Laisser Amazon occuper seul le terrain de la livraison aéroportée ? Très peu pour la firme de Mountain View. Initier en permanence de nouveaux usages, dans une pluralité de secteurs, c’est là l’ambition portée par Google, avec en ligne de mire, le déploiement d’un univers qui n’aurait pas ou peu de frontières. Du développement de jeux vidéo en réalité augmentée au rachat de start-ups spécialisées dans le smart home (Nest) en passant par les lunettes connectées à destination du grand public (Google Glass) et les lentilles de contact estampillées « santé » (Smart contact lenses), Google ne s’interdit plus rien et se lance maintenant à la conquête du ciel grâce au drone. Explications :
Hier, le drone
Initialement conçus pour le secteur de la défense et les opérations militaires, les drones ont vu leurs usages évoluer et ils sont désormais aussi exploités à des fins civiles. Par certains particuliers, de façon marginale, dans le domaine de l’audiovisuel pour réaliser des reportages, mais également dans de nombreux secteurs industriels : la SNCF les utilise pour l’inspection de son réseau de voies ferrées ; Eiffage pour le contrôle du viaduc de Millau ; ERDF pour l’observation de ses lignes électriques et même des viticulteurs pour développer l’agriculture de précision.
L’inspiration : Prime Air, le drone de livraison par Amazon
Amazon a présenté fin 2013 déjà son projet « Prime Air ». Celui-ci cristallisait une ambition inhérente au cœur de métier de ce géant du web : utiliser des drones dédiés aux livraisons avant 2020. En présentant alors son innovation, Amazon avait précisé être capable de faire voler des drones à plus de 80 km/h tout en portant jusqu’à 2,2 kg de marchandises.
La contre-attaque : Google Wing, le drone multi-usages
Le 28 août dernier, Le Parisien publiait en exclusivité une interview d’Astro Teller, le dirigeant de Google X, laboratoire énigmatique dédié aux idées révolutionnaires de Google et entouré d’un épais mystère.
Astro Teller a ainsi révélé aux lecteurs l’existence du programme « Wing », sur lequel travaillent des dizaines de personnes depuis 2012.
« Wing », ou «aile » pour les francophones, porte la promesse suivante : des objets de taille moyenne livrés « en quelques minutes » aux habitants des grandes zones urbaines. Pendant deux semaines au mois d’août, des démonstrations ont eu lieu dans la campagne australienne près de la ville de Warwick avec des prototypes de drones. Ces tests réels devaient convaincre les journalistes (et surtout leurs lecteurs) de l’utilité du projet. Avec des dimensions d’1,5m de long pour un poids de 8,5 kilos, l’appareil est doté de quatre hélices et peut porter des colis d’un peu moins de deux kilos. Les tests ont été concluants, Google prévoit une mise en service effective en 2016. Un véhicule autonome volant qui se présente notamment comme l’alternative écologique à l’acheminement des livraisons par camions.
Mais le projet « Wing » ne répond pas uniquement à des fins commerciales. D’autres usages sont mis en avant : les situations d’urgence et les sinistres. En cas de tremblements de terre, de cyclones ou d’inondations, compromettant l’accès par voie routière, des vivres pourraient être délivrées par les airs aux populations sinistrées. Selon Astro Teller, « un petit nombre de machines pourrait servir un grand nombre de personnes en situation d’urgence. »
Demain : un avenir encore incertain ?
Pour le moment, de nombreux obstacles s’opposent encore à une utilisation à grande échelle de ces appareils, que ce soit dans une perspective d’assistance aux populations ou de distribution.
Les aléas climatiques par exemple impactent négativement l’utilisation de ces drones selon les saisons et les régions. Mais la principale ombre au tableau demeure la réglementation aérienne, qui dans la majorité des pays n’est pas encore prête à voir voler des drones livreurs. Comme Paris, les grandes villes ont, pour des raisons de sécurité, interdit l’utilisation de ces appareils. D’ailleurs, la densité des grandes métropoles complexifie la livraison. Google prévoit d’ailleurs des tests grandeur nature en zone urbaine dans les deux prochaines années, mais « pas à Paris », précise Astro Teller, plutôt dans « une agglomération plus petite où nous pourrons démontrer que nous apportons une vraie valeur ajoutée aux habitants ».
Malgré ces freins juridiques, Amazon a demandé aux autorités américaines un assouplissement des règles « dans l’intérêt du consommateur » afin de démarrer son service de services de livraison par drones d’ici cinq ans aux USA. Son rival Google prévoit également de continuer à investir dans la filière aéroportée, en comptant sur un assouplissement réglementaire à venir. La compétition entre ces deux géants, elle, a déjà décollée.