Snapchat a sorti une mise à jour majeure le 1er mai pour se lancer dans la messagerie instantanée et le chat vidéo. Ces nouvelles fonctionnalités renforcent la popularité de Snapchat auprès des adolescents américains. Snapchat a récemment déclaré enregistrer jusqu’à 700 millions d’échanges de photos ou vidéos appelés « snaps » au quotidien. La société vient directement concurrencer les géants du secteur (Facebook Messenger, WhatsApp…) afin de poursuivre sa croissance vertigineuse et devenir rentable.
Ce message s’autodétruira dans cinq secondes
L’application de partage de photos éphémères, décrite dans notre précédent article : Snapchat, le réseau social sécurisé qui buzz, permet désormais d’échanger des messages instantanés et d’effectuer des appels vidéo. Les conversations vidéo déployées par Snapchat rompent avec le code habituel. Il suffit que le destinataire soit en ligne pour l’appeler et apparaître automatiquement sur son écran, plus besoin d’une invitation. Une fois consultés, les échanges sécurisés disparaissent du terminal de l’utilisateur et des serveurs de la start-up californienne, en théorie (voir notre article : Des hackers mettent en péril le pari de Snapchat).
En novembre 2013, Snapchat aurait refusé son achat par Facebook et par Google pour des montants respectifs de trois et quatre milliards de dollars. La société dit vouloir boucler une levée de fond de 200 millions de dollars ce qui porterait à 370 millions de dollars le total des montants levés depuis la création du réseau d’après le site Business Insider. Snapchat attire les investisseurs et les géants du web alors que l’entreprise ne génère toujours pas le moindre chiffre d’affaires.
Le principal défi de Snapchat : devenir rentable
Snapchat devrait générer environ 500 millions de dollars de revenus pour justifier une telle valorisation. Comment Snapchat pourrait obtenir une telle somme ? Voici les solutions les plus probables :
- Modèle d’abonnement : Snapchat pourrait simplement facturer directement les utilisateurs pour utiliser son service. WhatsApp demande une cotisation annuelle après la première année d’utilisation par exemple.
- Approche Candy Crush : Snapchat pourrait proposer une limite d’utilisation gratuite (nombre de « snaps », durée de la vidéo) au-delà de laquelle l’utilisateur devra effectuer un micropaiement.
- Ventes flash : Une vente flash est une vente promotionnelle dont les conditions tarifaires sont limitées dans le temps. Snapchat pourrait proposer une version plus poussée dans laquelle les offres dureraient quelques secondes au lieu de 24 heures par exemple. Ce format a déjà été expérimenté avec les produits d’une chaîne de yaourt glacé à New York.
- Biens virtuels : Evan Spiegel, PDG de Snapchat, a manifesté son intérêt pour les transactions in-app. L’utilisateur pourra obtenir le droit d’utiliser des filtres photo, d’envoyer des émoticônes ou des cadeaux virtuels à ses contacts grâce à des micropaiements.
- Publicité : Snapchat a déjà expérimenté avec succès l’envoi d’une vidéo ou d’une photo sponsorisée tous les 20 à 30 « snaps ».
Mais comment attirer les annonceurs puisque le service supprime son plus grand atout : ses données ? Les informations utiles aux annonceurs pour cibler les usagers sont les métadonnées des interactions de l’utilisateur (avec qui, où, quand et comment ?) plutôt que le contenu même des échanges. En stockant et en analysant uniquement les métadonnées, Snapchat pourrait créer des groupes cibles d’utilisateurs et vendre des annonces ciblées comme Facebook mais avec des coûts d’exploitation moindre. En effet, Snapchat n’a pas besoin de stocker ou de retransmettre les messages après livraison de ces derniers. Pour cela, Snapchat doit augmenter considérablement sa base d’utilisateurs, estimée aujourd’hui à 50 millions par Forbes. La société convoite donc les utilisateurs de messagerie ou de chat vidéo comme Facebook, WhatsApp ou encore Skype.
Une technologie capable de concurrencer Facebook ?
Snapchat se concentre sur les échanges de courte durée tandis que la concurrence s’avère plus pertinente pour des conversations longues. L’application « Facebook Poke », réponse de Facebook au phénomène Snapchat a été lancée fin 2012 et a été un cuisant échec. L’entreprise est très convoitée par la firme de Mark Zuckerberg qui avait reconnu une baisse de fréquentation de son réseau par les jeunes Américains en septembre 2013. En effet, Snapchat connait une popularité grandissante aux Etats-Unis : 9 % des mobinautes américains l’utilisent, d’après le Pew Research Center. Cette croissance se combine à un certain désintérêt des adolescents vis-à-vis de Facebook, peut-être à cause d’une appréhension à l’égard de la vie privée : 76 % des adolescents américains sont inquiets de la sécurité des données qu’ils mettent sur internet et 43 % sont même « très inquiets » d’après le Family Online Safety Institute. Ces chiffres sont en augmentation par rapport à l’an dernier, quand 35 % des adolescents étaient « très inquiets ». Mais Facebook ne baisse pas les bras et veut s’imposer sur les mobiles : Mark Zuckerberg superviserait en personne la conception d’une nouvelle application similaire à Snapchat, baptisée « Slingshot » en interne. Elle pourrait être dévoilée avant la fin du mois, assure le Financial Times.
En enrichissant son offre de fonctionnalités, Snapchat veut rester leader face aux messageries et réseaux sociaux mobiles émergents (Viber, WhatsApp, Line, WeChat, KakaoTalk, Kik…). Ces nouvelles fonctions placent Snapchat en concurrence directe avec Facebook qui oblige ses utilisateurs mobiles à télécharger une deuxième application, « Facebook Messenger », pour la messagerie instantanée. L’ambition de Snapchat est bien de devenir la principale plateforme d’échanges instantanés pour la prochaine génération de mobinautes grâce à une utilisation mobile, immédiate et sans traces. Facebook, le réseau social des parents, pourrait rapidement devenir moins « cool ».