Ce week-end sur le magnifique domaine de Chambord se tenait la seconde édition de l’Échappée Volée. Cette année l’événement a abordé les défis de la Renaissance Digitale en proposant d’un côté une série de courtes conférences très proches de TEDtalk (qui fait d’ailleurs partie des sponsors), et de l’autre, une sélection de start-ups qui présentent leurs projets innovants dans un vaste salon à l’intérieur même du château.
DigitalCorner a répondu présent à cette nouvelle édition, et une chose est sûre : nous en avons pris plein les yeux, et plein les oreilles. Le choix du château de Chambord, incarnation de la Renaissance, comme cadre pour ces conférences sur la Renaissance Digitale est déjà en soi une association qui fonctionne à merveille. Dans le château, autour du célèbre escalier à double révolution de De Vinci, sont exposés des dizaines de projets étudiants ou de start-ups, tout aussi innovants.
Enfin, loin de tomber dans les écueils de l’optimisme technologique poussé à l’extrême, la programmation de l’Échappée Volée 2015 alterne avec brio les chantres des NBIC vantant les mérites des nouvelles technologies, avec des scientifiques, journalistes ou philosophes nuançant cet enthousiasme, souvent avec humour, en parlant des risques et des questions que cette Renaissance Digitale soulève.
Retour sur une série de rencontres hors du commun.
Salim Ismail – Pourquoi la Loi de Moore devrait nous rendre techno-enthousiasme
Salim Ismail, ancien vice-président de Yahoo!, est désormais directeur exécutif de la Singularity University
Dans une société où les grandes entreprises, l’industrie, les institutions ou les politiques s’acharnent à maintenir les modèles d’hier, la révolution digitale offre pourtant son lot d’espoirs pour les années à venir à travers 4 grands axes : la Digitalisation, la Disruption, la Démonétisation et la Démocratisation. En filigrane de ces tendances, l’éternelle Loi de Moore est à l’action :
- Les drones doublent leur capacité de levage tous les 9 mois : Amazon et la Poste Suisse mènent de plus en plus d’essais concluants. C’est sans doute une des meilleures pistes pour pouvoir approvisionner demain les populations reculées
- Les objets connectés à Internet : 11 milliards aujourd’hui, 1000 milliards en 2020. Pourra-t-on alors encore parler de fracture numérique?
- L’intelligence artificielle sera demain capable d’effectuer un meilleur diagnostic que 10 médecins réunis. C’est du moins le but fixé par le prix Tricorder Xprize, qui récompensera la première application mobile capable de remplir ce défi, avec un prix de 10 millions de dollars, une récompense finalement modeste face aux enjeux médicaux énormes pour les pays où l’accès au soin est délicat.
- L’énergie solaire voit son coût de production s’effondrer, et sa production doubler tous les 20 mois: l’environnement appréciera, les pays détenteurs des grandes réserves de ressources fossiles un peu moins.
- etc.
La « singularité » causée par l’invention de l’imprimerie au XVème siècle a eu des impacts énormes sur tous les pans de la société de l’époque. Ce sont aujourd’hui non pas une, mais plus d’une vingtaine de singularités digitales qui nous arrivent presque simultanément, avec un impact potentiel sur le Monde jusqu’alors inédit.
Hugues Bersini – Que sommes-nous prêts à déléguer aux intelligences artificielles ?
Hugues Bersini est professeur à l’Université de Bruxelles, et co-directeur du laboratoire IRIDIA.
Grande référence dans le domaine de l’intelligence artificielle, le test de Turing consiste à confronter une IA à un humain dans une discussion en aveugle. Le test est réussi si l’humain ne se doute pas à la fin du test que son interlocuteur était un ordinateur. Ce test a déjà été déjoué par plusieurs projets (comme ELIZA ou le test de la Chambre chinoise). Aujourd’hui la plupart des IA performantes reposent sur une accumulation, souvent titanesque, d’informations et de modèles, par exemple :
- Google Traduction s’appuie sur l’ensemble des traductions trouvées sur Internet
- La Google Car s’appuie sur une base de données d’enregistrement de comportements de vrais conducteurs
Cette accumulation de modèles est d’autant plus facile avec l’avènement du Big Data. Mais lorsque la machine rencontrera une situation inconnue, qu’arrivera-t-il alors?
Face à cette IA qui performe, l’IA qui comprend, comme le Deep Learning. Cette IA est capable d’apprendre de ses erreurs et d’évoluer par elle-même, en s’appuyant sur des modèles mais aussi sur sa propre expérience.
Dans un cas comme dans l’autre, sommes-nous prêts à confier à ces machines une capacité de décision propre, par exemple pour tuer dans le cas des drones militaires, tout en sachant qu’on ne sera nous-même pas forcément capable de comprendre pourquoi la machine prendra une telle décision?
Stéphanie Nair – La Rochelle, Silicon Valley du transport urbain français
Stéphanie Nair est responsable Projet au Service Mobilité et Transports de la Communauté d’Agglomération de la Rochelle
C’est à La Rochelle qu’ont vu le jour les premiers projets de transports urbains en libre service, précurseurs du Vélib ou de l’Autolib parisiens. Dans sa lancée, la ville a lancé le projet CityMobil2, l’innovant programme de bus autonomes électriques et sans rail.
Initialement, un vrai conducteur était au commande du bus de 5 m de long et 1,5 m de large capable d’embarquer huit personnes à une vitesse de 15 à 20 km/h. L’ordinateur de bord a alors accumulé toutes les informations relatives aux parcours réalisés, pour ensuite les reproduire au centimètre près en pilotant le bus en mode autonome, le tout en étant capable d’éviter de soi-même les collisions.
Rapidement les trois objectifs du projet furent remplis lors des phases de tests :
- Approuver la robustesse du véhicule en situation réelle
- Etre adopté par les riverains
- Entamer les démarches légales pour accélérer le développement des véhicules autonomes en France
Aujourd’hui, de nombreux pays comme le Japon, Singapour ou les USA s’intéressent de près au projet. Mais en France, l’évolution de la législation à ce sujet reste lente.
Stanislaw OSTOJA-STARZEWSKI – Les nano-satellites, remède à la fracture numérique
Stanislaw OSTOJA-STARZEWSKI est président de la start-up Nova Nano.
Aujourd’hui, les deux tiers de la population mondiale luttent pour avoir accès à Internet, leurs pays ne bénéficiant pas des infrastructures dont disposent les pays industrialisés. Et évidemment, le pouvoir d’achat des populations vivant dans ces zones blanches, n’est pas assez intéressant pour justifier des investissements de la part des opérateurs.
La seule solution pour eux est la connexion par satellite, classique mais néanmoins très chère : ces satellites sont d’une part extrêmement volumineux et donc coûteux à mettre en orbite, et ont d’autre part un cycle de vie de 15 ans ce qui les rend bien vite obsolètes face à l’évolution rapide de ces technologies.
NovaNano a néanmoins une solution pour faire bouger les lignes : les nano-satellites. Déjà testés dans l’espace en 2013, ils sont plus petits, moins chers, et avec un cycle de vie de seulement 3 ans, ils peuvent être remplacés régulièrement par des versions constamment améliorées. 64 nano-satellites en orbite en simultané couvrant chacun 1500km², permettraient de couvrir la planète.
L’intérêt n’est pas de fournir un accès permanent avec une forte bande passante, mais plutôt d’offrir une connexion temporaire mais régulière avec une flotte réduite de nano-satellites dédiée à une entreprise ou une collectivité. Par exemple, cela permettrait de suivre la position d’une flotte de camions ou de bateaux en synchronisant régulièrement un boîtier à bord avec le satellite de passage. Ce système permettrait aussi d’éviter de perdre des avions en vol, problématique plus que jamais d’actualité ces dernières années.
Retrouvez la suite de notre série d’articles sur l’Échappée Volée 2015: au programme, des nano-robots révolutionnaires, du Big Data ou encore l’épineuse question de la protection des données personnelles…