Après un premier voyage en Afrique pour découvrir comment la télémédecine progressait grâce aux devices mobiles, nous vous proposons désormais d’ouvrir un nouveau chapitre sur ce sujet en revenant dans l’hexagone.
Découvrons la première version de cabine de télémédecine implantée en France et l’impact que ces dispositifs pourraient avoir sur le système de santé français.
Les cabines de télémédecine : désormais une réalité en France
La Consult Station : un accès simplifié à de nombreux examens médicaux
C’est en janvier 2014, dans une résidence pour séniors de Cluny (Bourgogne), qu’a été installée la première Unité Médicale Autonome (UMA) française, baptisée Consult Station.
Déjà lancées dans plusieurs pays du monde, les UMA n’avaient jusqu’à présent pas été déployées en France. C’est désormais chose faîte grâce à la start-up H4D, qui a travaillé pendant 5 ans sur ce projet, sous l’impulsion du Docteur Franck Baudinot.
Cette UMA qui ressemble à une cabine de douche ovale, est disponible pour deux usages :
- La télésurveillance : mesure de la tension artérielle, du rythme cardiaque, du taux d’oxygène sanguin, du poids, de la taille (IMC) et de la température.
- La téléconsultation : permettant, en complément, de réaliser des examens approfondis (électrocardiogramme, stéthoscopie, examens ORL et cutané via des lecteurs optiques).
Quel que soit le modèle de Consult Station, le patient est guidé par l’écran et les consignes diffusées dans la cabine pour réaliser ses examens. Les résultats sont ensuite imprimés sur un ticket papier et disponibles sur le site web www.jemesurveille.com, avec un accès sécurisé pour lui comme pour son médecin traitant (automatiquement prévenu) et intégré à son Dossier Médical Personnel (numérique). Avec les UMA de téléconsultation, le patient peut également échanger par visioconférence avec son médecin et bénéficier d’une télétransmission automatique du décompte de prestation à l’Assurance Maladie via sa carte Vitale.
Où pourrez-vous trouver une Consult Station ?
Le premier modèle, destiné à la télésurveillance, a été installé dans une résidence pour séniors « techno-friendly » (équipées de capteurs de mouvements, de détecteurs de présence, d’alertes visuelles et sonores..) en Bourgogne. L’UMA représente ici une technologie complémentaire aux dispositifs existants en facilitant le suivi des maladies chroniques.
Mais d’autres types de structures pourraient être amenées à accueillir une Consult Station pour permettre un usage autonome mais encadré : les structures d’assistance (hôpitaux et cliniques caserne de pompiers…), les structures publiques de proximité (mairies, maisons de retraites…) et les structures privées (clubs de vacances à l’étranger, entreprises, plateformes pétrolières….).
Dans tous les cas, l’UMA doit se trouver dans une structure surveillée pour éviter tout abus et ne pas favoriser les comportements hypocondriaques.
Une remise en cause du modèle de santé français ?
Côté patients : des bénéfices locaux prometteurs pour répondre à des enjeux actuels et grandissants
La Consult Station vise à permettre la réalisation autonome d’examens médicaux pour pallier à la désertification médicale de certaines zones rurales et donc éviter aux patients des déplacements fréquents et difficiles. C’est notamment le cas pour les personnes âgées ou précaires.
Par ailleurs, cette innovation pourrait permettre de désengorger les services d’urgence : soit en constituant une alternative à l’hôpital pour les cas non-graves (les soirs, week –ends et jours fériés notamment), soit en étant installée dans les hôpitaux pour « automatiser » la première étape de prise en charge, permettant un gain de temps estimé à 30% environ).
Côté médecins : une nouvelle forme de concurrence ?
Ces cabines pourraient représenter une concurrence pour les médecins dans les zones rurales où le suivi de maladies chroniques au sein de populations vieillissantes représente une part importante de l’activité.
Cependant, le déploiement des Consult Station sera probablement lent et limité, ces populations risquent d’être majoritairement réticentes au changement et surtout, la téléconsultation sera vraisemblablement la fonctionnalité la moins priorisée.
En effet, ces cabines permettent un monitoring des principales « constantes » mais elles ne dispensent aucun diagnostic, conseil ou traitement. Or c’est, avec l’écoute, principalement ce que viennent chercher les patients lors de leurs consultations chez un médecin. Les deux types de services médicaux seront donc vraisemblablement complémentaires dans les zones où ces UMA seront déployées.
Enfin, ce type de cabine pourrait même devenir l’allié du médecin : elle lui permettrait de réduire ses déplacements et donc alléger sa charge de travail en optimisant ses consultations pour se concentrer sur les actes à valeur ajoutée (conseils, examens complexes…).
Alors évolution ou révolution?
En leur promettant des journées moins chargées et des déplacements moins nombreux la Consult Station incitera-t-elle davantage de jeunes médecins à s’installer en zones rurales ? Contribuera-t-elle à faciliter l’accès aux soins des deux millions de Français vivant dans les déserts médicaux ? Pour cela, cette innovation pleine de promesses, devrait être largement déployée sur le territoire….
Pour l’instant, une quarantaine de produits a été commandée à la société H4D. Or l’industrialisation est la condition sine qua non pour bénéficier d’un vrai effet d’entraînement et de synergies. Espérons qu’un tel succès permettrait également de faire diminuer le coût d’achat d’une Consult Station, qui est pour l’heure de … 97 200€ en moyenne.
En revanche, la vraie question est probablement la valeur ajoutée de ces UMA alors que les montres et bracelets connectés (incluant des mesures de tension et de pouls, des podomètres…) connaissent un véritable essor et sont considérablement moins coûteux.
Tout d’abord, la cible semble pour l’instant être différente : jeune, urbaine, sportive et adepte du quantified self pour les montres et bracelets connectés, plutôt âgée, rurale et sédentaire pour les UMA. Par ailleurs, les montres et bracelets restent de l’ordre de l’investissement individuel alors que les UMA – à l’instar des Consult Station – sont davantage pensés et exploités comme des dispositifs de service public. Enfin, les fonctionnalités et examens complexes (stéthoscopie, examens dermatologiques et ORL, électrocardiogrammes) proposés par les UMA ne sont pour l’instant pas prévus pour les montres et bracelets connectée, même pour l’iWatch qui devrait bientôt voir le jour.
En synthèse, il semble que ces UMA ne seront qu’une innovation parmi d’autres qui modifieront – et, espérons-le, amélioreront- le rapport entre les Français et le secteur de la santé. Étant donné l’offre existante, cette innovation semble plutôt limitée aux collectivités locales désireuses de pallier la désertification de leurs territoires.
Cependant, après la vente libre de certains médicaments et la volonté d’élargir le périmètre des pharmaciens (pour éviter le recours systématique aux consultations médicales), ces cabines pourraient marquer une nouvelle étape dans la « self carisation » de la santé. Cela annonce-t-il une plus grande responsabilisation des patients ou une société où tout le monde peut-être son propre médecin ? La vigilance s’impose en vertu du sacro-saint « principe de précaution ».
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