Pourquoi Google met fin à son idylle avec les robots de Boston Dynamics

Google abandonnerait-il l’idée d’être le pionnier dans le développement d’une nouvelle génération de robots humanoïdes ? Bloomberg vient en effet de révéler qu’Alphabet, la maison mère de Google, allait mettre en vente Boston Dynamics, une entreprise spécialisée dans la conception de robots parmi les plus évolués. Cette entreprise est le symbole d’une vague d’acquisitions de 8 start-up spécialisées dans la robotique en 2013, preuve des ambitions du groupe. On peut citer par exemple Schaft, une entité composée de scientifiques ayant quitté l’université de Tokyo pour développer un robot humanoïde. Ou Bot & Dolly qui développe des systèmes de caméras robotisées, utilisées pour créer des effets spéciaux dans les films comme par exemple « Gravity ». Boston Dynamics, fondée en 1992 par un professeur du Massachusetts Institute of Technology (MIT), était alors acquis pour 500 millions de dollars (411 millions d’euros) et voyait ses 300 ingénieurs intégrés au sein du groupe aux multiples activités.

Alphabet

 

Des relations compliquées

La vague d’acquisition est suivie par la création d’une division robotique nommée Replicant dirigée par Andy Rubin, le créateur du système d’exploitation Android et l’un des ingénieurs clés du groupe. Toutes les entités récemment acquises y sont intégrées à l’exception de Boston Dynamics. Cette dernière reste autonome, conserve ses locaux à Boston, loin des équipes de Californie et de Tokyo. Les ingénieurs de Boston Dynamics n’ont en effet jamais voulu collaborer avec les autres équipes. Ils voulaient poursuivre leurs projets en suivant leur propre vision, sans interférence. C’est le point de départ de nombreuses tensions et dysfonctionnements pour la nouvelle division robotique d’Alphabet.

Le départ en novembre 2014 d’Andy Rubin, parti lancé son incubateur de start-up, et qui fut à l’origine de l’acquisition de Boston Dynamics ne fait qu’empirer la situation. D’autant plus qu’il n’a jamais été réellement remplacé à la tête de Replicant. C’est ainsi que la division est rattachée en Décembre 2015 à Google X, le laboratoire des projets de rupture du groupe. C’est là qu’est prise la décision de se séparer de la start-up originaire de Boston. Depuis, les ingénieurs de Replicant se sont vus signaler qu’ils seraient redirigés sur d’autres projets si la direction jugeait que la robotique ne répondait pas aux problématiques liées au groupe. Ce qui apparaît aujourd’hui fort probable.

Un revirement stratégique ?

Au-delà de cette collaboration compliquée au sein de la division robotique, la décision de se séparer de son porte étendard robotique met en avant un revirement stratégique en cours chez Alphabet. En effet depuis la nomination de Ruth Porat au poste de directrice financière du groupe en mars 2015, on assiste à une volonté de rationaliser les investissements d’Alphabet.  Elle a annoncé en juillet, à l’occasion de la publication des résultats du deuxième trimestre du groupe, une décision importante: un contrôle accru des dépenses, qui ont progressées plus rapidement sur l’exercice (23%) que la hausse du chiffre d’affaires (18%), entraînant une baisse de la marge opérationnelle. Elle vise en particulier les dépenses en R&D, en hausse de 38%.

Elle évoque une « priorisation » des investissements vers des secteurs ayant des revenus potentiels à plus court termes. Le marché de la robotique va connaître une croissance importante dans les années à venir. Tous secteurs confondus, il est estimé à 83 milliards de dollars en 2020 par Allied Market Research. Mais la direction du groupe estime qu’il faudra trop de temps  avant de commercialiser une première version de robot. Et que celle-ci ne répondrait qu’à une partie d’un marché hétérogène.

Il y a aussi une réelle volonté de véhiculer une image positive du groupe. Or la vidéo dévoilée le mois dernier montrant le dernier prototype du robot humanoïde Atlas fait débat. Il est capable de marcher seul, d’ouvrir des portes, de soulever des paquets, de résister à une personne qui le pousse, de se relever seul après une chute. Il est aussi intelligent: il sait s’adapter par exemple lorsque le paquet qu’il doit soulever est volontairement déplacé. Visionnée plus de 15 millions de fois sur YouTube, la vidéo de présentgoogle-boston-dynamics-big-dogation a ravivé les inquiétudes suscitées par les récents progrès de la robotique. Entraînant un buzz négatif pour le groupe sur les réseaux sociaux. Des emails récemment rendus publics montrent qu’au sein même d’Alphabet, certains ont peur de ce que produit Boston Dynamics. Mais aussi de l’impact que cela peut avoir sur l’image du groupe et le reste de ses activités.

La vente de Boston Dynamics apparaît donc comme la meilleure solution pour le groupe. D’importants investissements seront évités dans un projet dont le potentiel commercial apparaît incertain pour une grande partie de la direction. Les tensions avec le reste du groupe prendront fin tout en montrant une volonté de s’éloigner de projets menaçant l’Homme et son travail. C’est d’autant plus vrai que Boston Dynamics a travaillé sur plusieurs projets pour l’armée Américaine. Ce qui n’est pas la meilleure publicité pour le groupe dont la devise est « Don’t be evil » (Ne soyez pas malveillant). Autant de facteurs qui rassureront les investisseurs et les équipes de l’ensemble du groupe.

Quel futur pour Boston Dynamics et Replicant ?

D’après Bloomberg, plusieurs repreneurs potentiels se seraient déjà manifestés. Sont cités Toyota, qui dispose d’une division de recherche sur la robotique et Amazon, qui cherche à automatiser la gestion de ses entrepôts à travers le monde. Cette dernière possibilité apparaît d’autant plus crédible qu’Amazon lorgnait déjà sur un certain nombre de start-up spécialisées dans la robotique avant la vague d’acquisitions d’Alphabet. Concernant Replicant, il est difficile de savoir quels sont les plans du groupe. On peut imaginer que la cession de Boston Dynamics n’est que la première phase de l’abandon de la division robotique. Ce que des rumeurs annoncent comme déjà acté.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *