Encore inconnus du grand public il y a quelques années, les hackathons sont aujourd’hui un phénomène populaire largement répandu dans les grandes entreprises du monde entier grâce à l’essor d’internet. Ses bénéfices seraient nombreux pour l’entreprise : création d’applications en un temps record, renforcement de l’esprit d’équipe et de la culture d’entreprise, identification de nouvelles idées à valeur, développement d’une image innovante…et tout ça pour un coût relativement limité. Mais les bénéfices sont-ils réellement à la hauteur des promesses ?
Les hackathons, d’un événement exceptionnel à un phénomène de masse…
Le hackathon, contraction de « marathon » et « hacker » est un événement durant lequel des équipes doivent développer en un temps réduit (généralement 1 à 2 jours) un projet informatique, généralement une application ou un logiciel. Ces équipes sont constituées de développeurs, mais elles peuvent également intégrer des designers, des graphistes, des chefs de projets, ou encore de futurs utilisateurs. Les hackathons sont généralement internes, mais certains sont ouverts au grand public. A l’issue de ce marathon du développement, un jury déterminé au préalable attribue une récompense au(x) gagnant(s).
Les hackathons ont vu le jour aux Etats-Unis à la fin des années 1990 au sein de la communauté des développeurs adeptes de logiciels libres. Initialement réalisés dans les entreprises de développement web pour booster des projets en cours, le phénomène s’est ensuite étendu petit à petit à l’ensemble des grandes entreprises. Le nombre de hackathons a ainsi explosé ces deux dernières années. En France, de nombreux grands groupes tels que Orange, la Société Générale, Casino, Pernod Ricard, ou Axa en ont organisé. Même les ministères s’y mettent : les ministères de la Culture et de l’Intérieur ont lancé cette année leur premier hackathon dans le but de mettre en valeur leurs données publiques et développer de nouveaux usages. Selon la société BeMyApp, spécialisée dans l’organisation de ces événements, cinq hackathons se déroulaient en moyenne par semaine en 2013 dans des grandes villes telles que San Francisco, New York, Paris, Berlin ou Tokyo. D’un événement exceptionnel autrefois réservé aux « hackers », le hackathon s’est aujourd’hui largement démocratisé pour devenir un outil accélérateur de l’innovation en entreprise.
Si les entreprises s’y intéressent de si près, c’est parce que ces événements constituent un vrai moteur d’innovation permettant de livrer des prototypes en un temps record. Ces derniers sont ensuite soit finalisés avec l’équipe du projet hackathon, soit réintégrés dans le processus de l’entreprise. Ce sont par exemple lors de hackathons organisés par Facebook, l’un des précurseurs dans le domaine, qu’ont vu le jour le bouton « Like », la fonction de discussion instantanée ou encore la timeline du célèbre réseau social. En France, on peut citer Tranquilien, application développée lors d’un hackathon SNCF pour accéder aux informations sur l’affluence de votre train. Le hackathon est ainsi vu aujourd’hui par certains comme l’avenir de la politique d’innovation des entreprises. Mais l’évangélisation n’a-t-elle pas un prix?
… dont la valeur ajoutée reste à démontrer
La démocratisation des hackathons a malheureusement eu pour conséquence de les détourner de leur objectif initial. Victimes de leur succès, ils sont aujourd’hui souvent transformés en simples événements de communication ou de marketing. Le hackathon renvoie en effet une image innovante dont les entreprises essayent toutes de s’emparer. Mais cette méthode ne peut pas répondre à tout type de problématique. Elle doit surtout être en adéquation avec la culture d’entreprise, la stratégie et l’ambition. Autrement dit les hackathons axés uniquement communication ont une faible valeur ajoutée.
Par ailleurs, le véritable enjeu du hackathon débute une fois l’événement terminé. En effet l’aboutissement de ce dernier n’est quasiment jamais un produit ou un service fini et utilisable, mais un projet accompli à environ 80%. L’entreprise doit donc se saisir du projet avec les gagnants, le challenger, l’adapter et l’accompagner jusqu’à l’industrialisation. Malheureusement, les 20% d’un projet restants à développer sont souvent oubliés et peu d’idées issues des hackathons sont mises en production. L’entreprise doit également étudier les autres idées à potentiel nées lors du hackathon en les intégrant à sa démarche d’innovation, mais cette phase est également peu approfondie. Toute entreprise souhaitant mettre en place un hackathon doit donc envisager le suivi à long terme des idées et projets et ne pas limiter son investissement aux 2 ou 3 jours que comporte l’événement.
Tout comme il a détrôné le brainstorming comme méthode de réflexion « hors de la boîte », le hackathon se fera probablement détrôner dans quelques années par une méthode de génération d’idées plus novatrice. En attendant, le phénomène n’est pas près de s’arrêter. Les entreprises doivent donc utiliser cette méthode à bon escient pour en retirer une vraie valeur ajoutée. Les hackathons doivent rester un outil à intégrer avec soin à une stratégie d’innovation globale, et pas uniquement un outil de communication servant à créer le buzz deux jours dans l’année.