GAFA, c’est l’acronyme de plus en plus utilisé pour désigner en France quatre des géants du web que sont Google, Amazon, Facebook et Apple. Quatre sociétés américaines au succès insolent ; elles sont parvenues, en l’espace d’une vingtaine d’années, à s’imposer dans notre quotidien. Initialement cantonnées à l’IT, elles ont pu évoluer, proposer des produits innovants et se positionner durablement sur des marchés toujours plus diversifiés.
Ces entreprises leader sont aussi la cible de nombreuses critiques.
Un succès sans partage
Les GAFA ont su proposer, en leur temps, une idée ou un produit qui a pu révolutionner les usages et être adopté par le plus grand nombre. Mais leur succès actuel est également le fruit d’une capacité constante à se renouveler : des sommes colossales sont consacrées à la recherche et à l’investissement dans des secteurs embryonnaires mais prometteurs. A titre d’exemple, Google et Facebook investissent massivement dans le domaine de la réalité augmentée (développement des Google Glass et rachat récent de Magic Leap par Google et rachat d’Occulus pour Facebook).
Un de leurs principaux points communs est leur capacité à renouveler et à enrichir constamment leur offre. Des entreprises qui savent donc innover et prendre des risques même si parfois, le succès n’est pas au rendez-vous ; on pense ainsi à l’échec récent du Fire Phone d’Amazon pourtant relativisé très peu de temps après par le PDG de l’entreprise qui a réaffirmé que l’offre, en dépit de pertes financières importantes, ne serait pas abandonnée. Des échecs presque anecdotiques en comparaison de leur succès qui, à l’image de leur confiance, semble inébranlable.
Les GAFA innovent et savent donc se créer des opportunités. Ils mobilisent leurs clients sur des modèles de consommation inédits : au-delà de leur incroyable réussite économique, ce que l’on remarque, c’est la spectaculaire capacité de ces compagnies à s’imposer dans la totalité des principaux secteurs de notre économie. Une croissance tentaculaire que l’on peut illustrer par de nombreux exemples : Apple sur le secteur des moyens de paiements, Amazon et son offre de cloud computing, Google qui, via sa plateforme Android, a su se positionner sur les secteurs de la domotique ou de la santé (et bientôt sur celui de l’automobile), Facebook qui profite pleinement de l’engouement des entreprises pour le marketing viral. Des offres bien loin du cœur de métier initial, mais qui renforcent toujours leur image… et leur chiffre d’affaire.
Bien que ces remarquables succes story soient montrées en exemple, que les modèles économiques sur lesquels reposent ces entreprises soient disséqués et étudiés, il n’en reste pas moins que les GAFA, de part leur omniprésence dans nos vies soient assimilée à la version moderne d’un Big Brother toujours plus difficile à éviter.
Vers un bras de fer ?
Depuis plusieurs années, les quatre géants sont régulièrement la cible de critiques plus ou moins isolées en Europe. Les reproches adressés ne sont pas nouveaux. D’une part, la question fiscale et la virtuosité dont ont su faire preuve les quatre géants pour tirer profil au maximum de la réglementation en vigueur. Le patron de vente-privee.com, fleuron du commerce en ligne français, dénonçait ainsi début 2014 payer à lui seul plus d’impôts que Google, Apple, Amazon et Ebay réunis. Une situation qui dérange, dans une Europe où la pression fiscale s’accentue.
D’autre part la question de la confidentialité des données des particuliers, polémique alimentée par une actualité très riche en révélations ces dernières années (PatriotAct, modifications régulières des politiques de confidentialité Facebook, polémique autour de Google et du droit à l’oubli, exploitation de données confidentielles par la CIA,…).
Pour finir, les instances de contrôle européennes s’inquiètent de potentiels abus de position dominante. Trois des GAFA ont ainsi été la cible ces dernières années d’enquêtes antitrust : Google depuis 2010 puis réouverte à plusieurs reprises (le parlement Européen a tout récemment voté une motion visant à son démantèlement afin de demander la séparation de ce qui est lié au moteur de recherche du reste de l’activité commerciale de l’entreprise), Apple en 2013, et Amazon plus récemment. La puissance de frappe de ces géants et leur omniprésence inquiète donc l’Europe qui tente de protéger son économie et ses acteurs locaux d’envergure plus modeste.
C’est précisément sur les deux derniers points que les annonces récentes semblent porter. Axelle Lemaire, la secrétaire d’Etat au Numérique et son homologue allemand ont interpellé le commissaire européen en charge du numérique afin qu’une consultation publique soit lancée permettant la définition d’un nouveau cadre juridique. La cible n’est pas clairement nommée puisque l’on préfère parler des « plate-formes indispensables » d’Internet. En ligne de mire, on trouve notamment les pratiques de référencement payant et le manque de transparence sur les garanties de confidentialité des données utilisateurs.
Des voix américaines n’hésitent pas à s’élever pour comparer ce positionnement aux destructions des Mc Donalds par José Bové en 1999, raillant ainsi la réaction des gouvernements perçue comme un protectionnisme archaïque. De nôtre côté de l’Atlantique, en revanche certains n’hésitent pas à parler de colonialisme numérique, faisant de ces compagnies privées les chevaux de Troie d’une puissance américaine présentée comme intrusive et destructrice d’emplois.
Si ces deux visions (présentées ici volontairement poussées à l’extrême) présentent chacune des arguments qu’il est nécessaire d’entendre, il n’en reste pas moins que les usages du Web exposent de plus en plus les utilisateurs. Compte tenu des usages qui changent et la criticité croissante des données personnelles, il est en effet indispensable de proposer un cadre qui garantisse au particulier une certaine protection de sa vie privée. Une chose reste certaine ; avec les perspectives ouvertes par le Big Data, la donnée est bien devenue le nouvel or noir de notre société de l’information moderne. Reste à savoir qui en conservera le contrôle.