionnaires est souvent indispensable. Typerform permet de créer des facilement des questionnaires. Ces outils peuvent compléter par Intercom est sa solution de chat très intuitive.
Vous l’aurez compris, le Growth Hacking n’est pas nouveau en soi et emprunte de nombreux éléments au marketing traditionnel mais il apporte de nouvelles perspectives et des outils innovants pour la stratégie digitale de toutes les entreprises, y compris les grands groupes.