Le crowdsourcing : quand l’union fait la force

Depuis plusieurs années, de nombreuses entreprises ont recours au crowdsourcing et mettent en avant une innovation qui se veut toujours plus ouverte. Mais que se cache-t-il derrière ce concept ? Comment les entreprises l’utilisent-elles et pour quelle valeur ajoutée ?

Le crowdsourcing : késako ?

Une pratique qui date

Le terme de crowdsourcing fut popularisé en 2006 dans le journal Wired. Il s’agit d’un néologisme formé à partir des mots anglais crowd (la foule) et sourcing (l’externalisation). Le crowdsourcing consiste donc littéralement à externaliser à une « foule » une activité auparavant menée en interne par une entreprise.

La foule, pilier du crowdsourcing
La foule, pilier du crowdsourcing

L’exemple fréquemment utilisé pour illustrer la pratique du crowdsourcing est celui d’Innocentive, mis en place en 2001 par la multinationale pharmaceutique Eli Lilly. Cette plateforme joue le rôle de place de marché permettant à des entreprises et à des innovateurs d’entrer en contact. L’entreprise participante poste tout d’abord un « challenge » sur la plateforme en précisant son besoin. À l’issue d’une phase de propositions de la part des innovateurs, l’entreprise choisit la solution qu’elle considère la meilleure et l’innovateur retenu reçoit une récompense financière.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le concept du crowdsourcing n’est pas une pratique récente d’innovation : en effet la margarine a vu le jour suite à un concours lancé par Napoléon III pour trouver un substitut peu coûteux et avec de meilleures qualités de conservation que le beurre !

Nous noterons que le crowdsourcing est souvent confondu avec d’autres notions qui en dérivent telles que le crowdfunding. Ce dernier fait appel à la foule pour financer un projet, typiquement sur des plateformes telles que Kickstarter aux USA ou Ulule en Europe. Il s’agit d’un financement dit « participatif ».

Non pas un mais plusieurs crowdsourcing

Aujourd’hui, nous pouvons différencier 4 types de crowdsourcing :

Le crowdsourcing d’activités routinières s’appuie sur le grand nombre de personnes qui constitue la foule. Cette pratique est parfaitement illustrée par le système du ReCaptcha qui permet de faire la différence entre un internaute humain et un robot virtuel. En s’identifiant, l’internaute humain participe à corriger les « ratés » des logiciels OCR. Cette application a été rachetée par Google en 2009 et participe de façon non négligeable au programme de numérisation d’ouvrages de Google.

Le crowdsourcing de contenu porte le plus souvent sur la collecte d’informations. Le foule va ici alimenter une base de données, d’informations, de photos … L’entreprise qui initie ce type de crowdsourcing se situe dans une problématique de recherche d’exhaustivité : le nombre d’informations recherchées est en conséquence particulièrement grand. Cette pratique peut être illustrée par le site Istockphoto, qui met en relation des photographes amateurs ou professionnels et des personnes susceptibles d’acheter des images, souvent des entreprises.

Le crowdsourcing d’activités inventives est une façon pour l’entreprise de bénéficier de compétences externes dédiées à la réalisation de tâches complexes. La diversité de la foule est donc un élément primordial dans la réussite d’un tel crowdsourcing. On se trouve ainsi dans un schéma de type sélectif : l’entreprise va sélectionner la proposition « gagnante » et in fine toute la valeur ajoutée du projet sera dans cette proposition particulière. Ce type de crowdsourcing s’applique en général à des problèmes de type scientifique ou technique. Il permet de dépasser les frontières habituelles du processus d’innovation. L’exemple typique est celui de la plateforme Innocentive.

Le crowdsourcing d’activités créatives s’applique le plus souvent aux innovations marketing (nouveaux produits, design, logo, recettes, …). L’enjeu pour l’entreprise qui initie ce type de pratiques est de bénéficier de la somme des créativités des personnes constituant la foule. Un exemple de cette pratique est Lego Cuusoo. Grâce à cette application, toute personne majeure peut proposer une nouvelle pièce ou même un nouveau concept à Lego. Les différentes propositions sont soumises au public et lorsque l’une d’entre elles atteint les 10 000 votes, elle est examinée par Lego dans l’optique d’une éventuelle commercialisation.

Le crowdsourcing aujourd’hui

Le développement du crowdsourcing par les entreprises est fortement lié à l’essor du Web 2.0 : si l’entreprise peut maintenant atteindre très facilement la foule grâce à internet, les individus qui composent cette foule peuvent quant à eux très facilement répondre à un « appel » de l’entreprise.

De nombreuses plateformes au service du crowdsourcing
De nombreuses plateformes au service du crowdsourcing

Pour répondre aux nombreux besoins des entreprises, différentes plateformes ont vu le jour. Par exemple :

  • Amazon Mechanical Turck met en relation des entreprises qui souhaitent faire réaliser de nombreuses tâches simples et souvent répétitives
  • Intel a lancé une initiative de crowdsourcing autour des technologies wearable
  • GE cherche à trouver de nouveaux designs d’appareils électroménagers
    Au travers de Lab’Orange, Orange teste de nouveaux services et recueille les avis des utilisateurs avant leur commercialisation
  • La SNCF propose régulièrement des challenges à résoudre sur son site. Le dernier en date concerne la prédiction de la fréquentation des gares SNCF en Ile-de-France
  • Vsenn, une nouvelle entreprise finlandaise cofondée par un ancien de Nokia, construit actuellement son offre de smartphone modulable au travers de Twitter

Ses limites

Le crowdsourcing permet d’exploiter un potentiel de connaissances quasi infini afin d’être toujours plus compétitif grâce aux frontières poreuses de l’entreprise. Pourtant, il existe plusieurs barrières à la mise en place de cet outil :

La propriété intellectuelle : quelles informations internes peut-on partager ? Quel système de propriété intellectuelle mettre en place : partage-t-on les droits ? L’entreprise est-elle la seule bénéficiaire ? Dans le cas décrit plus haut de Lego Cuusoo, les participants retenus renoncent à toute propriété intellectuelle sur leurs créations mais reçoivent 1% du chiffre d’affaires des ventes si les propositions sont commercialisées.

La gouvernance des projets : il est nécessaire de posséder une organisation interne qui puisse accueillir une initiative de crowdsourcing. Cela peut se traduire par la mise en place d’une plateforme dédiée, ou plus généralement à la mise à disposition des ressources nécessaires à la mise en place et au suivi du projet.

Le syndrome « Not invented here » : ce syndrome correspond au fait que les employés d’une entreprise ont souvent du mal à accepter les solutions provenant d’acteurs externes. La culture d’entreprise joue alors un rôle primordial.

Les bénéfices financiers : il peut s’avérer difficile d’évaluer les délais de retour sur investissement d’un tel outil.

 

Le crowdsourcing participe à une nouvelle conception de l’entreprise qui se veut toujours plus ouverte et toujours plus tournée vers le consommateur. Outre les bénéfices financiers, il permet également d’agir sur des leviers plus qualitatifs tels que la réputation. Le crowdsourcing est ainsi un formidable outil pour les entreprises qui ont appris à bien l’utiliser, en particulier dans les domaines du marketing et de l’innovation.

2 thoughts on “Le crowdsourcing : quand l’union fait la force

  1. bonjour je voudrais faire une remarque à propos de la typologie du crowdsourcing :). Schenk et Guittard, 2011, ont proposé une typologie des pratiques de Crowdsourcing autour de deux critères : le caractère intégratif ou sélectif du processus et le type de tâches « Crowdsourcées » avec trois tâches (tâches routinières, tâches complexes, tâches créatives) pas quatre ?

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