Le 10 Août 2015, New York, bourse de Wall Street, 23 h précise, une déflagration médiatique : à la surprise générale, Larry Page, PDG et co-fondateur de Google, lance Alphabet, la nouvelle maison-mère de Google.
Pour changer le monde, la firme de Mountain View évolue.
La naissance d’Alphabet n’est pas qu’une simple opération marketing. C’est une réelle restructuration qui reflète des décisions boursières, financières et organisationnelles stratégiques.
O… pour « Organization »
Bien avant cette annonce, Google était déjà bien plus que le moteur de recherche créeé en 1998. La firme avait investi des marchés avec des écosystèmes et des technologies différentes. Elle avait des filiales et des intérêts dans une myriade de sociétés travaillant parfois sur des projets futuristes…
Avec la restructuration, le géant du Net tel que nous le connaissons continuera d’exister, mais ne sera plus qu’une « lettre » d’un « Alphabet » plus global.
G is for Google… les activités « vaches à lait », considérées comme « cœur de métier » :
Les autres activités deviennent des filiales distinctes sous Alphabet, une holding tentaculaire qui opère bien au-delà du seul scope du moteur de recherche historique :
- Calico (entreprise spécialisée dans les biotechnologies)
- Fiber (opérateur mobile virtuel)
- Nest (entreprise spécialisée dans la domotique, les thermostats et d’autres produits liés à la maison connectée)
- Ventures and Capital (pour l’investissement dans différentes start up)
- X lab dit aussi Google X (incubateur et laboratoire de recherche énigmatique dédié à des idées révolutionnaires- lunettes connectées à destination du grand public (Google Glass), lentilles de contact estampillées « santé » (Smart contact lenses), livraison par drones (Projet Wing), voitures autonomes (GoogleCar)…)
La nouvelle organisation permettra une plus grande agilité à Alphabet si l’une des activités est à la traîne. Sa structure assurera la flexibilité nécessaire pour intégrer la dite activité à une entité existante ou, au contraire, lui attribuer une nouvelle « lettre de l’alphabet » en en faisant une entité indépendante à redresser.
Jusqu’à présent, Google a toujours véhiculé une forte culture d’entreprise. Ses activités s’étendant à diverses des domaines qui impactent le monde physique, voire qui touchent à l’humain, il devenait difficile de maintenir une culture d’entreprise unique.
La structure en « alphabet » porte ainsi en elle une promesse supplémentaire : celle d’un fief indépendant qui préserve les cultures d’entreprise pré existantes.
Imaginons, qu’Alphabet envisage de poursuivre la politique de croissance externe entamée par Google, à travers des acquisitions à plusieurs zéros. La holding permettra alors de garantir aux sociétés acquises et à leurs employés une quasi autonomie et le maintien de leurs identités propres.
M … pour « Money »
À y regarder de plus près, l’annonce est également positive pour les détenteurs d’actions Google – devenues actions Alphabet :
Avec cette nouvelle structure, les résultats financiers des firmes « historiques », à haut profit, seront pilotés séparément de ceux des entreprises moins rentables d’Alphabet. Ainsi, le retard de celles-ci sera dilué dans le succès de celles plus riches.
Cette distinction limitera donc la chute éventuelle du prix des actions dû aux résultats des « moonshot projects » qui n’attendront la rentabilité que quelques années plus tard.
La nouvelle directrice financière Ruth Porat, en poste depuis mai 2015, n’est probablement pas étrangère à ces changements.
H …pour « Human ressources »
Certains, parmi les jeunes cadres brillants et bien formés de Google, commençaient à se sentir à l’étroit dans la structure pyramidale, plafonnée par la présence des deux fondateurs à sa tête.
En conséquence, ces derniers mois, l’entreprise a connu une quasi fuite des cerveaux. Plusieurs membres de son exécutif ont été débauchés par des entreprises technologiques comme Facebook, Uber, SoftBank ou encore Dropbox.
En créant un portefeuille d’entreprises indépendantes, Google va pouvoir élargir le champ des possibles pour ses cadres-dirigeants. La perspective d’un poste de PDG devrait remotiver les troupes mais aussi attirer de nouveaux talents.
La nomination de Sundar Pichai, jusque-là responsable Google Maps, Search, Google+, R&D, services publicitaires, commerciaux et infrastructure et directeur d’Android, au poste de CEO de Google illustre bien cette nouvelle politique RH.
Alphabet simplement le commencement ?
Les premiers projets d’envergure comparables à Alphabet datent des années 1980. Le mouvement cyberpunk de William Gibson, auteur de science-fiction, décrivait déjà un futur dominé par des multinationales dont les produits envahissent la vie quotidienne.
Google – pardon, Alphabet – incarnerait-il, 30 ans plus tard, ces conglomérats omniprésents ? Faut-il se méfier de ce géant devenu quasi- incontournable dans des secteurs entiers de l’économie de plusieurs pays ?
Dérivé du grec ancien, l’alphabet évoquait pour tous, jusqu’à présent un ensemble de symboles destiné à représenter les phonèmes d’une langue. Pour les générations futures, peut-être qu’alphabet sera le conglomérat qui nous a mené vers le point de singularité … L’avenir nous le dira.