Nous vous présentions il y a quelques jours le fonctionnement de Bitcoin et les intérêts que présentent les monnaies virtuelles. Mais aujourd’hui, elles sont également largement décriées. Quels sont donc les risques liés à l’utilisation et à la démocratisation de Bitcoin ?
Une extrême volatilité liée à l’absence de régulation
Par construction, les crypto-monnaies comme Bitcoin sortent du périmètre de toute régulation bancaire, ne permettant pas d’assurer une stabilité financière à la monnaie. Il résulte de ce statut une extrême volatilité : la monnaie a connu une explosion de +5000% sur l’année 2013 ! Elle enregistre d’énormes variations sur des périodes courtes. Par exemple, sa valeur a quintuplé au mois de novembre.
Le graphique ci-dessous, issu du site bitcoincharts.com, montre cette évolution sur l’année.
Ces impressionnantes variations ont deux principaux déclencheurs : les régulières remises en cause de la sécurité de Bitcoin, mais surtout les effets d’annonce des États et des « gros » du web qui prennent position au fur et à mesure. Ainsi, l’annonce de l’acceptation de Bitcoin comme devise début janvier par l’éditeur de jeux Zynga a permis à la monnaie virtuelle de prendre plus de 20% de valeur en l’espace d’un week-end, repassant ainsi la barre des 1000 dollars. Et chaque annonce génère un soubresaut monétaire, dans le bon comme dans le mauvais sens. Apple refuse la monnaie et les applications qui l’utilisent sur l’App Store, Ebay et Paypal y montrent un intérêt mais restent frileux…
La structure des investisseurs inquiète également : il semblerait que près de 50% de la monnaie soit détenue par un petit millier de personnes, à mettre en regard d’un million d’investisseurs.
Investir dans Bitcoin représente donc un risque non négligeable dans un marché hautement spéculatif : si aujourd’hui la monnaie bénéficie d’une image très positive auprès des investisseurs de la première heure qui ont réalisé des gains importants, les nouveaux entrants pourront être déçus dans le futur.
Les États prennent position, mais semblent subir le succès de Bitcoin
Face aux risques qu’amène la généralisation d’une monnaie virtuelle non régulée, la Banque de France s’inquiète, et plus largement les États commencent à se positionner pour pallier le vide juridique autour des monnaies virtuelles.
Si le cours de la monnaie n’est pas soumis à régulation, la Banque de France insiste sur la nécessité d’encadrer la conversion de Bitcoin dans les monnaies régulées. Comme pour un service de paiement, les plateformes de conversion seraient soumises à un agrément amenant un semblant de contrôle sur l’utilisation des fonds et la sécurité des transactions. Un premier pas vers le contrôle qui ne suffit cependant pas, les transactions commerciales entre acteurs économiques restant à surveiller. L’ACPR se positionne aussi dans la foulée, l’utilisation des Bitcoins étant inéluctable.
À travers le monde, les positions sont variées. Ainsi, les institutions financières chinoises ne reconnaissent pas Bitcoin, mais les particuliers peuvent l’utiliser bien que la Chine soit très frileuse face aux mouvements de capitaux vers l’extérieur du pays, notamment anonymes. Les États-Unis ont renforcé les exigences en termes de lutte contre le blanchiment et le terrorisme pour les plateformes d’échange, où le moyen de paiement est également légal.
Plus original, l’Allemagne demande désormais la déclaration de Bitcoin en tant que monnaie privée, le ministère allemand des Finances espérant ainsi collecter des impôts ! Et avec 25% de taxe sur la revente de monnaie la première année, cette mesure peut s’avérer dissuasive pour les spéculateurs !
L’image de Bitcoin est ternie par les trafics illégaux qu’elle permet
Si le cours de Bitcoin échappe à tout contrôle, l’usage de la monnaie est étroitement scruté : les autorités souhaitent contrôler la légalité des achats et détecter tout trafic illicite, mais aussi empêcher le blanchiment d’argent.
Ce qui fait une des forces de Bitcoin, l’anonymat des transactions, pourrait bien se retourner contre le système en permettant le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et les activités criminelles comme la vente de biens ou services illicites.
Une autre monnaie virtuelle, Liberty Reserve, avait fait les frais de ces dérives menant à sa fermeture. Elle avait été le vecteur d’un des plus gros dispositifs de blanchiment d’argent aux États-Unis avec près de 6 milliards de dollars. Face à cette menace pour son image, Bitcoin se défend d’être une couverture pour activités illicites mais souffre de scandales tels que celui de Silk road.
Une monnaie ciblée par la cybercriminalité
La flambée du cours de Bitcoin attire bien sûr les convoitises, et la monnaie est devenue la cible de la cybercriminalité qui entend bien profiter des failles de sécurité du système. Le protocole en lui-même est régulièrement remis en cause, et deux types principaux types d’attaques sont observés, remettant en cause à la fois la stabilité de la monnaie et la sécurité du portefeuille de ses détenteurs.
Plusieurs attaques de botnets basées sur le même schéma ont été observées. Un malware permet la duplication illicite des Bitcoins sur le poste d’un « mineur » qui participe à l’élaboration de la monnaie et renvoie aux cybercriminels ces Bitcoins générés sans que l’utilisateur n’en ait eu conscience. Ils les revendent, et la monnaie étant basée sur un nombre déterminé d’unités sa valeur est déstabilisée.
La vulnérabilité des portemonnaies des utilisateurs est également pointée du doigt. Sans mécanisme de coffre-fort numérique, il est difficile de garantir la sécurité de Bitcoin. Des plateformes d’échange ont ainsi fait l’objet d’attaques, et les portefeuilles personnels sont aussi à la merci des pirates ou encore d’un crash de disque dur… La société donne des conseils à ses utilisateurs pour se protéger, et des services assimilables à des banques en ligne comme Coinbase se développement pour mettre l’or virtuel à l’abri.
Bitcoin, feu de paille ou monnaie durable ?
Tiraillé entre des usages prometteurs, des risques financiers, de sécurité intérieure et de sécurité informatique, Bitcoin fera certainement encore couler beaucoup d’encre dans les mois à venir. Saura-t-il éviter les écueils qui ont fait sombrer Liberty Reserve et d’autres avant lui pour placer les monnaies virtuelles au même rang que les monnaies physique ? S’il est clair que Bitcoin est encore trop jeune pour y investir beaucoup d’argent, il propose d’ores et déjà une alternative viable pour les paiements en ligne sur certains sites. Phénomène de mode ou réelle alternative à long terme, l’avenir le dira !
Il faudrait aussi parler de l’opacité des chambres de compensation qui interagissent entre monnaies virtuelles et réelles. La criminalité qui profite de ce floue n’est par ailleurs pas exclusivement issue du milieu underground des cyberpirates, la criminalité en col blanc contribue aussi aux fluctuations du cours de ces monnaies virtuelles.