Plus fort que mister Q, génial inventeur et pourvoyeur de gadgets à destination du célébrissime agent 007, une start-up de San Diego est en passe de commercialiser Cue, un laboratoire médical miniature connecté. Ce dernier ne se contente pas de mesurer à distance la pression sanguine ou le rythme cardiaque mais tracke l’état de santé de son possesseur au niveau moléculaire. Comment l’idée de Cue est-elle née? Que « promet » sa première version? Quel serait l’impact sur les laboratoires médicaux dans le domaine de la santé?
Quand le malheur des uns fait le bonheur des autres
Au plus fort du pic de contamination de la grippe porcine H1N1 en 2009, les urgences, les cabinets de médecins et les laboratoires sont envahis. De ces longues heures d’attente émerge une brillante idée. Une start-up basée à San Diego se donne pour objectif de développer une technologie de diagnostic miniaturisée utilisant les mêmes principes que les kits de test utilisés dans les laboratoires médicaux. En misant 1 million de dollars sur un objet connecté électronique-mécanique-chimique en capacité de quantifier l’état de santé au niveau moléculaire, un business angel fait pousser des ailes à Cue.
L’oiseau prend son envol et tire partie de la fabrication low-cost de plastique et de capteurs biologiques à l’échelle industrielle. Au fur et à mesure du développement du produit, les fondateurs s’aperçoivent que le dispositif est hautement adaptable à d’autres examens de laboratoire conduits via la méthode immuno-enzymatique ELISA (Enzyme-LinkedImmunoSorbentAssay). Comment Cue automatise-t-il ces opérations ?
Diagnostiquer à domicile c’est facile
Les tests basiques de détections d’antigènes ou anticorps menés en laboratoire sur des prélèvements ciblent des molécules très précises. C’est ce principe fondamental que la start-up a miniaturisé et industrialisé en développant et intégrant des technologies de capteurs biologiques et microfluidiques. Cue réagit chimiquement à un échantillon pour créer un signal électrique capté par un détecteur sur une cartouche jetable. Ce dernier est ensuite traduit numériquement, puis le résultat est transmis via Bluetooth 4.0 à un smartphone.
Dans la première version prévue, le laboratoire connecté exploite aussi bien des prélèvements de sang, de salive ou nasaux effectués via des baguettes adaptées (avec une petite lancette pour percer la peau et récupérer une goutte de sang). Ces derniers sont ensuite introduits dans des cartouches spécifiques à chaque type de test : grippe, fertilité, testostérone, vitamine D et inflammation pour commencer. La start-up se donne pour objectif d’intégrer l’ensemble des tests effectués en laboratoire à terme. Est-ce un scénario crédible?
Les laboratoires médicaux vont-ils disparaître?
Tentons de répondre à cette question au travers de trois dimensions : la fiabilité, le gain de temps, le pricing.
D’abord, la promesse technologique de Cue est d’automatiser des processus dans lesquels l’humain intervient. Industrialiser c’est supprimer la quasi-totalité du risque d’erreur humaine et donc fiabiliser.
Ensuite l’interconnexion entre le boîtier et un smartphone permet à un utilisateur d’obtenir ses résultats en temps réel, mais également de les partager par exemple avec son médecin traitant. Le laboratoire miniature mise ainsi sur le tout connecté pour surfer sur l’émergence de la télémédecine.
Enfin, la start-up a construit son business model sur la vente de 2 produits : le device (300$, 199$ en pré-commande actuellement) et les cartouches individuelles. Ces dernières seraient vendues à la demande ou via un abonnement. Ainsi, un lot de 3 cartouches de test pour la grippe serait vendu à 30$. Pour les autres tests, un pack de 5 cartouches serait vendu 20$. L’interprétation des données et leur visualisation via l’application seraient totalement gratuits.
A ce prix, à quel horizon l’achat du dispositif devient-il rentable pour un foyer? Le gain en autonomie justifierait un surcoût limité mais peut-être pas d’un point de vue utilisateur. La réponse dépend donc des spécificités du système de santé et des taux de remboursement des tests aujourd’hui effectués en laboratoire. A moins que des mutuelles ou systèmes de sécurité sociale, favorables à la baisse de leur coût, n’intègrent dans leur politique le remboursement de Cue et de l’achat de certaines cartouches à terme?
De l’automesure à la télémédecine
Dans la lignée de l’explosion de la mouvance du quantified-self, … Cue entend s’intégrer aux autres dispositifs pour venir étoffer le contexte d’automesure. Par exemple, les résultats de la mesure de l’inflammation musculaire suite à un entraînement sportif via Cue pourraient compléter les données recueillies par un tracker d’activité physique pour optimiser les performances en adaptant l’activité.
Corrélation et causalité n’allant pas de pair, le laboratoire connecté miniature ne doit pas se transformer en boîte de Pandore. Adapter son alimentation ou son hygiène de vie sur la seule foi de métriques est un Graal dangereux à ne mettre qu’entre des mains averties. Le smartphone devient alors un excellent moyen, via la communication des résultats à son médecin traitant, de sécuriser en partie la mise en main d’information sensibles car complexes à interpréter. La télémédecine arrive, les professionnels de santé sont-ils prêts?
La commercialisation aux États-Unis de « la lampe d’Aladdin » médicale est prévue au premier semestre 2015 sous condition d’autorisation délivrée par la FDA.