Vous souvenez-vous de ça ?
Minority Report, ce film de Spielberg qui a fait du tactile sans écran un doux rêve lointain, vient potentiellement d’être rattrapé par le présent. Burton Inc, une entreprise japonaise vient de présenter une nouvelle technologie issue d’un premier prototype : l’Aerial Burton capable depuis 2011 d’afficher des formes 3D dans les airs, permet désormais d’interagir avec ces fameuses formes, créant ainsi un écran tactile…sans écran. Un projet digne des meilleurs films de science-fiction qui prend vie, cela ne peut qu’attiser la curiosité.
L’écran tactile : une invention quadragénaire qui repousse sans cesse ses limites
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’écran tactile (physique) n’est pas si jeune car sa première apparition remonte à 1972. IBM présente alors le « PLATO IV », un ordinateur équipé d’un dispositif optique de reconnaissance du toucher à l’écran, bien loin de Tom Cruise en 2002 mais néanmoins avant-gardiste.
Mais comme le disait Albert Einstein « Je ne m’inquiète jamais de l’avenir. Il arrive bien assez tôt.». Cette citation décrit parfaitement notre époque qui révèle sans cesse des surprises face à de telles innovations. En effet un groupe de chercheurs japonais a mis au point en 2011 un laser ultra perfectionné capable de projeter des motifs en trois dimensions n’importe où. Son directeur de recherche, Akira Asano explique que la vraie plus-value sur les technologies actuelles « réside dans l’absence totale d’écran. En effet, il s’agit actuellement du seul appareil permettant de projeter des formes en 3D dans les airs sans utiliser un écran. ».
Il existe désormais d’autres procédés permettant la même prouesse. Par exemple la Brigham Young University collabore avec le MIT pour mettre au point un hologramme vidéo, en utilisant des ondes acoustiques qui séparent les fréquences de couleurs de façon inoffensive pour l’œil humain. Des chercheurs de l’université de Bristol ont quant à eux créé des hologrammes pouvant être vus et touchés via des ultrasons. C’est d’ailleurs bien cette dernière caractéristique qui suscite l’intérêt : le tactile.
L’hologramme selon Burton Inc
Mais essayons tout d’abord de comprendre comment fonctionne l’aspect visuel de cet Aerial Burton d’un point de vue technique :
Un laser envoie des impulsions infrarouges de 1kHZ par réflexion dans un scanner 3D qui réfléchit, grâce à des rotations, le faisceau laser en l’orientant vers un point focal très précis. À la sortie du laser, les molécules s’ionisent et relâchent leur énergie sous forme de photons, d’où la lueur permettant la création des fameuses formes visibles dans l’air (on appelle d’ailleurs ces « pixels 3D » des voxels). Cette énergie créée étant extrêmement éphémère, il faut « pulser » continuellement de nouveaux faisceaux lasers pour maintenir l’illusion d’un seul et même point lumineux. Pour les experts, la méthode est basée sur la spectrométrie par torche à plasma. Le résultat en est bluffant :
Bien que ces images tiennent presque de la magie, ce n’est pas l’affichage de celle-ci qui marque une révolution mais bien le caractère haptique de ces formes.
Voici comment cela fonctionne : l’appareil, doté d’une caméra, se sert de la surbrillance des salves de plasma au toucher (voir vidéo ci-dessous) pour reprogrammer le système afin d’afficher une nouvelle image quand le faisceau rencontre un élément physique. Les expérimentateurs précisent que la sensation de toucher est réelle, comme une impulsion électrique, ou l’impression de contact avec du papier.
On comprend aisément que ces perturbations physiques pourraient donner lieu à des actions, comme sur les écrans tactiles actuels.
Il est à noter que pour éviter tout incident, l’appareil est programmé pour que ces « voxels » s’éteignent plus vite que la vitesse à laquelle la peau pourrait subir des dommages.
En effet, un problème résidait dans les premiers prototypes de la firme. On pourrait l’illustrer par une autre référence cinématographique : le sabre laser. Ce dernier n’est pas destiné à afficher quoique ce soit mais bien à trancher tout ce qui se trouve sur son passage grâce à une chaleur exponentielle. Tout comme les sabres laser, les premiers prototypes de Burton étaient capables de couper du cuir. Afin d’éviter cet effet indésirable pour des objets tactiles, les chercheurs japonais ont donc pensé à multiplier la vitesse d’impulsion des lasers, en passant de la nano à la femtoseconde, soit 10-15 seconde. Ainsi grâce à leur fréquence très élevée, les salves de plasma contiennent moins d’énergie et peuvent être manipulées sans risquer une quelconque brûlure.
Une innovation de rupture qui a de l’avenir
Cette innovation de rupture questionne sur les futures utilisations et Burton Inc a déjà son idée : il s’agirait « d’un produit destiné à être commercialisé et transporté en voiture afin que chaque utilisateur puisse transporter ce projecteur 3D et s’en servir en cas de besoin ». L’Aerial Burton serait donc principalement destiné aux messages d’urgence, notamment durant les tsunamis, fréquents au Japon, car « ainsi, dans un tel contexte, il apparaît plus simple de dispenser des informations directement dans les airs ».
Nous sommes pourtant en droit d’espérer de potentielles utilisations bien au-delà d’un simple affichage car Burton Inc ne parle pas d’usages exploitant le tactile, pourtant l’une des caractéristiques phares de leur technologie. On peut imaginer que les marchés du divertissement ou de la publicité, pour ne citer qu’eux, puissent être relativement intéressés par un tel objet.