L’open innovation : oui, mais comment ?

Avec des frontières entre l’entreprise et son écosystème de plus en plus poreuses, la tendance pour l’innovation est à l’ouverture avec  l’open innovation. Selon une étude commanditée par la Commission européenne, l’open innovation peut être définie comme : “La recherche d’information/connaissance à l’extérieur, la sous-traitance des efforts de recherche et d’innovation auprès de tiers (recherche contractuelle, notamment), les collaborations directes et la commercialisation externe ». Dans un précédent article , nous avions identifié quels était les 7 leviers incontournables de l’open innovation, mais surtout nous avions démontré que le savoir n’était pas uniquement en interne, qu’il fallait tirer parti d’échanges et de collaborations dans l’écosystème à chaque instant.

Il existe principalement deux formes d’open innovation  : l’Outside-in, qui apporte des connaissances externes à l’entreprise et l’Inside-out, dans laquelle l’entreprise propose ses connaissances internes à l’externe. Le but, rappelons-le, est d’innover plus vite, à moindre coût en mutualisant les expertises et les savoir-faire. Cette mutualisation peut se faire avec différents acteurs et avec des degrés d’ouverture plus ou moins forts.

Mais concrètement, comment met-on en place cette démarche d’open innovation et des collaborations avec son écosystème ?

Co-innover avec ses concurrents et partenaires : de multiples moyens

Business people joining handsIl est bien entendu possible de créer des alliances avec ses partenaires, mais  aussi avec ses concurrents. Co-innover avec ses concurrents n’est pas une absurdité. Cela permet de résoudre des problématiques communes, créant une base de standards sur laquelle chacun s’appuie pour créer sa valeur ajoutée. Ces collaborations inter-entreprises permettent de créer de véritables synergies qui profitent à l’ensemble des parties impliquées.

Ainsi, les  research joint-ventures, créent des partenariats technologiques entre entreprises innovantes qui partagent alors leurs compétences, leurs risques et leurs coûts. Dans ses collaborations, les équipes peuvent co-concevoir, mais aussi co-développer, et mettre leurs technologies et savoir-faire en commun pour avancer rapidement sur des innovations communes qui profitent aux deux parties.

C’est le même principe avec le Spin-off.  Il va permettre la création d’une entité de production privée liée à un laboratoire de recherche public ou universitaire, avec transfert des compétences et technologies. Ainsi les activités coûteuses de recherche d’innovation ou de développement sont externalisées et autofinancées.

Research joint-ventures et Spin-off sont ainsi associés à la création d’une nouvelle entreprise.

L’autre partenariat indéniable qui permet aux grandes entreprises d’innover est de s’associer avec des start-ups. En effet, ces structures sont agiles, et sont capables de capturer et d’adapter rapidement les innovations. A l’inverse le grand groupe sera plus lent, conséquence de la lourdeur des process, mais aura les moyens pour engendrer l’innovation. Associer les deux permet d’injecter les moyens dans la structure d’innovation rapide de la start-up. Par exemple, le groupe Pepsi a lancé aux Etats-unis « PepsiCo10« , sous forme de concours sur des projets innovants : médias sociaux, marketing mobile, jeux et vidéos numériques.

Ces coopérations peuvent s’élargir au-delà de la collaboration entre entreprises et peuvent s’incarner dans ce qu’on appelle un consortium d’innovation et de recherche. C’est l’écosystème entier qui se met en ordre de marche pour innover. Il s’agit de grouper des entités en fonction des synergies qu’elles peuvent engendrer pour créer de l’innovation : dans ce cas précis, des entreprises mais aussi des organismes de recherche, des universités, des experts indépendants… Par exemple, le sujet peut-être un projet collaboratif de recherche de molécules à visée thérapeutique avec une société de biotechnologie, un industriel du secteur de la chimie et deux laboratoires de recherche. Les relations entre les acteurs sont définies par un accord de consortium ou de coopération.

Encore plus large, mais peut-être plus facile à mettre en place, le dernier partenariat possible est d’intégrer des clusters de recherches et des pôles de compétitivité : par exemple le cluster de la nano-électronique en Grèce ou la Solar Valley à Thalheim, en Allemagne. Ceux-ci sont des initiatives institutionnelles, permettant de faire un lien entre les acteurs publics et les acteurs privés. Ils fonctionnent de la même manière que les consortiums, engagés dans une démarche partenariale, mais n’ont pas d’accord de consortium.

96ed033f-17e9-4865-a696-1376dfeef134Si tous ces partenariats semblent attractifs, la crainte des entreprises désireuses de s’y engager repose sur des problèmes de propriété intellectuelle : si on co-innove avec nos concurrents, y-a-t-il un risque de perdre la propriété de l’innovation ?  La réponse est non. Le risque est maigre comparé aux avantages du dispositif et surtout, il peut être maîtrisé. L’open innovation est par principe le partage d’informations, mais il faut définir quelle part d’information doit être dévoilée. Ensuite, il faut impliquer dès les phases amonts de la constitution d’un programme de partenariat les départements Achats et Juridique des parties. Enfin, les brevets peuvent être la propriété de l’ensemble des parties. D’ailleurs, il est important de noter qu’un partenariat peut valoriser un brevet, notamment lorsque l’entreprise s’associe à un laboratoire de recherche connu.

Co-innover avec ses clients : tirer profit des outils digitaux

La Loi de Linus dit : plus il y a d’individus qui participent à la résolution d’un problème (ou dans ce cas à la création d’une innovation), plus le problème sera résolu rapidement. Il est donc du plus grand intérêt d’ouvrir au maximum d’individus, et notamment, aux clients. Et grâce aux outils digitaux c’est désormais possible.

Pour mobiliser cette grande force, il y a plusieurs possibilités. La première est de mettre en place des modèles de crowdsourcing. Le processus d’innovation est mené au plus proche du marché : on laisse les individus s’emparer et participer à leur propre dynamique d’innovation. Le sujet est posté généralement sur une plateforme en ligne, des conditions de participation sont données, avec parfois des récompenses à la clé, et un cahier des charges est mis à disposition. Même si l’on fait dans ce cas appelle à une communauté, les réponses données sont individuelles, ou au maximum en petits groupes. Dans ce cas précis, l’entreprise garde l’entière propriété des idées qui lui seront soumises grâcYoung businessman brainstorming with drawn arrows and symbolse à des accords inscrits dans les conditions générales. Au-delà d’un processus d’idéation plus créatif et moins coûteux, cela remplit aussi des objectifs marketing d’appropriation de la marque par les clients. Un bon exemple et le connect and develop de Procter&Gamble..

Les entreprises peuvent aussi faire appel à des communautés, à l’image des communautés open source. Ainsi, elles collaborent avec des influenceurs et des blogueurs, comme le fait L’Oréal, ou avec un club de clients testeurs privilégiés.  Mais il est important qu’il y ait une co-évolution entre l’entreprise et la communauté : il faut fidéliser et motiver cette communauté,  tisser des liens spécifiques avec elle pour qu’elle soit proactive.

Ainsi, les modalités de l’open innovation sont nombreuses : co-innover avec des concurrents, des partenaires, des clients… Les questionnements de propriétés intellectuelles peuvent être outrepassés, et le degré d’ouverture peut être choisi. Chaque entreprise a donc un vaste choix, et peut adopter les modalités d’open innovation qui lui convient le mieux. N’oublions pas que l’open innovation fait forcément appelle à l’innovation. Il faut donc aussi que les sociétés mènent une stratégie leur permettant d’inscrire l’innovation au cœur de leurs projets et se donnent les moyens de les réaliser.

 

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