Il y a plus de 15 ans Luc Besson met en scène un 23e siècle futuriste. Voitures volantes, navettes spatiales… réplicateur biologique. A partir d’un fragment de son corps, l’héroïne Leelo est entièrement synthétisée. Fantasme d’adolescent amoureux de science-fiction nous étions-nous exclamés. Et pourtant… La bio-impression est déjà parmi nous. Dans un écosystème à la pointe de l’innovation, les rumeurs et raccourcis sont légions. Je vous propose d’embarquer pour naviguer vers cette nouvelle terre promise. Quels en sont les contours ? Quels en sont les obstacles ?
Utiliser des cellules pour imprimer en 3D, c’est possible
Vers la fin des années 1990 la bio-impression pointe déjà le bout de son nez. Des scientifiques de l’institut de médecine regénérative de Wake Forest parviennent ainsi à synthétiser les blocs de construction nécessaires à la culture d’une vessie humaine. Puis, vers le début des années 2000 Thomas Boland, bioingénieur à l’université de Clemson, réussit à modifier les imprimantes à jet d’encre pour fabriquer des objets en 3D à base d’encre biologique. En 2007 est fondée une des premières entreprises spécialisée dans la bio-impression : Organovo. Grâce à son imprimante biologique NovoGen MMX, l’entreprise est maintenant en mesure de fabriquer un tissu organique en 3D. Cette PME de 30 personnes est aujourd’hui valorisée sur la bourse à « seulement » 700 millions de dollars. Prothèses de membres, de crânes, organes… les expérimentations se multiplient à toute vitesse flirtant avec les limites toujours plus grandes d’une imagination dont les frontières sont constamment repoussées. Menée par des pionniers que sont les entreprises telle qu’Organova et les chercheurs universitaires comme Dr. Anthony Atala, la conquête de l’impression biologique a bien débutée.
Passer de l’impression 3D d’un objet à un organe fonctionnel semble constituer un pas de géant. Les procédés en jeu sont pourtant quasiment similaires : les imprimantes 3D utilisent des cartouches et des têtes d’impression qui projettent de l’encre couche par couche sur un support. A quelques détails clés près…
Un organe est spécifique à chaque individu
Dans un processus « classique » d’impression 3D l’objet est modélisé via un logiciel. Ce processus est-il transposable à des organes dont il faut appréhender la complexité et les spécificités propres à chaque individu? Pour contourner cette contrainte des chercheurs de l’université de Louisville ont réussi à exploiter le scan du coeur d’un jeune garçon. Des sites webs comme Instructables proposent d’ailleurs des tutoriaux décrivant la méthode à utiliser pour convertir un scan en modèle 3D imprimable. Chercheurs et ingénieurs sont donc désormais en mesure d’exploiter un scan ou une IRM pour le traduire en modèle utilisable par l’imprimante 3D. Comment l’organe est-il alors fabriquer couche par couche ?
Il existe différentes techniques d’impression
Les expérimentations menées à l’université de Wake Forest se sont inspirées de l’imprimante à jet d’encre classique pour concevoir un dispositif utilisant une bio-encre. Lors des premiers essais, les cellules étaient placées dans de véritables cartouches d’imprimante, puis l’imprimante était programmée pour disposer les cellules dans un ordre prédéfini. Aujourd’hui, l’université a optimisé sa technologie et expérimente l’impression de cellules de peau directement sur des blessures. Cartilage, os, cornée… les applications sont nombreuses.
A l’institut d’innovation cardiovasculaire de l’université de Louisville, le docteur Stuart Williams s’inspire du processus de fabrication… d’un avion. Le cœur n’est pas synthétisé from scratch mais assemblé. Chaque « pièce » maîtresse : les valves, les vaisseaux sanguins, le système nerveux… est construite puis déposée à sa place. Plutôt que de construire un tissu par couches successives comme dans un processus lambda d’impression 3D, un robot à 6 axes d’impression synthétise en parallèle plusieurs fragments du muscle cardiaque.
Enfin, l’imprimeur biologique NovoGen MMX utilise deux têtes d’impression. La première agence des couches cellulaires. La seconde sépare les couches via un hydrogel pour homogénéiser le tissu. Les cellules sont ensuite fusionnées dans un incubateur grâce à du collagène, à la suite de quoi elles commencent à « travailler » ensemble comme un vrai organe. Le tissu humain est donc fabriqué par impression d’un matériau à base de gel, qui crée une structure dans laquelle sont injectées les cellules, qui peuvent alors se développer. Cette technologie permet de concevoir des tissus organiques d’une grande stabilité cellulaire. Ces derniers s’avèrent plus performants que ceux d’origine animale utilisés habituellement. Toutefois, cette technique pose quelques difficultés car les tissus doivent être continuellement alimentés en sang pour rester vivants, ce que ne permet pas par défaut l’imprimante.
Le recours à des bio-encres et des cellules souches
Et si l’utilisation de cellules souches comme matière première constituait un autre pas de géant ? Ces dernières sont pluripotentes. Autrement dit, elles sont en mesure de se différencier pour se spécialiser en cellules osseuses, cardiaques…
Alan Faulkner-Jones et son équipe ont exploité cette aptitude et développé une imprimante alimentée par de la bio-encre constituée de cellules souches immergées dans un milieu cellulaire. En superposant deux couches de minuscules gouttelettes contenant des cellules souches et le milieu cellulaire, les chercheurs se sont aperçus, 24 heures après l’impression, que 95% des cellules étaient encore vivantes. Trois jours plus tard 89% des cellules étaient vivantes et toujours pluripotentes. D’autre part elles ouvrent la voie vers une médecine régénérative. Les chercheurs de l’université de Nottingham au Royaume-Uni ont ainsi expérimenté le remplacement d’os en pleine croissance. Ces derniers sont enduits de cellules souches qui se transforment en tissu avec le temps.
Et si dans 10 ou 20 ans l’articulation de votre genou était usée et que vous souffriez d’arthrose ? Et si dans ce futur, les docteurs étaient en mesure de scanner votre jambe et de bioimprimer une articulation en titane parfaitement identique à l’originale ? S’ils pouvaient bioimprimer et remplacer vos ligaments en utilisant un échantillon de vos propres cellules ? Un futur qui se rapproche et semble atteignable mais dont le chemin est encore pavé d’embûches.
Un scénario prospectif de disruption de la santé
La plupart des organes imprimés jusqu’ici ne sont pas fonctionnels ou survivent quelques jours. Une équipe de bioingénieurs de l’université de Cornell est parvenue à créer une oreille à partir de cellules vivantes en 2013. Le rein d’Organovo a fonctionné pendant 40 jours. Des chercheurs chinois développent également des reins mais la durée de vie est pour l’instant limitée à 4 mois.
Les avancées sont prometteuses et les recherches nombreuses car les enjeux sont énormes. La technologie a le potentiel de révolutionner le marché de la santé et particulièrement le secteur pharmaceutique en résolvant un enjeu clé : disrupter le long et dispendieux processus de recherche et développement de nouveaux traitements. Les coûts de recherche et développement de nouvelles thérapies évoluent sur une courbe ascendante depuis plusieurs années, faisant parallèlement diminuer constamment les ROI. A tel point que certaines compagnies réduisent voire suppriment leurs départements de recherche pour les outsourcer. Les champions de la bioimpression tels qu’Organovo ou le Docteur Atala travaillent à développer des plateformes en mesure de bioproduire des tissus humains fonctionnels qui trouveraient leur application dans les tests médicaux. Quels sont les scénarios envisagés ?
Prospective à 3 ans : accélérer la découverte de nouveaux traitements
Entre 1997 et 2011 le top 12 des entreprises pharmaceutiques a dépensé 802,5 milliards de dollars en recherche et développement pour que soient au final approuvées 139 nouveaux traitements. Le processus menant à la commercialisation d’un seul médicament a donc coûté en moyenne 5,77 milliards de dollars. Autrement dit 40% de l’argent investi n’a pas permis de dépasser le stade du laboratoire. L’un des problèmes majeurs auquel sont confrontés ces entreprises réside dans la capacité à évaluer très précisément la toxicité de nouveaux traitements sur les cellules humaines et plus particulièrement celles du foie. En effet entre 1990 et 2010 25% des traitements ont, soit été retiré du marché, soit échoué en phase 3 du fait d’effets toxiques sur le foie.
Les géants pharmaceutiques dépensent des milliards de dollars mais leur processus de test reste fondamentalement le même depuis des décennies reposant soit sur des tests sur des animaux, soit sur la culture de cellules. Organovo peut transformer cette approche et permettre de détecter la toxicité de traitement en amont du processus actuel. Booster la découverte de nouveaux médicaments pour cibler au plus vite l’efficacité des millions de molécules candidates à la destruction d’un microbe c’est aussi la promesse du projet « body on chip« . Les scientifiques répliquent des cellules humaines pour imprimer des structures imitant le fonctionnement du cœur, du foie, des poumons et des vaisseaux sanguins. Puis les « organes » sont placés sur une micro-puce et connectés à un substitut sanguin.
Prospective à 3-7 ans : une nouvelle arme dans la lutte contre le cancer
Imprimer en série des tumeurs cancéreuses permettraient aux chercheurs de tester les composés et donc de cibler les molécules les plus efficaces à l’échelle d’un individu. Organovo collabore déjà avec un centre de recherche contre le Cancer basé dans l’université de la santé et des sciences d’Oregon pour développer la technologie. En parallèle Genomic Health répertorie et analyse des échantillons de tumeurs cancéreuses pour en cartographier tous les types et caractéristiques. Organovo pourrait donc surfer sur une telle synergie pour industrialiser la production de tissus cancéreux correspondant à la pathologie d’un patient. Les entreprises pharmaceutiques ou les médecins seraient alors rapidement en mesure de développer ou cibler le meilleur traitement.
Prospective à 15-20 ans : copier et remplacer un organe ?
Actuellement environ 124 000 personnes attendent un don d’organes. En moyenne 21 personnes en attente de transplantation meurent chaque jour. La bioimpression a le potentiel pour tout changer. Beaucoup de personnes aujourd’hui s’intéressent à d’autres matières premières que les cellules souches. Certaines peuvent augmenter la résistance des os, des cartilages de la peau. D’autres sont flexibles et ont déjà permis de sauver un bébé. Mais imprimer et fusionner des cellules ensemble ne suffit pas à garantir leur coopération.
Les programmes de modélisation ne sont pas encore assez puissants pour capturer la complexité d’un organe à un degré de finesse suffisant. Les scientifiques ont également des difficultés à créer des vaisseaux sanguins car ils sont longs, fins et tubulaires ce qui les rend complexes à reproduire. Or les organes ont besoin d’artères, de veines, de capillaires pour recevoir le sang et donc les nutriments nécessaires à la vie qu’il délivre. Enfin la transplantation d’organes présente toujours un risque de rejet même lorsque le tissu est prélevé directement sur le corps du transplanté. L’organe a besoin de temps après la procédure pour s’intégrer complètement au corps. Cela va donc probablement prendre quelques décennies car les défis sont encore nombreux : technique, éthique, économique, réglementaire…
Parallèlement d’ici 30 à 40 ans des nanobots circuleront ainsi dans notre corps pour réparer continuellement nos cellules et organes endommagés tout en éradiquant les maladies selon Ray Kurzweil. La médecine et la santé se digitalisent et se transforment progressivement en technologies de l’information.
Petite question.. De quand date cet article ?
Bonjour,
Il date de mars 2015.
Bonjour,
Je constitue un dossier sur la bio-impression pour mon TPE (travaux pratiques encadrés de 1ère Scientifique) et je souhaiterais avoir un peu plus d’informations sur le fonctionnement précis des différentes techniques d’impression.
Vous pouvez me contacter à mon adresse e-mail,
Bonne soirée
Les poumons seraient ils plus délicats a bioimprimer-implanter?
Sur BPCO par exemple.