Si l’impression 3D affole les industriels et va jusqu’à s’inviter en bourse, ses perspectives en termes de Do It Yourself sont encore assez floues de par de la vitesse d’évolution de la technologie, de sa standardisation auprès du grand public et de la modification en profondeur de l’économie et du modèle industriel que cela implique. A plus court terme l’impression 3D pourrait démocratiser les fablabs. Qu’est-ce qu’un fablab ? Quels scénarios de relocalisation de la production ce concept pourrait-il favoriser dans le futur ? Quels pourraient être les obstacles à lever ?
Les Fablabs, c’est quoi ?
Une idée née il y a 10 ans
Le fablab, de la contraction des mots FABrication LABoratory, est un atelier intégrant des machines-outils mises à disposition auprès du grand public, c’est-à-dire une plate-forme de prototypage rapide.
Le concept, né en 2004, est réglementé. Un fablab obéit obligatoirement à une charte mise en place par le MIT. En Août 2012, l’International Fablab Association comptait ainsi 149 fablabs dans le monde. Ces derniers s’appuient sur 15 machines-outils recommandées et mises en ligne par le MIT. En revanche chaque entité développe sa propre architecture et ses propres projets. Le fablab de Jalalabad par exemple a lancé un grand projet de démocratisation du WiFi, le projet FabFi. Celui de Barcelone se spécialise plutôt dans l’aide aux projets architecturaux utilisant les technologies numériques.
Du Do it Yourself vers le Do it With Others
Les fablabs constituent un réseau dynamique et croissant organisé pour favoriser les échanges et partager les expériences et connaissances. Regroupant des chercheurs, des informaticiens et des artistes qui ensemble font vivre l’endroit sous la loi du « imaginer, fabriquer, partager », ils sont donc une excellente illustration de l’évolution du Do It Yourself vers le Do It With Others. Cet écosystème de promotion de l’innovation ascendante permet de se réapproprier des moyens de production réservés au milieu professionnel mais également aux utilisateurs d’être actifs dans leur consommation plutôt que passifs : il implique nécessairement une meilleure compréhension du produit et de ses processus ainsi qu’une réelle participation de leur part .
Les notions de relocalisation et de désaliénation font donc partie intégrante de la réflexion sur les fablabs. Néanmoins, ces derniers n’ont pas pour vocation à se substituer à une production industrielle classique : ils permettent le prototypage, c’est-à-dire qu’ils interviennent en amont de la chaîne de production et ne peuvent a priori pas la remplacer. Après 10 ans de vie, quel(s) futur(s) imaginer pour les fablabs ?
L’usine de quartier : rêve ou futur proche ?
Un scénario de niche
Le Do It Yourself est une mode à contre-courant : l’industrie tend à simplifier autant l’achat que l’usage. Donc l’arrivée chez le particulier d’un processus de création, bien que révolutionnaire, pourrait avoir du mal à se développer au sein du grand public : seuls quelques avertis, quelques amateurs comme c’est déjà le cas, feraient l’effort de se réapproprier la production. Le Do It Yourself n’est pas simple, il demande un apprentissage technique et sociétal auquel le plus grand nombre ne veut pas ou ne peut pas accéder.
Un scénario inverse : une pénétration quasi-totale
Lors d’un précédent article sur le blog, la notion d’impression 3D avait été largement abordée. Bien que la croissance des ventes des imprimantes 3D personnelles diminue (tout en restant proche des 50%) l’arrivée sur le marché d’imprimantes à moins de 500 euros (Buccaneer, 347 dollars ou la Peachy cet été, 100 dollars) pourraient déclencher un nouveau phénomène auprès du grand public. A son époque, l’imprimante 2D, démocratisée et couplée avec le tout numérique, a pratiquement éliminé le marché des imprimeurs pour particuliers. L’impression 3D va-t-elle avoir le même effet à plus grande échelle ? A moyen terme l’achat de « patrons » numériques va-t-il se substituer à l’achat d’objets physiques fabriqués en usine et vendus en magasin ? Les modèles standards de production et de vente seraient alors progressivement remplacés par l’achat sur internet de pièces numériques, de « patrons », que le particulier produirait.
Un scénario de commerce de proximité
L’appropriation de la production et le Do It Yourself ne sont pas forcément ancrés dans les mœurs. De ce fait un scénario intermédiaire est également envisageable. L’utilisateur achèterait des « patrons numériques » tout en déléguant le prototypage de la fabrication à un « artisan » : un magasin de fabrication, très fourni en matières premières, dont l’équipement serait fondé sur les recommandations du MIT pour les machines. Cette usine de proximité fabriquerait, sur demande du client, les pièces dont il aurait acheté les plans. Ces magasins de fabrication pourraient prendre place au coin de la rue et s’intégrer à la vie de quartier comme toute autre enseigne. C’est le concept « d’usine de quartier », avec bien sûr toute l’accessibilité et la personnalisation que cela engendre en ce qui concerne les pièces.
L’usine de quartier face à des défis : 2 exemples
Le marché des « patrons » numériques semble avoir de l’avenir. D’ailleurs, le site thepiratebay.se a déjà créé une section physibles qui propose aux Makers de partager leurs créations, tandis que le site Shapeways.com propose déjà à ses clients, en tant qu’intermédiaire, de vendre leurs créations sur le site. Toutefois des obstacles à l’explosion de ce concept restent à lever.
Le risque de contrefaçon
Si actuellement la philosophie Open-source domine et ne donne donc pas lieu au piratage, l’arrivée d’acteurs professionnels et donc de la notion de confidentialité pourrait changer la donne. La sécurité numérique et la propriété intellectuelle deviendraient des questions centrales pour éviter le développement de marchés parallèles.
A l’image de l’industrie du luxe, les « patrons» numériques seraient dupliqués à moindre coût avec tous les enjeux de qualité que cela implique : des plans peu ou pas finis, ne s’adaptant ni aux usages ni aux utilisateurs et donnant lieu à une production de très basse qualité. La contrefaçon numérique a ici un bel avenir devant elle si les garde-fous appropriés ne sont pas très vite mis en œuvre.
L’enjeu des matières premières
La fabrication d’objets, quelle qu’elle soit, nécessite en amont l’apport de matières premières. Si un groupe industriel peut acheter de grandes quantités de silicone, par exemple, et ainsi réduire ses coûts de production au maximum, comment notre usine de quartier pourra-t-elle procéder ? Le développement de ce modèle local va-t-il être freiné par la structure des coûts ? Comment réduire ces derniers pour rester concurrentiel vis-à-vis de géants industriels ? La réponse se trouve probablement à la croisée des chemins entre l’émergence d’un réseau s’appuyant sur des centrales d’achats et l’adoption d’une politique véritablement orientée service à valeur ajoutée à la maille locale.
La relocalisation de la fabrication, concrétisée par l’initiative FabLab, a la possibilité de transformer le paysage industriel mondial. Plusieurs projets ont déjà eu lieu en France tel que l’ouverture du WoMa à Paris (WOrking & MAking). Selon l’orientation que prendra le marché, son ouverture au public et les décisions politiques qui seront prises en parallèle, les scénarios restent multiples et complexes ; c’est donc une réelle nécessité que de suivre les décisions économiques et tactiques qui vont être prises dans les années à venir sur le sujet.
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