Le CES 2014 aura marqué un point d’inflexion et permis de dresser le constat suivant : on peut connecter quasiment tous les objets de notre quotidien. La maison bien sûr, équipée depuis quelques années déjà de systèmes de commandes et de sécurité : thermostat, serrure, volets… Le jardin, où les plantes préviennent leurs propriétaires de la nécessité d’un arrosage rapide, le garage où voitures et autres véhicules sont connectés, l’électroménager enfin, avec les premières machines à laver, le four ou encore le frigo. Les produits de loisirs ne sont pas en reste – console, audio, TV – et jusqu’aux objets les plus personnels de notre quotidien : vêtements, fourchettes, brosse à dents, sous-vêtements…
L’ensemble de nos activités peut être mesuré et suivi : exposition au soleil, au CO2, température, activité physique, cardiaque, tension… Il existe même des capteurs permettant de mesurer notre exposition aux nitrates ou aux radiations !
Connectés, mais pas interconnectés
Tous ces objets sont aujourd’hui « connectés », mais encore peu « interconnectés » ! En effet, chacun peut se relier au smartphone le plus proche, en bluetooth par exemple. Utile oui, mais finalement pas toujours pratique car cela nécessite une action volontaire de l’utilisateur – il faut être à proximité d’un téléphone et lancer une application permettant la connexion.
D’autres objets sont nativement, « par défaut », liés à internet, le plus souvent en utilisant le wifi. Dans ce cas, on change clairement de dimension : les objets peuvent alors envoyer automatiquement des données, en recevoir ou encore générer des alertes. Mais beaucoup de ces objets restent aujourd’hui chacun dans leur silo ! Alors qu’une interaction entre eux amènerait des usages bien plus puissants que ce qui existe.
If this then that, le site qui permet aux objets de se parler
Une entreprise a compris cela et développé un écosystème qui se veut être la glue entre les services d’internet et les objets connectés : IFTTT. Derrière cet acronyme se cache une phrase et un principe simple « if this … then that … ». Le site permet de créer des règles qui respectent cette logique. Par exemple, si le taux de CO2 mesuré par mon capteur dépasse les 3000 ppm, alors mon ampoule connectée doit s’allumer et se colorer en rouge. Si j’arrive à proximité de mon domicile, la lumière du couloir doit allumer la lumière. Si la machine à laver est finie, m’envoyer un sms pour m’avertir.
Ce service permet aussi de piloter différents réseaux sociaux, il est possible de poster ou de réagir automatiquement en fonction d’éléments sur Twitter, Facebook et bien d’autres.
IFTTT représente une première brique de l’internet des objets 2.0, celle où les objets s’interconnectent et réagissent en autonomie. Mais il s’agit d’une initiative encore unitaire et surtout non standardisée. Certains services sont présents, d’autres manquent encore cruellement.
Demain, des géants au centre de nos objets connectés
Il est donc nécessaire de poursuivre des efforts autour de la normalisation pour créer une langue universelle des objets qui permettrait tous ces nouveaux usages – la 5G à horizon 2020 ? Ces efforts seraient également l’occasion d’intégrer un minimum de sécurité à nos objets pour éviter des attaques comme celles qui ont été observées en 2013 sur les ampoules Hue, la Toyota Prius ou encore les toilettes Inax Satis.
Et les premières grandes manœuvres ont commencé en juin 2014, à la WWDC d’Apple puis au Google I/O. Samsung n’est pas en reste avec ses initiatives, dans la santé et le wearable (SAMI) comme dans la domotique (SmartHome). Leur proposition ont en commun de chercher à devenir le point névralgique de tous les objets connectés, qu’ils soient destinés à la maison, le sport, la santé… L’idée sous jacente n’est donc pas de remplacer tous ces objets tiers par leur propre produit, mais d’être le point d’entrée de l’écosystème, gardant ainsi toute la connaissance client. Faisons un focus sur les deux géants américains.
Apple health kit et home kit
Dans les deux initiatives, Apple vient se placer en hub de nos vies, sportives comme personnelles. Les données des services compatibles sont centralisées et/ou Apple met à disposition ses propres données aux développeurs. L’utilisateur peut ainsi créer des « scènes » en activant des objets différents : éteindre les lumières en quittant son domicile, envoyer son activité sportive à ses amis une fois rentré, partager son poids automatiquement tous les matins à son médecin… Ces scénarios simples ne sont que le début d’une connexion de plus en plus poussée entre les appareils.
Demain, Apple pourrait devenir un acteur complet du secteur de la santé : après l’agréation de toutes ces données, pourquoi ne pas passer à l’étape d’après et travailler avec la Sécurité Sociale et les hôpitaux pour créer un écosystème complet – un carnet de santé connecté et partagé en quelques sortes. Les écueils restent nombreux (législation très stricte, différences fortes entre les pays…) mais le marché est immense.
Google Fit pour la santé, Nest pour la maison
Google semble à la fois en retard et en avance par rapport à Apple sur le sujet et sa stratégie peut paraître moins clair. Ainsi Nest est une société qui reste (pour l’instant ?) indépendante, mais elle représente pourtant le point d’entrée parfait pour Google au sein de nos foyers. Les données ne sont pas (pour l’instant ?) partagées à Google. De même, Google Fit est uniquement orienté vers les développeurs alors que son concurrent s’accompagne d’une application pour l’utilisateur.
En revanche Google a une vraie longueur d’avance dans les algorithmes, l’agrégation et le traitement de très grandes quantités de données, tout en pouvant s’appuyer sur un parc d’appareils Android dépassant le milliard de devices. Ce sont autant d’informations que le géant peut collecter et traiter pour en savoir toujours plus, qui viendront progressivement s’enrichir grâce à Android Wear, à Fit, au Nest… Il est ainsi le mieux placé pour exploiter des données brutes (« dumb data ») et y intégrer de l’intelligence.
Ces différentes démarches, si elles réussissent, pourraient faire passer l’un ou l’autre des géants (ou les deux) dans une nouvelle phase : celle qui permet de consolider suffisamment de données sur les utilisateurs et leur comportement pour les croiser et faire interagir les objets de manière intelligente, indépendante et auto apprenante. C’est déjà ce que Google commence à faire avec Google Now, qui vous notifie quand il faut partir pour un rendez-vous en prenant en compte votre temps de trajet. Mais ce n’est que la première étape : oubliez les réglages pré-programmés de votre chauffage, il pourra s’allumer automatiquement quand vous approchez de votre domicile !
Un point d’attention reste cependant peu traité pour l’instant : comment développer toutes ces interfaces et cette connaissance client sans pénétrer dans la vie privée des utilisateurs ? Quel niveau de contrôle et de transparence ces géants peuvent-ils offrir ? Enfin aucun système n’est infaillible : la sécurité est souvent mal prise en compte ou sous estimée dans les objets connectés. Les attaques de demain pourraient ainsi se déplacer de nos ordinateurs à tous les objets autour de nous.
Dans tous les cas, ces écosystèmes et/ou cette normalisation prendront certainement du temps. Et d’autres acteurs plus petits mais très innovants peuvent encore créer des dynamiques complémentaires aux deux mastodontes américains. En attendant, profitons de toutes ces innovations et apprécions le fait d’être partie prenante de ces évolutions du quotidien !