Alors que l’industrie et les activités humaines bouleversent le climat, la COP21, qui se tient actuellement à Paris, mobilise les États afin de construire une réflexion collective. Mais au-delà de la sphère politique, les entreprises ont un rôle majeur à jouer, via la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE). Or, le digital est devenu un incontournable de la stratégie de développement durable de nombreuses entreprises. Elle permettrait la création et l’utilisation de nouveaux produits et services plus responsables ainsi que leur valorisation sur les médias sociaux. Le digital permettrait également de faciliter la participation des parties prenantes à la stratégie écoresponsable des entreprises. Qu’en est-il réellement ?
Le digital au service du développement durable
De nombreuses entreprises appréhendent le développement durable comme un gage de croissance durable et de performance. Elles cherchent à intégrer des préoccupations environnementales, sociales et économiques dans leur stratégie globale et leurs interactions avec l’ensemble de leur écosystème : clients, fournisseurs, collaborateurs ou encore collectivités territoriales. Le digital permet notamment de concevoir des systèmes améliorant la gestion de l’énergie, des ressources et du transport.
Le big data peut apporter une meilleure gestion de l’énergie et des ressources. Les projets Smart Grid utilisant les technologies du digital dans les réseaux de distribution d’électricité permettent d’économiser l’énergie. Veolia et IBM mènent actuellement un projet sur le smart water pour rendre la gestion de l’eau plus intelligente, être assuré d’être approvisionné et éviter le gaspillage. Le pilotage en temps réel du réseau grâce aux compteurs intelligents ainsi qu’aux capteurs de mesure du débit et de qualité de l’eau peut notamment réduire le taux de fuite, accélérer les interventions et réaliser des gains d’exploitation.
En agriculture, les drones par exemple, peuvent permettre aux agriculteurs de mieux cartographier les parcelles et ainsi savoir avec précision quels endroits ont besoin d’eau ou d’azote. Des logiciels utilisent les données sur le climat, de contrôle des récoltes, les prévisions saisonnières et les spécificités locales afin d’obtenir un meilleur rendement de façon durable. En combinant les images satellites, l’Open Data et le Crowdsourcing, des systèmes de surveillances des forêts permettent d’obtenir des données sur la déforestation, ses impacts sur le climat et ainsi de prendre des décisions réfléchies et durables.
Le transport et la desserte de marchandises sont deux domaines dans lesquels le digital apporte de la valeur ajoutée. À Lyon, le projet Optimod’Lyon a lancé récemment une application mobile unique qui permet de calculer son déplacement en temps réel quels que soient les modes de transport utilisés. Cette plate-forme de prédiction de trafic fonctionne grâce à des capteurs disposés dans toute l’agglomération. Les utilisateurs peuvent choisir le mode de transport le plus efficace pour se rendre d’un point à un autre. Une entreprise de livraison peut ainsi varier ses itinéraires en fonction des embouteillages et ainsi gagner en temps, en argent et en limitant leur impact environnemental. L’impression 3D industrielle peut également réduire les coûts et l’empreinte carbone dus au transport et à la réduction des déchets. L’assemblage d’un produit fini rassemble des pièces issues de plusieurs pays ou régions, il est plus facile d’imprimer sur place les éléments nécessaires issus d’objets numériques. L’impression 3D apparait comme une diversification à fort potentiel par exemple pour les services postaux. Le groupe UPS propose aujourd’hui son service d’impression 3D dans une centaine de boutiques aux États-Unis après une campagne de test de plus d’un an.
Humainement parlant, de nombreuses applications ont pour objectifs d’améliorer la qualité de vie des individus. Le digital est un secteur porteur dans le recrutement des personnes handicapées. RogerVoice entend offrir davantage d’autonomie aux malentendants grâce à une application permettant de sous-titrer automatiquement les conversations téléphoniques. Autant d’exemples qui montrent qu’aujourd’hui, les avancées digitales soutiennent le développement durable et responsable.
Développement durable : un enjeu pour l’e-réputation d’une entreprise ?
Les parties prenantes sont sensibles et s’engagent auprès des entreprises les plus responsables. Ces dernières les informent et les sensibilisent via des sites dédiés et des périodiques d’informations. De nombreuses d’entreprises utilisent aujourd’hui les outils du numérique pour communiquer sur leur stratégie RSE. Mais avec 45% de la population française active sur les réseaux sociaux en 2015 (29% dans le monde), elles doivent y intégrer les parties prenantes du web et des médias sociaux par une écoute et un dialogue.
Près de 8 Français sur 10 disent chercher davantage à connaître l’origine d’un produit alimentaire avant de l’acheter qu’il y a 5 ans (77%) et près d’un Français sur deux (47%) se renseigne sur Internet avant d’acheter un article en magasin, selon un sondage Ipsos. 85% des consommateurs français ont fait un achat lié à une bonne cause, 78% ont acheté un produit avec un bénéfice environnemental, 58% ont boycotté une entreprise après avoir su qu’elle n’était pas responsable en 2013 d’après l’agence Comeen. Aussi, la transparence est le 3ème critère d’achat (51%) après la meilleure qualité (60%) et un prix similaire (71%).
Le scandale de la viande de cheval qui a éclaté en janvier 2013 a provoqué un important bad buzz : partage de memes et faux compte Twitter de Findus (à défaut de compte officiel) repris par des médias influents. Faute à la transparence et à la gestion des médias sociaux, Findus a observé une baisse de 30% de ventes sur ses plats cuisinés trois mois plus tard. Le scandale aurait-il pris des proportions aussi gigantesques si Findus avait eu une meilleure stratégie digitale ?
Autre cas, celui de LEGO, reconnu comme étant une entreprise engagée pour l’environnement, mais qui s’est associée à Shell pour la fabrication de ses figurines en plastique nécessitant du pétrole. LEGO trahit ses engagements, son éthique et ses exigences avec ce partenariat selon Greenpeace qui n’hésite pas à lancer une campagne contre le fabricant de jouets : envoi de mails aux dirigeants de LEGO, pétition en ligne et vidéo publiée sur YouTube.
Cette campagne s’est rapidement propagée sur les réseaux sociaux et a reçu le soutien des internautes.
Les salariés sont tout autant sensibles à la stratégie RSE de leur société. 44% d’entre eux sont prêts à accepter un salaire inférieur pour travailler dans une entreprise responsable et 22% des candidats utilisent les réseaux sociaux pour faire leur choix de carrière selon Comeen. La bonne gestion des réseaux sociaux par les entreprises est donc essentielle dans la mise en œuvre de leur stratégie RSE.
Quand les parties prenantes deviennent actrices de la stratégie RSE grâce au digital
Certaines entreprises vont plus loin et encouragent ses parties prenantes à devenir acteurs de leur stratégie de développement durable.
Les marques trouvent le moyen d’impliquer les consommateurs grâce au web. Ikea a créé un site internet sur lequel ses clients peuvent vendre leurs meubles Ikea usagés, de même qu’une campagne de publicité dédiée spécifiquement au marché de l’occasion en 2013. Dell construit sa stratégie environnementale en organisant des Customer Advisory Panel, des ateliers avec des influenceurs, blogueurs et consommateurs qui ont permis d’obtenir une couverture presse et médias sociaux au sujet des dernières innovations en faveur du développement durable de la marque. Un réseau social permet de mettre en relation organisations et détenteurs de projets sociaux, environnementaux ou sociétaux : Neighbourly. Disponible qu’en Angleterre pour le moment, des communautés entrent en contact avec des entreprises qui peuvent apporter des fonds ou des bénévoles à leur projet. Neigbourly a attiré plus de 200 projets et a permis d’engager plus de 1,8 million de livres sterling grâce aux médias sociaux et au bouche à oreille. Des entreprises comme Starbucks, Mark & Spencer, Carphone Warehouse et Mazars UK ont déjà rejoint la plateforme.
De plus en plus d’entreprises permettent à leurs salariés de soutenir l’effort RSE en participant à des réflexions collectives sur le développement durable, en réduisant les impressions, recyclant les matériels et consommables informatiques, optant pour le télétravail, la visioconférence ou en utilisant le service de covoiturage de l’entreprise. Ils peuvent aussi suivre les indicateurs de développement durable de leur entreprise via le système d’information développement durable (SIDD). Le digital permet de sensibiliser et fédérer les citoyens autour du développement durable, utile en temps de crise ou celui-ci est relégué au second plan.
Les nouveaux outils du numérique semblent aller de pair avec le développement durable et profitent à l’entreprise : réductions des coûts, création de nouveaux services, amélioration des ventes, fidélisation et reconquête d’image. Mais la digitalisation dans l’entreprise pose la question de la protection des données personnelles comme celles issues des dispositifs de géolocalisation ou de biométrie. De plus, digital ne rime pas toujours avec environnemental : fabrication polluante des équipements, cycles de vie courts (obsolescence programmée), déchets électroniques difficilement recyclables (e-waste), consommation électrique non négligeable… Des efforts restent encore à fournir en termes de Green IT. Attention également à l’effet rebond ou paradoxe de Jevons : « plus les améliorations technologiques augmentent l’efficacité avec laquelle une ressource est employée, plus la consommation totale de cette ressource aura tendance à augmenter, au lieu de diminuer ».
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